Prince Albert: "Il n'a jamais été question de devenir membre de l'Union européenne"

Dans une longue interview exclusive où le prince Albert s'est confié sur la double naissance à venir, il a également évoqué sa vision sur les négociations avec l'Union européenne, les chantiers d'urbanismes, l'emploi, les travaux au sein de la SBM...

Arnault Cohen Publié le 20/11/2014 à 07:36, mis à jour le 20/11/2014 à 08:32
« Il n'a jamais été question de devenir membr - 27419242.jpg
« Je vais nommer une personnalité qui sera en charge des négociations avec l'Union européenne. »

Qui pilotera les discussions avec l'Union européenne ?

Le ministre d'État ne sera pas personnellement en charge des négociations. Il les suivra de très près mais je vais nommer une personnalité qui le sera. Je vous annoncerai bientôt son nom.

Quel bilan tirez-vous de l'accueil de la 83e assemblée générale d'Interpol ?

Cette assemblée générale a été un succès et démontre une fois encore que nous savons accueillir, organiser et gérer des événements très importants où la sécurité doit être sans faille compte tenu du nombre de ministres de l'Intérieur présents. Historiquement, il était important qu'elle se déroule en Principauté puisqu'il y a un siècle était organisée par le prince Albert Ier la première réunion internationale de police et de justice criminelle, qui a servi de base à la création d'Interpol. Un bel hommage lui a d'ailleurs été rendu par le biais d'une exposition au Grimaldi Forum. Nous avons aujourd'hui besoin d'Interpol qui est un outil indispensable pour lutter contre la criminalité transnationale. La coopération policière est une clef incontestable à l'heure de la mondialisation. J'ai également eu l'occasion de visiter le centre d'Interpol dédié à la lutte contre la cybercriminalité à Singapour, le 8 novembre. Ce centre ultramoderne est impressionnant.

Quels sont vos prochains grands rendez-vous internationaux ?

Je me rendrai au Sommet de la Francophonie à la fin du mois de novembre à Dakar. Ce sera le dernier sommet du président Abdou Diouf et je tenais à lui rendre hommage pour son action. Je serai également en visite officielle en République Tchèque en avril prochain.

Et la cession du CIO dans quelques jours à Monaco…

Je suis particulièrement fier que la Principauté accueille cette session du CIO. Les préparatifs se poursuivent sur un rythme accéléré. Nous avons l'habitude d'organiser ce type de grand événement, comme récemment Interpol. J'ai toute confiance dans le comité d'organisation pour être à la hauteur des enjeux. Outre le Comité olympique monégasque, tous les services de l'État sont mobilisés pour sa réussite. Je tiens à remercier tous les bénévoles qui ont répondu présents. Ils sont nombreux et font toujours un travail exceptionnel.

 


SBM : « Il faut que les négociations se déroulent dans un climat serein »

L'Hôtel de Paris vient de fermer pour quatre ans de travaux. Craignez-vous l'impact financier de cette longue fermeture ?

La SBM et la Principauté ont suffisamment d'établissements pour continuer à assurer un accueil de qualité.

Cette décision s'imposait, ce grand hôtel ne correspondait plus aux standards des établissements de ce niveau…

À l'heure où de nombreuses destinations et les grandes capitales offrent un choix d'hôtels spectaculaires pour une clientèle toujours plus exigeante, une mise à niveau était nécessaire. Ce chantier pourra créer des nuisances sur le court terme et impactera le chiffre d'affaires de la SBM. Mais ce projet sera bénéfique pour l'avenir de Monaco et de cette société. Ses conséquences seront positives sur le long terme.

Pourquoi ne pas avoir complètement fermé l'hôtel ?

Nous avons pris cette décision avec M. Biamonti et la direction de la SBM pour le personnel, afin qu'il subsiste un service minimum pour les clients. Une vingtaine de chambres resteront ainsi ouvertes à la réservation. C'était important pour Monaco.

Dans le même temps, il y aura la démolition et reconstruction du Sporting d'Hiver…

Il était préférable de réaliser simultanément ces deux chantiers. Les contraintes et gênes auraient été encore plus importantes dans le cas contraire. Je pense, en outre, que ces travaux vont créer un certain engouement, une curiosité. Cette double opération est estimée à 600 M€. Une augmentation de capital de la SBM de 220 M€ est en cours.

