On s’assied à côté de Virginie Efira, teint radieux et ventre rond. Mais pendant un court instant, on craint de recevoir un gros coup de boule dans le pif, si jamais on pose la question qui fâche. Non pas que notre Belge préférée ait perdu tout son capital sympathie, à force de fouler le tapis. Mais parce que dans Rien à perdre, son personnage assène un tel coup de tête à une agente de la protection infantile que l’on sent presque craquer notre propre nez. Un moment de bravoure, jubilatoire, que toute la salle a applaudi, tant elle prend fait et cause pour cette mère célibataire au bord de la crise de nerfs.
Le pitch? Un soir de taf, le petit dernier s’est brûlé en voulant se faire des frites, seul à la maison, alors que son frère aîné (Félix Lefebvre) n’est pas encore rentré. À la brûlure au deuxième degré de l’enfant s’ajoute la culpabilité de la maman. Avec signalement aux services sociaux et placement dans un foyer. Le début d’un engrenage infernal face à la machine administrative et judiciaire, digne de Kafka.
"Sylvie commet une erreur, ce petit grain de sable qui va provoquer une caricature du système, comme d’elle-même, explique Virginie Efira. C’est quelqu’un qui a sans doute un passif nerveux, mais qui a appris à rentrer dans le rang. Là, tout bascule tout à coup. Face à l’enlèvement de son enfant, impossible de se résigner!"
"Je suis assez obsédée par mon enfant"
Pour l’actrice, dont la grossesse ne saurait être dissimulée par les robes de soirée, un rôle viscéral qui fait forcément écho(graphie) à son état personnel.
"J’ai déjà une fille de 10 ans et, comme Sylvie, je ne pourrais accepter de voir mon enfant placé en foyer. Là, tu deviens dingue et tu veux tout défoncer", reconnaît-elle. Dans le film, pour faire plaisir à ses deux fils, Sylvie accueille brièvement un gallinacé en appartement. Dans la vie, Virginie aussi se revendique mère poule, prête à donner du bec et des ergots. " Je suis assez obsédée par mon enfant oui, même si quelqu’un d’autre arrive bientôt, avec lequel il faudra aussi partager…"
Ovationné, le premier long-métrage de Delphine Deloget a marqué les festivaliers. Avec une lueur d’espoir pour son héroïne, qui doit s’exiler et sacrifier tout confort pour garder son fils en paix. Peut-on y voir une allégorie de l’actrice, jadis animatrice bien installée à la télé, qui s’est jetée dans les bras du cinéma avec l’idée de n’avoir rien à perdre? Qui a franchi le miroir cathodique d’un télécrochet pour devenir progressivement une nouvelle star dans le 7e art?
Incontournable mais…
"Oh, ce fut beaucoup moins courageux pour moi! À l’époque, j’étais seule, sans attache, c’était moins radical. Certes, j’ai perdu un statut, un salaire confortable et une expérience acquise durant plusieurs années, mais c’est aussi une chance dans la vie de pouvoir prendre un risque, tempère l’intéressée. J’ai beaucoup aimé ma période télé, mais c’était un domaine que je n’avais pas choisi. Et comme j’étais une grande spectatrice de cinéma, j’avais envie de participer à ça, j’y trouve plus de sens."
Bien lui en a pris. Car depuis sa prestation dans Victoria, quasiment tous les castings cochent le nom d’Efira. Les rôles s’enchaînent, avec un César de meilleure actrice à la clé (pour Revoir Paris). Et pour elle, le Festival de Cannes semble devenu un incontournable rendez-vous annuel.
"Oui, mais je sais très bien que tout ça, ce n’est pas forcément une fois pour toutes, corrige Virginie, qui garde talons sur terre. Je me suis déjà préparée à vivre des périodes moins fastes, même si je ne les accueillerais pas avec joie."
L’heureux évènement à venir devrait la rendre un peu plus rare (donc encore plus précieuse) sur les plateaux. En attendant, elle profite de sa notoriété. "Les gens me reconnaissent et me sourient." Privilège d’une actrice, mais aussi d’une maman épanouie.
>> Rien à perdre, drame de Delphine Deloget avec Virginie Efira, Félix Lefebvre, Arieh Worthalter. Sortie en salles le 22 novembre.
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