À peine l’affaire avait-elle éclaté que des voix s’élevaient dans le personnel de la maison d’arrêt de Nice pour dénoncer un dossier "bancal", "à charge".
Le président du tribunal correctionnel de Nice, Hicham Melhem, n’a pas dit autre chose ce mercredi. Il a prononcé une relaxe totale pour deux surveillants pénitentiaires suspectés d’avoir monté une expédition punitive contre un détenu de la maison d’arrêt de Nice.
Les faits se sont produits le 1er octobre dernier. L’un des surveillants, le plus jeune, trois ans d’ancienneté, était en couple avec une surveillante de la maison d’arrêt. Laquelle a été la cible de mots désobligeants de la part d’un détenu, au point qu’elle a rédigé un rapport.
Le sang de son compagnon n’aurait fait qu’un tour et il serait allé s’expliquer dans la cellule même du détenu. Il était accompagné d’un second gardien, "31 ans de bons et loyaux services", ainsi que l’a décrit Me Benjamin Taïeb, son avocat. Son client est poursuivi pour complicité de violence par une personne dépositaire de l’autorité publique. Que s’est-il passé ensuite? Le jeune gardien reconnaît des mots mais affirme n’être jamais entré dans la cellule.
L’accusation affirme qu’une bagarre a éclaté. La victime n’a pas déposé plainte.
Un dossier consternant
Le dossier, sans témoins directs, sans victime, est assez consternant. Au point de se demander ce qu’il fait dans une chambre correctionnelle, un après-midi de février. Des "ouï-dire", affirme même l’avocate du jeune maton, Me Laila Saidi. Aucun élément probant ne vient appuyer la thèse de l’expédition punitive. On découvre en revanche un climat délétère au sein de la maison d’arrêt. "Placé en garde à vue, menotté, mon client se sent bousculé, humilié par cette affaire", estime Me Benjamin Taïeb.
À l’entrée de l’accès de la maison d’arrêt, réservée aux professionnels y travaillant, et dans ce climat de rumeurs internes, un panneau avait même été apposé: "Entrée interdite sans autorisation de la direction pour les surveillants XXX et XXX." Leurs deux noms, ainsi affichés, pouvaient être vus des avocats, des agents du greffe ou de la direction. Drôle de méthode...
La procureur, Marina Uman, a requis huit mois avec sursis, et deux mois avec sursis. "Dans le dossier je ne vois pas de preuves de culpabilité", a tranché le président du tribunal. "Je ne peux pas condamner sur la base d’observations faites dans des conditions invérifiables."
À l’énoncé du jugement, des larmes de soulagement ont coulé dans la salle. Les collègues proches des deux prévenus n’ont pas caché leur émotion d’entendre la relaxe. "À l’avenir, ne vous mettez pas dans des situations ambiguës", a simplement commenté le président du tribunal, s’adressant au plus jeune des deux gardiens. Son collègue avait déjà dépassé l’âge de la retraite. Aucune ombre ne viendra donc obscurcir sa carrière.
Le parquet peut toutefois encore faire appel.
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