Le banc de la partie civile est vide. Peut-être est-ce lié au récent décès de l’avocat qui assistait la famille du défunt. L’émotion est pourtant palpable, vendredi matin, à l’audience correctionnelle à Nice. Car c’est un homme détruit qui s’avance à la barre.
Thierry C., quadra niçois, est jugé pour homicide involontaire en ayant fait usage de stupéfiants. Le 17 juillet 2018, à Nice-Nord, il avait renversé avec son camion Joseph Banko, un piéton âgé de 88 ans. Tragique lendemain de fête, deux jours après la victoire des Bleus au Mondial de foot: Thierry C. avait consommé du cannabis le soir de la finale, puis le lendemain.
Le conducteur en larmes
À l’époque, il conduit des camions pour une société monégasque. Ce mardi-là, il est 11h45 quand Thierry C. reprend la route. Parvenu à la hauteur du 8 boulevard Gorbella, il s’arrête devant un passage protégé. Laisse passer les piétons. Puis redémarre. "Il y avait un homme sur le passage piéton, retrace le président Hichem Melhem. Vous avez laissé passer tous les piétons, sauf un... Vous vous êtes arrêté trop tard. Il est passé sous votre roue. Il est décédé."
En revivant la scène, Thierry C. fond en larmes. "J’ai senti qu’il y avait quelque chose... Un monsieur est arrivé, m’a pris et m’a tourné la tête..." Effondré, il peine à s’exprimer. "On voit que vous êtes touché par l’accident", observe le président Melhem. "Ça m’a bouleversé, monsieur...", souffle le prévenu.
La victime avait pressé le pas, comme pour passer avant le camion. Mais Thierry C. aurait dû le voir. Le pouvait-il? L’intéressé assure que non. La faute à l’absence d’antéviseur, ce dispositif qui permet de voir juste devant le camion. Obligatoire en France, mais pas à Monaco. Le chauffeur assure l’avoir signalé à son employeur: "C’est primordial. On n’est à l’abri de rien dans un camion..."
Prison avec sursis
Ce quadra assure que le cannabis n’avait pas altéré ses réflexes. Le taux identifié était, il est vrai, particulièrement faible. Son conseil, Me Paul-André Gyucha, plaide la relaxe. Dans ce "dossier difficile, aux conséquences tragiques", l’avocat remarque que ce malheureux piéton "a bifurqué à angle droit", et qu’il a "traversé rapidement en limite du passage protégé".
Le tribunal, tout comme le procureur Ludovic Manteufel, estime néanmoins Thierry C. coupable. Il lui inflige 8 mois de prison avec sursis, au lieu des 12 requis. Il constate l’annulation de son permis de conduire, "obligatoire", mais ramène l’interdiction de le repasser à 3 mois, sachant cet outil essentiel pour son travail. "On a été indulgent à votre égard, conclut le président Melhem. J’espère que l’avenir nous donnera raison et que vous ne serez plus un danger pour la société."
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