Qui est l'agent de joueur Antonio Caliendo, père des Golden Foot à Monaco ?
Avant la cérémonie des 17e Golden Foot, ce mardi soir à l’Hôtel Fairmont, nous avons rencontré leur fondateur et premier agent de joueur au monde, Antonio Caliendo. On a branché le magnéto et rien jeté. Un délice
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Thomas MICHEL (tmichel@nicematin.fr)Publié le 12/11/2019 à 08:16, mis à jour le 12/11/2019 à 08:22
Antonio Caliendo dans son bureau monégasque aux airs de temple du football.Jean-François Ottonello
Comment tout a débuté pour vous?
J’ai commencé comme éditeur en Italie et j’ai inventé des agendas scolaires illustrés avec des joueurs qui étaient sous contrat avec moi. Le premier était Giancarlo Antognoni, qui a aussi été le premier joueur au monde à mettre son image au service de la publicité, en 1974, pour une ligne de vêtements. La première édition a été un grand succès avec 500.000 exemplaires vendus en 15 jours. La deuxième année, 800.000. La troisième année, de grandes maisons d’édition ont repris l’idée et sont rentrées sur le marché avec leur puissance. J’ai dû complètement changer mon projet.
Pour devenir le premier "procuratore" (agent de joueur)?
En 1973, je suis allé voir Giancarlo Antognoni pour le faire rentrer dans la publication à venir. Il a signé le contrat sans même le lire !ça a été le déclic. Je me suis dit que c’était un métier, que les joueurs avaient besoin de quelqu’un pour les aider sur tous les aspects des contrats. Il n’y avait pas de trait d’union entre le joueur et l’équipe, j’ai voulu combler ce vide.
Votre assistance dépassait les aspects économiques et juridiques…
Oui, il y avait aussi la préparation physique. Pas mal de joueurs, surtout les Sud-Américains, étaient habitués à se préparer différemment et quand ils rejoignaient d’autres pays, ils en arrivaient souvent au clash avec les clubs.
"J'étais très détesté, boycotté"
Comment les clubs ont-ils perçu le fait que vous vous immisciez dans leurs affaires?
J’étais très détesté. La première année, j’ai été boycotté. On refusait catégoriquement de me recevoir car, à l’époque, le joueur devait signer sans faire d’histoires, sinon les équipes le menaçaient de le céder de suite dans une autre équipe secondaire pour l’intimider. Ils voulaient décider de tout, le joueur ne pouvait rien dire.
Quand les clubs se sont-ils rendu compte que le fait que vous délestiez le joueur de certains aspects pouvait le rendre meilleur pour l’équipe?
J’ai gagné ma première bataille avec le président de Vérone. Mon joueur, Luciano Marangon, arrivait au terme de son contrat et il avait demandé au président de le prolonger. Il gagnait 600 millions de lires (30.000 euros aujourd’hui) et j’ai demandé dix fois ce prix. Le président a refusé et dit que j’étais fou.
Alors?
J’ai appelé le joueur et je lui ai pris un billet d’avion pour Naples. Il est parti une bonne semaine en vacances à Capri avec sa fiancée. Le lendemain, l’équipe partait en mise au vert et Marangone ne s’est pas présenté. Ils ont appelé pour me demander où il était et j’ai répondu : “Je ne sais pas, il est sans contrat” [rires]. Le président m’a rappelé pour me dire que j’exagérais en demandant cette somme astronomique. Je lui ai dit que le joueur était aussi demandé par d’autres clubs… Ils ont fini par signer.
C’est ce bras de fer qui a définitivement modifié les relations clubs/joueurs?
Absolument. L’un des plus grands journalistes sportifs de l’époque, Aldo Biscardi, m’a immédiatement contacté pour témoigner à la télévision. À partir de ce moment, tout a changé.
Et créé un appel d’air à l’arrivée d’autres agents sur le marché?
Non, il n’y avait que moi. Personne n’était préparé pour ça. C’est moi qui en recrutais et les formais.Et ils sont devenus petit à petit mes concurrents.On était cinq lorsque j’ai eu l’idée de créer la première association des agents de joueurs en 1986. Ils étaient tous mes collaborateurs.
Vous avez donc réussi à garder la main sur ce que vous aviez créé…
Oui. En 1986, l’année où Berlusconi achète le Milan AC. J’ai signé neuf joueurs pour son équipe. Et j’ai proposé à Domenico Di Biase, l’un des plus grands magistrats en Italie, de devenir le président de cette nouvelle association. Il a accepté après avoir demandé au Conseil supérieur de la magistrature. Plus tard, c’est lui qui supervisait l’enquête du juge Antonio di Pietro dans l’affaire Mani Pulite ["Mains propres", célèbre opération anti-corruption en Italie, ndlr].
