Il y a quelque chose de différent chez Swann Arlaud, une intensité dans le regard, une manière de se présenter au monde presque atypique, dans un petit milieu où beaucoup se prennent très au sérieux.
Les fringues prêtées par les grandes marques? Très peu pour lui. Les taxis à tout bout de champ pour faire quelques centaines de mètres? Il passe son tour. Alors, le Festival de Cannes, ce n’est pas forcément sa tasse de thé.
Gérer ses propres contradictions
Une fois, il s’est fait chasser du tapis rouge par les photographes, qui n’avaient d’yeux que pour Louise Bourgoin. Et ça l’a bien fait marrer. "On n’est pas à une contradiction près, j’en suis conscient. À un moment, si on est vraiment contre Cannes, on ne vient pas", modère Swann Arlaud, installé sur un canapé de la terrasse Unifrance. Quelques minutes après, quand on s’est excusé de devoir lui tirer le portrait avec un simple téléphone, il n’a pas tiqué. Ni demandé à voir le résultat.
L’homme aux deux César (meilleur acteur avec Petit Paysan en 2018, meilleur acteur dans un second rôle pour Grâce à Dieu en 2020) trace son chemin, souvent marqué par des films à teneur sociale. La presse l’a étiqueté acteur engagé. Il voit les choses d’un autre œil.
Dans Anatomie d’une chute, le quatrième film de Justine Triet, le terrain social laisse place à une dimension plus intime.
Swann incarne Samuel, un avocat se retrouvant sur le chemin de Sandra (l’Allemande Sandra Hüller, impressionnante et candidate sérieuse au prix d’interprétation). Il l’a aimé il y a longtemps, sans que ce soit réciproque. Et il réapparaît à un tournant de sa vie, parce qu’il est le seul homme de loi qu’elle connaisse. Cette écrivaine à succès est soupçonnée d’avoir liquidé son mari, écrivain moins inspiré, retrouvé dans une mare de sang devant leur chalet.
Tout sauf un ténor
En basculant dans le contexte d’un procès, on aurait pu s’attendre à une recherche de clinquant, de répliques qui claquent dans le prétoire entre Arlaud et Antoine Reinartz, dans le rôle du procureur. Justine Triet a choisi une autre voie.
"Quand tu joues un avocat, tu as envie d’y aller, d’en faire un peu des tonnes. Mais à chaque fois, Justine nous disait de redescendre. Et puis, mon personnage est un peu dépassé, en prise avec une vieille histoire. Cela lui donne cette humanité qui évite de se retrouver dans un combat viriliste."
Swann Arlaud a plutôt aimé enfiler la robe d’avocat et se frotter à tous les numéros d’équilibriste que la profession induit.
"Il y a quand même souvent l’idée de défendre la thèse qu’on a préparée. Au tribunal, la question, ce n’est pas la vérité. La question, c’est comment convaincre les autres. Peu importe que ce soit vrai ou non."
On lui demande s’il est heureux de l’accueil réservé à Anatomie d’une chute.
"Oui, ça a l’air bien. Mais je ne lis pas tous ces trucs. Avant, je regardais les articles. Quand c’était positif, c’était toujours trop. Et quand c’était négatif, ça m’affectait beaucoup. Il faut laisser les films aux autres. Dans un festival, de toute façon, tout est démesuré."
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