"Tout était faux": comment un détective privé a découvert la vérité sur le gendre de la milliardaire monégasque Hélène Pastor, assassinée en 2014

Monaco-Matin révèle le témoignage de Patrick Boffa, détective privé. Pour la première fois, on apprend qu'il a enquêté sur le gendre d'Hélène Pastor, assassinée en 2014, durant… vingt-quatre ans.

Grégory Leclerc Publié le 16/06/2018 à 10:51, mis à jour le 16/06/2018 à 10:51
Patrick Boffa, détective privé à Beausoleil. Photo Jean-François Ottonello

Le détective nous a apporté toutes les preuves de ses déclarations, ses rapports, les chèques attestant qu'il était bien employé au titre de détective pour le compte de Madame Pastor, les cartes postales qu'il échangeait avec elle.

Au lendemain de la fusillade, dossier sous le bras, il a été entendu par la police judiciaire niçoise. On découvre, au fil de son témoignage, une femme en proie au doute sur la véritable nature de son gendre.

"Je travaillais avec Hélène Pastor depuis 1989 sur différents sujets. À partir de là s'est créé un climat de sensibilité et d'amitié. Elle n'arrivait pas à cerner son gendre. Il se disait propriétaire de biens, grand businessman. Elle voulait en savoir plus, pour la protection de sa fille", confie Patrick Boffa, 30 ans d'expérience comme privé, également consultant en renseignements et en sûreté auprès de grands groupes.

Filatures, enquêtes de terrain sur les lieux fréquentés par Janowski, recherches à l'étranger. Patrick Boffa investigue tous azimuts. "La base, c'était d'analyser ses dires. Savoir s'il était réellement propriétaire en Angleterre, vérifier ses diplômes. Nous avons une organisation à San Francisco qui regroupe tous les détectives privés dans le monde. En contactant mes confrères, nous avons pu lancer ces investigations."

Qu'est est-il ressorti? Que dès 1990, Hélène Pastor n'ignorait plus rien, grâce au détective, des mensonges de son gendre qu'elle appelait "Voltek", parfois "Tek", ou "Petit V.".

Dans un rapport d'enquête du 27 juin 1990, Patrick Boffa écrit en résumé: "Ses activités quotidiennes sont mal définies. Il semblerait qu'il n'a d'autre occupation que de tuer le temps avec ses divers projets quasiment mythomanes. (...) De nature assez prétentieuse, il profite de sa liaison actuelle pour s'affirmer et paraître plus que ce qu'il est."

Pour Wojciech Janowski débarqué en Principauté sans le sou, fréquenter Sylvia Pastor, la fille d'Hélène, c'est comme gagner au loto tous les mois. La belle-mère versait mensuellement, selon Patrick Boffa, 250.000 euros de rente à chacun de ses enfants.

Le Polonais aux finances brinquebalantes pouvait ainsi profiter de l'extraordinaire magot d'une dynastie monégasque à succès. Gratte-ciel, bureaux: Hélène Pastor était à la tête d'une fortune estimée à plus de 12 milliards d'euros.

Elle gérait avec beaucoup de prudence cet héritage immobilier qui compte plus de 90.000m² de bureaux dans le pays où le m² est le plus cher au monde.

Grâce aux rapports du détective privé -"J'ai accumulé 1,50m de dossiers sur lui"- Hélène Pastor a découvert un Janus aux deux visages. "Quasiment tout était faux. Il n'avait aucun diplôme. Ceux qu'il disait avoir n'existaient pas, tout comme les titres de propriété en Angleterre. Nous n'avons trouvé qu'un simple studio sans réelle valeur."

Son diplôme à Cambridge? La prestigieuse université avait confirmé à Monaco-Matin qu'il n'en était rien. Son titre de directeur d'hôtels et de casinos? Extrapolé d'une année passée comme chargé des relations publiques des jeux américains, de 1985 à 1986.

En enquêtant, le détective indique à Mme Pastor que Janowski a "participé à une tentative de reprise du casino de Menton en 1989". Il est décrit comme "flambeur", menant grand train, invitant à tour de bras. "Hélène Pastor disait toujours qu'elle le voyait comme un gourou qui avait la main sur sa fille et la dirigeait."

Pas vraiment le profil du gendre rêvé.

Wojciech Janowski appelait-il sa belle-mère "maman" comme il le prétend? "Quand elle organisait ses repas de famille, il ne lui adressait pas la parole, ne la regardait pas en face. Il se comportait mal. Il ne l'a jamais appelée maman, tout simplement."

Selon Patrick Boffa, plus les années passent, plus la milliardaire s'inquiète. Elle craint même pour ses jours. Persuadée que son gendre attentera à sa vie. "Je me souviens qu'Hélène Pastor avait de gros problèmes de santé, des vertiges, la bouche sèche. Cela pouvait ressembler à des empoisonnements. Alors je l'emmenais régulièrement, à sa demande, dans des laboratoires afin d'effectuer des analyses. On n'a rien découvert."

Pourquoi ces craintes? "L'attitude de son gendre était de plus en plus agressive envers elle. Elle sentait qu'il allait faire quelque chose tôt ou tard, elle redoutait d'être empoisonnée", affirme le détective privé.

Selon Patrick Boffa, Hélène Pastor convoquera sa fille Sylvia en 1995 pour lui exposer le travail du détective. "Je me souviens que ce soir-là, Hélène Pastor m'a appelé, en pleurs. Elle m'a dit que sa fille lui avait demandé de ne plus me fréquenter, car je représentais un danger pour la famille. Sylvia en avait fait part à Wojciech Janowski et celui-ci lui avait dit d'appeler sa mère pour lui dire d'arrêter tout ça."

Hélène Pastor, très attachée à sa fille, se serait exécutée, en tout cas en apparence. Mais elle sollicitera le détective en douce. Des rendez-vous secrets s'organiseront à l'hôtel Fairmont, ou sur les bancs discrets de l'église Saint-Charles de Monaco. Vingt-quatre années d'un doute terrible.

"Compte tenu de tous ces éléments, je lui disais de se rendre à la Sûreté publique afin de déposer une main courante. Mais au dernier moment, elle a renoncé. Par respect pour sa fille, pour ne pas que son gendre ait des soucis, pour ne pas la rendre malheureuse, tout simplement."

Le 6 mai 2014, des coups de feu éclatent. Les assassins présumés d'Hélène Pastor seront jugés à la rentrée.

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