Quand, précisément, va-t-elle aboutir ?

Il est prévu que cette opération soit réalisée en début d'année 2015. Elle ne pouvait pas l'être avant au regard de la réglementation des opérations boursières. Des discussions sont en cours avec des investisseurs potentiels pour entrer au capital de la SBM mais vous comprendrez qu'il ne m'est pas possible de rentrer dans les détails ni de dévoiler l'identité des groupes et personnes concernées. Je pense raisonnablement que, d'ici janvier, des investisseurs étrangers seront identifiés. Le gouvernement partage mon sentiment, ainsi que celui de la direction de la SBM : il est important, pour le développement futur de la société, de faire entrer dans le capital des investisseurs extérieurs. L'État va augmenter sa part de capitalisation dans des proportions raisonnables pour envoyer un signe de confiance aux investisseurs potentiels.

Quel regard portez-vous sur les tensions sociales qui entourent la fermeture partielle de l'Hôtel de Paris ?

Je comprends l'inquiétude des salariés. Je pense aussi que la décision de ne pas procéder à la fermeture totale de l'établissement pendant la durée des travaux démontre une volonté de préserver les intérêts du personnel et ainsi d'éviter un plan social… Il n'est pas inutile de rappeler qu'ailleurs, ce type de rénovation entraîne généralement la fermeture totale de l'établissement pendant toute la durée des travaux avec toutes les conséquences sociales qui en découlent. La direction a formulé des propositions au personnel, celles-ci sont en discussion. Il en est de même pour le statut unique des jeux. Ce qui est proposé est intéressant. Il faut aller dans cette voie-là et que les négociations puissent se dérouler dans un climat serein.*

 


« Comme mon père, je suis attaché au secteur industriel »

L'industrie monégasque ne se porte pas au mieux. Le dernier exemple en date est la décision de Mécaplast de supprimer 67 postes de production. Croyez-vous en l'avenir du secteur industriel à Monaco ?

La Principauté n'est pas à l'abri du ralentissement de l'économie des pays occidentaux, qui touche sévèrement des secteurs entiers de la production industrielle. Nos entreprises sont soumises à une concurrence croissante, dans un contexte général de stagnation de la demande. Comme mon père, je suis attaché au développement du secteur industriel à Monaco. Des entreprises emblématiques connaissent des difficultés, certes. Nous faisons d'ailleurs beaucoup pour les aider. Mais je ne crois pas que le secteur soit menacé.

Comment gérer ces difficultés sociales ?

Le gouvernement est attentif à la prise en compte des situations individuelles des salariés qui pourraient être touchés par la perte de leur emploi. Il veille au maintien d'un dialogue de qualité et constructif entre l'employeur et les représentants du personnel. Il insiste auprès des premiers sur la nécessité, si la suppression d'emplois est incontournable, de mettre en place des plans sociaux qui respectent la dignité des collaborateurs et leur ancienneté au sein de la société. Par ailleurs, ses services accompagnent les salariés concernés dans la recherche prioritaire d'une solution de retour à l'embauche en Principauté de Monaco.

L'économie monégasque doit-elle se diversifier ?

Je le crois. Un pays comme le nôtre ne peut pas se concentrer sur le tourisme, l'immobilier ou l'industrie du luxe. Comme Monaco ne peut pas abriter des usines de dizaines de milliers de mètres carrés, il vaut mieux attirer de petites unités, dans des secteurs à forte valeur ajoutée.

Sur un plan plus général, la santé économique de Monaco est presque insolente. Un PIB en hausse de 9,3 % en 2013 et qui frôle les 5 milliards d'euros, des finances de l'État au beau fixe…

Je ne peux que m'en réjouir. Ces résultats positifs sont le fruit des mesures mises en place depuis quelques années, d'une meilleure gestion des dépenses de l'État suite à la crise financière internationale qui a impacté notre économie et généré des déficits. L'arrivée d'investisseurs et entrepreneurs étrangers explique aussi ces bons chiffres. Des entreprises se créent tous les jours à Monaco. Il faut poursuivre dans cette voie car notre prospérité, la préservation de notre modèle social et notre indépendance dépendent en grande partie de notre bonne santé économique.

