Un peu moins de vingt kilomètres, par la Moyenne Corniche, séparent les deux voisins ennemis. Mais un fossé abyssal au classement de la Ligue 1. D’un côté, une clinquante 3e place pour l’OGC Nice, douze points au compteur, qui rêve de coupe d’Europe. De l’autre, une piètre 19e place pour l’AS Monaco qui, malgré un effectif pléthorique et de qualité, peine à s’extirper des tréfonds du classement.
Hier, pour le derby, seulement une frontière et dix minutes de marche à peine séparaient les Ultras des deux camps. Par un appel sur les réseaux sociaux, les Ultras Monaco 1994 avaient convié les sympathisants du Rocher à un rassemblement d’avant-match au Gerhard’s Café sur le port de Fontvieille. Mais pas que. « Un an que nous sommes en pleine galère. Ce soir, abandonnez vos places en première, seconde ou honneur et venez nous rejoindre en pesage. Même si nous voulons tous le départ de Jardim, nous nous devons de toujours supporter les nôtres dans la victoire et surtout dans la défaite », assénait-il.
Des fans niçois invités à quitter le bar local
Sur place, vers 18 h 30, l’ambiance est relativement calme. À l’extérieur, les ultras monégasques se regroupent sagement, arrivant au compte-gouttes. À l’intérieur du bar, des travailleurs se sifflent une pression. Joyeux mélange des genres. La mouvance ultra étant guère encline à s’étaler publiquement dans la presse, c’est auprès d’un supporter « lambda » que l’on se tourne pour une analyse de début de saison. Lequel ne mâche pas ses mots. « C’est une triste continuité de la saison précédente : un sentiment d’improvisation à tous les étages, entre les cadres qui n’en ont que le nom et des recrues immédiatement sous pression, souffle Emmanuel Saussis. Leonardo Jardim donne l’impression de naviguer à vue en s’appuyant sur des joueurs dépassés et sans la moindre prise de risques tactiques. Nous ne devons notre salut qu’à la faiblesse des adversaires. »
Trois supporters, couleurs de Nice sur les épaules, pénètrent dans le bar local. De quoi attirer le regard belliqueux des ultras monégasques. Ils seront invités, gentiment mais sans ménagement, à aller se rafraîchir le gosier ailleurs que dans leur fief. Sans doute que ces brebis égarées auront pris la direction de l’amphithéâtre de la Mer à Cap-d’Ail. Lieu de rassemblement des supporters niçois, de l’autre côté de la frontière. Au total, 2 000 d’entre eux auront garni, hier, le parcage adverse du stade Louis-II. « Étant donné qu’il n’y a pas de matchs de coupe d’Europe cette année, c’est clairement le match de la saison avec le plus gros dispositif de sécurité », confirme Richard Marangoni, directeur de la Sûreté publique. Sur le terrain : 100 fonctionnaires de la Sûreté publique, deux compagnies de CRS - soit 120 policiers - et près de 80 gendarmes français. À la fois consacrés au maintien de l’ordre et à la régulation de la circulation. Car tout l’enjeu était de pallier la pénurie de trains, due au mouvement social contre la réforme des retraites, et éviter une asphyxie de la Principauté. À la fin du match, d’ailleurs, deux trains ont été retardés pour permettre le retour des supporters à Nice.
Collé-serré avec les CRS
Pour les forces de l’ordre, l’incertitude était forte sur l’arrivée, ou non, d’un cortège massif de scooters depuis le quartier Arson à Nice. Mais, comme l’année dernière, cette parade théâtrale sur la Moyenne Corniche n’a pas eu lieu. À peine 80 scooters ont été « parqués » à la ZAC Saint-Antoine. Avant, donc, que leurs conducteurs ne rejoignent le rassemblement de plusieurs centaines d’amoureux des Aiglons. Dans ce lieu - où, d’ordinaire, les familles se rassemblent - les chants et noms d’oiseaux ont fusé aussi vite que les bières ont été descendues. Et les ultras de la Populaire Sud - ex-Brigade Sud au stade du Ray - ne sont forcément pas venus les mains vides. Pétards, fumigènes, tambours et drapeaux sont venus chauffer les lieux. Le tout animé par le Capo (1), mégaphone en main, sous les yeux des résidents, perchés au balcon, et bien encadrés par les hommes du Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie de Menton, épaulés par une équipe cynophile.
19 h 45. Tout ce beau monde lève le camp pour rejoindre, en cortège resserré, le stade Louis-II. Les chants se font plus intenses, plus vindicatifs. Le groupe dégaine sa bâche, floquée du logo de la tête de mort transpercée par un couteau et de la date de naissance de l’entité : 1985. Au rond-point près du stade Didier Deschamps, le cortège opère un collé-serré avec la compagnie de CRS, boucliers brandis. On pourrait croire que la situation est sur le point de déraper. Rien de tout cela. « On a connu pire comme match. C’est gentil ce soir », souffle un CRS.
20 h 15, les supporters niçois pénètrent dans l’antre asémiste, prêts à en découdre dans les tribunes au niveau de l’ambiance. Sur le terrain de l’avant-match, avantage net et sans bavure des Niçois. Sur le rectangle vert, en revanche, le onze du Rocher a littéralement renversé la tendance en signant sa première victoire de la saison (3-1). Mérité.
commentaires