Caliendo, comme un père pour Roberto Baggio
Roberto BaggioPhoto archives Nice-Matin.
On ne devient pas un agent de la trempe d’Antonio Caliendo sans la fibre paternelle. Et s’il y a bien un joueur avec lequel il a entretenu une relation père-fils, c’est Roberto Baggio, "Il Divin Codino" (le "divin à la queue-de-cheval"). Sur les conseils d’un ami, Caliendo découvre le gamin à Vicenza. "Le lendemain il est parti à la Fiorentina", rappelle l’agent. Sauf que lors de ce match, Baggio brille techniquement mais se blesse au genou en marchant dans un trou.
La Fiorentina souhaite que ses médecins gèrent la blessure mais Caliendo a lu dans un journal que le professeur Bousquet, à Saint-Etienne, revient des États-Unis avec une nouvelle technique de soins.
Les dirigeants de la "Viola" profitent de l’absence de Caliendo pour hospitaliser Baggio. Alors que l’opération est imminente, l’agent appelle la mère de son poulain.
"Je lui ai demandé de prendre sa voiture et de foncer à l’hôpital pour tout bloquer jusqu’à ce que j’arrive !En arrivant, j’ai dit à Roberto: “Prends tes affaires et file à la maison !”."
Le président de la Fiorentina ne tarde pas à rappeler que le joueur lui appartient. "Je lui ai dit: Le joueur est à vous, c’est vrai, mais sa santé est à nous.Il m’a demandé de payer tous les frais.J’ai dit OK, on a pris le jet privé et on est parti à Saint-Etienne."
Le professeur Bousquet constate la rupture des ligaments croisés mais assure à Baggio qu’il sera sur pied dans trois mois. Ouf!Il est opéré et Caliendo croise le président de la "Viola" qui sort de la chambre du convalescent.Ils s’échangent un bonjour.
"Roberto, qui venait d’être acheté et n’avait pas encore joué, me dit : “Ils sont gentils.Ils viennent de me proposer quatre ans de contrat, c’est qu’ils tiennent à moi”.Je lui ai répondu : “T’es un con, tu n’as rien compris.Tu sais ce que dit le règlement ?Si tu ne peux pas jouer pendant six mois, seul le club pourra décider de poursuivre le contrat. Les quatre ans de contrat c’est pour se protéger eux et pas toi.” Je me suis énervé et j’ai demandé 2 milliards de lires. Ils sont devenus fous. J’ai dit à Baggio : “Si tu veux faire quatre ans de contrat et qu’ils payent d’avance, alors, là, ils t’aiment vraiment [rires]."
La Fiorentina prend en charge la rééducation de Baggio et à son retour lors d’un petit tournoi à Viareggio, Caliendo s’étonne.
"Je ne suis pas un spécialiste mais je remarque que le muscle de sa cuisse droite est plus petit que celui de la gauche. J’avais appelé le président de l’ASRoma, Dino Viola, pour qu’il voie le match.Roberto n’était pas en forme et Viola m’a dit : “Vous pouvez vous le garder votre Baggio”".
Baggio se cassera le ménisque. C’en est trop pour Caliendo qui engage un physiothérapeute et adresse un ultimatum à la Fio: "Ou vous acceptez, ou ça va barder!"
Malgré cinq opérations à ce foutu genou, Baggio aura la carrière que l’on sait.
"Le futur Maradona a 10 ans"
Antonio Caliendo et MAradonaPhoto Collection Antonio Caliendo.
Antonio Caliendo a vu les joueurs de foot devenir des stars et l’appétit de leur entourage grandir autant que l’exigence des clubs.
"Ce n’est pas pour être prétentieux mais aujourd’hui ça n’existe plus la figure de l’agent. Il faudrait créer un nouveau profil de consultant des familles de joueurs. Un associé de la famille."
Influent homme de l’ombre, Antonio Caliendo entretient désormais le suspense sur son activité. Toujours actif? "Non [sourire]. Je suis un consultant des agents. On me demande mon avis, me présente des profils, et je donne mon avis."
Pourquoi même le meilleur des joueurs a besoin d’un agent? "Parce qu’il fait le sale travail", tranche-t-il.
Preuve qu’il n’a pas raccroché, Caliendo évoque un dossier d’actualité. "J’étais sur un jeune de 10 ans. C’est, en tout point, l’héritier de Maradona. Il existe et il est aujourd’hui à Rosario (Argentine). Rosario, c’est la ville de Messi. Son père a appelé le père du petit et avec le frère de Messi ils ont signé un contrat de 12 millions d’euros à 10 ans."
Conférence de presse des 17e Golden Foot, ce lundi au Fairmont Monaco, avec les "Légendes" 2019 : Paulo Roberto Falcao, Josè Altafini, Patrick Viera, Carolina Morace et Antonio Caliendo, créateur du prix.Photo Jean-François Ottonello.
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