 


Chantage financier aux clubs : vers un accord-cadre?

L'ASM Basket cette année et l'ASM Football Club un an plus tôt ont dû verser de l'argent aux Ligues nationales françaises pour pouvoir participer aux championnats professionnels. Comment faire pour que le sport monégasque n'ait plus cette épée de Damoclès au-dessus de la tête ?

Le football a malheureusement provoqué cette situation. On a redouté que cela ait une incidence sur d'autres sports. La situation est effectivement délicate. Et pour le sport professionnel, c'est un vrai souci.

Car tous les sports peuvent être touchés. Ne faudrait-il pas qu'un accord-cadre soit enfin conclu entre la France et Monaco ?

L'idée a effectivement été évoquée. Le ministre d'État a rédigé une lettre au ministre des Affaires étrangères M. Fabius, afin de voir dans quelle mesure un accord-cadre pourrait être signé entre les deux pays afin que les clubs sportifs de la Principauté puissent évoluer librement dans les championnats professionnels français. Pour que cette question soit réglée de manière définitive.

L'ASM Football Club n'a pas vraiment bien démarré cette saison. Êtes-vous inquiet ?

Le début de saison a été compliqué en raison du départ de Falcao et Rodriguez et du changement d'entraîneur. Une équipe de football est un ensemble extrêmement fragile, où le moral fluctue au jour le jour. Je pense néanmoins que l'on va réaliser une bonne saison. J'avais dit à M. Rybolovlev qu'une victoire en ouverture de la Ligue des Champions pourrait galvaniser le groupe et donner un nouveau départ. Cela s'est produit. Et maintenant, peut-être aurons-nous des opportunités intéressantes d'achat de joueurs au prochain mercato, sans faire de folies financières.

L'État ne souhaite pas participer au cofinancement du centre d'entraînement de La Turbie. L'ASM ne veut pas payer seule. Comment faire ?

Pour l'instant, le projet de rénovation n'a pas été retenu car nous n'étions pas pleinement convaincus de son intérêt, tel qu'il était proposé. Cependant, dans le cas où une nouvelle proposition serait présentée et susceptible de retenir notre attention, l'État pourrait participer à son financement.

 


Extension en mer et dans le ciel

Le projet d'extension en mer sera-t-il présenté en décembre, comme prévu ?

Une présentation des premiers éléments du projet est envisageable avant le début de l'année prochaine. J'ai pu apprécier la qualité des échanges intervenus entre le groupement et les services de l'État, ce qui permet au projet de bien avancer. Je souhaite que la signature définitive du contrat intervienne avant fin juillet 2015.

La tour Odéon sera livrée en mars 2015. D'autres sont en projet, avec parfois un régime dérogatoire s'agissant de leur hauteur. Êtes-vous partisan d'une architecture de plus en plus verticale ou plutôt d'une extension plus importante en mer ?

Un peu des deux. La Principauté a besoin de surfaces nouvelles pour assurer son développement. J'ai fixé à six hectares maximum le projet d'extension en mer au Portier. Il ne m'apparaît pas souhaitable à court et moyen terme d'aller au-delà. Ce projet correspond à nos besoins réels. Il est cohérent avec ce qui existe dans ce quartier et la forme de l'emprise en mer va respecter, le mieux possible, le courant ligure. Parallèlement, il convient donc de rechercher sur le foncier terrestre les moyens de répondre à nos besoins. Les services de l'État ont, dans cette perspective, entamé une réflexion sur la restructuration du bâti ancien, à l'architecture caractéristique de la Méditerranée et de Monaco. En parallèle de la restructuration du bâti ancien, il conviendra probablement de procéder à des remembrements permettant d'édifier des bâtiments de grande hauteur. Mais j'appelle sur ce point à une extrême vigilance car l'implantation d'un bâtiment de grande hauteur doit être choisie avec le plus grand discernement et sa qualité architecturale doit être privilégiée. Je suis fréquemment en contact avec des architectes de renommée mondiale qui me disent leur envie de réaliser une œuvre en Principauté. Voilà une piste à suivre en collaboration avec nos architectes monégasques.

 

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