Carmino Ippolito, qui réside régulièrement en principauté, raconte l’angoisse, les conditions sanitaires épouvantables, la peur de mourir, bref, le calvaire subi par lui et son épouse
Carmino et Annie Ippolito ont connu l'enfer. Et pourtant ils n'en étaient pas à leur première croisière. Une dizaine au total, dont six ou sept avec la compagnie Costa. Ils ont vécu plus de quatre jours extrêmement éprouvants lorsque, le 27 février dernier, le navire s'est retrouvé à la dérive au large des Seychelles après un incendie dans le compartiment moteur. «Le deuxième jour après le départ, les toilettes présentaient des déficiences. Et j'étais plutôt surpris du tremblement des plafonds depuis le départ. J'avais le sentiment que le moteur connaissait déjà un problème. Le 27 février vers 13 h-13h-30, on a senti le brûlé jusqu'au 5e étage. L'alarme a retenti, tout le monde a passé les gilets de sauvetage.» A bord, la tension monte. Le drame du Concordia est dans toutes les têtes. «Nous étions en plein océan, on se demandait ce qui allait nous arriver.»
Selon Carmino Ippolito, Italien d'origine, mais résidant régulièrement dans son appartement de la principauté, la crainte de mourir était également omniprésente. «Très vite, sans électricité, il est devenu impossible de prendre de l'eau, d'utiliser les toilettes. Il nous a fallu nous installer sur le pont. avec 35 à 40°, c'était insoutenable dehors. A l'intérieur les sanitaires débordaient. Certains faisaient dans les douches, parfois même dans les couloirs. L'odeur était tellement innommable qu'il fallait des masques pour rentrer.»
«On préférait mourir dehors»
A partir du deuxième jour, un hélicoptère effectue quatre rotations par jour pour parachuter des vivres.«Mais l'impossibilité d'approcher faisait que les tartines qu'il envoyait par cartons entiers atterrissaient souvent dans l'eau. Nous avons mangé du pain, du fromage, quelques fruits. On nous a servi du jambon qui commençait à sentir mauvais. Nombre d'entre nous étaient frappés de diarrhée.»
Pour tenter de régler le problème sanitaire, des membres d'équipage fabriquent alors un petit ponton, accroché à la coque, sur l'extérieur du navire. Un trou dans les planches, une cuvette de toilettes dessus, un rideau, et voilà les passagers faisant leurs besoins au-dessus du vide.
«Autour de nous il y avait des blessés. Moi-même, j'en faisais partie. Je suis tombé en pleine nuit sur le pont, on n'y voyait rien. J'ai eu des hématomes importants, il a fallu me soigner. Des personnes âgées avaient des fractures.»Le soir, le couchage s'organise sur le pont.«On dormait par terre ou sur des transats. On avait ramené des coussins de l'intérieur pour faire un matelas. Quitte à mourir, on préférait mourir dehors plutôt que de rester dans les cabines.»A l'intérieur, certains vols ont été constatés dans des cabines laissées ouvertes.
Finalement, remorqué, le bateau arrivera aux Seychelles. «Là, la compagnie a voulu me faire signer un document comme quoi je renonçais au dédommagement si j'acceptais de rester quatorze jours dans un bel hôtel. J'ai refusé de signer quoi que ce soit. Je me suis d'abord fait soigner dans un hôpital où il n'y avait rien. Le pire, c'est qu'en repartant des Seychelles, notre avion a connu des soucis techniques. On devait partir à 22 heures, mais l'appareil avait des problèmes de frein, une pièce cassée. On a voté entre passagers pour savoir si on montait ou non. Le pilote menaçait ceux qui voulaient rester en leur disant que ce serait à leurs frais. Ca a duré jusqu'à quatre heures du matin. Et là, au moment d'embarquer, panne de refroidissement. Il faisait une chaleur pas possible dans l'avion. Finalement ça a été réparé.»
Pour sa croisière, Carmino n'en veut pas à Costa. «S'ils me dédommagent de notre croisière, nous en proposent une autre et donnent l'indemnité promise, ça me va. Mais sinon on se battra.» Repartir ? Pourquoi pas ? Mais Carmino s'inquiète. «Ils n'ont tout de même pas le droit de jouer avec nos vies comme ça ! Qu'est-ce qui nous prouve que nous serons réellement en sécurité? La crise a été gérée, mais on a senti que le staff autour du capitaine n'était pas préparé. Ils étaient dépassés par les événements ».
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