PHOTOS. Les fresques du Palais princier refaites comme à l’origine
Un grand chantier s’est engagé dans la cour d’honneur du Palais princier. Isabelle Rolet, peintre en décor du patrimoine et fresquiste, pilote une équipe de huit personnes
La rédactionPublié le 03/03/2015 à 07:46, mis à jour le 03/03/2015 à 19:08
Les fresques du Palais princier bientôt remises à l'identique(Alesi/Dodergny)
Un grand chantier s’est engagé dans la cour d’honneur du Palais princier. Isabelle Rolet, peintre en décor du patrimoine et fresquiste, pilote une équipe de huit personnes
Un large échafaudage emprisonne l'une des quatre façades de la cour d'honneur du Palais princier. Derrière ce calme apparent s'active une armée de petites mains. Ces orfèvres travaillent sous la houlette d'Isabelle Rolet, peintre en décor du patrimoine, fresquiste et restauratrice. Leur mission : redonner à la façade qui surplombe la galerie d'Hercule toute sa splendeur d'antan. Une tâche aussi titanesque que minutieuse.
Au fil du temps, les décors originels avaient été modifiés par à-coups, à l'occasion de restaurations ou de transformations. Seulement, on avait fini par perdre une partie des dessins d'époque.
«À taille réelle»
Le Palais a une longue histoire. Il a connu des agrandissements et des modifications au fil des siècles. Les recherches ont montré que les décors qui forment la voûte de la galerie Hercule datent du XVIe siècle.
«On a pu révéler leur authenticité grâce aux techniques employées mais aussi par le biais d'analyses en laboratoire. Ces décors de grotesques - ce nom vient du fait qu'on a découvert ce type de décors à la Renaissance dans des ruines romaines qui formaient des grottes - ont été réalisés par des peintres génois de renom, commente Isabelle Rolet. En revanche, la façade qui se situe au-dessous a été ajoutée ultérieurement. Ses décors datent donc du XIXesiècle mais sont inspirés du XVIedans un style néomaniériste.»
Cette spécialiste a dû reconstituer les peintures. Pour cela, elle a collaboré avec Thomas Fouilleron, le directeur des archives et de la bibliothèque du Palais princier, mais aussi avec l'équipe de photographes du Palais, Frédéric Nebinger, Charly Gallo et Eric Mathon.
Ils ont retrouvé une photographie de la façade concernée sur plaque de verre, datant des années 1870. Le document étant particulièrement bien conservé, il a été possible de le numériser pour agrandir chaque tableau qui figure entre les fenêtres.
«Ils ont été reproduits à taille réelle, précise Isabelle Rolet. À partir de cela et en me basant sur un travail de recherche iconographique, je réalise des poncifs - ce sont des calques - pour obtenir les dessins d'origine. Comme ils sont l'œuvre de deux peintres allemands, Deshler et Fröschle, je perçois deux styles différents. De ce fait, il peut m'arriver d'effectuer quelques réglages.»
Chaux et pigments naturels
Dans un deuxième temps, ce calque est reproduit sur le tableau correspondant qui figure sur la façade. La technique est ancestrale : «Nous peignons directement sur un enduit frais de chaux et de poudre de marbre avec uniquement de l'eau et des pigments naturels, détaille Isabelle Rolet. La chaux, au contact de l'air, se calcifie. Lorsqu'elle durcit, il se crée une pellicule de surface appelée le calcin. Les pigments sont ainsi fixés durablement. Cela permet en outre d'obtenir une luminosité et une vibration des couleurs.»
Si la technique présente l'avantage de traverser les siècles sans ternir, elle nécessite une certaine dextérité. L'enduit de chaux ne peut être utilisé que dans des températures entre 5 et 25°C.
Au-delà, il sèche trop vite. Le chantier devra donc s'interrompre cet été dès l'arrivée des premières chaleurs. La restitution reprendra dès que le climat sera plus frais.
Plusieurs années seront donc nécessaires pour mener à bien le chantier… avant de s'attaquer à la façade opposée, pour quelques années de travail supplémentaires!
Le décor retrouvé
Thomas Fouilleron, directeur des archives et de la bibliothèque du palais princier, a retrouvé des documents qui lui ont permis de mettre à jour les représentations parfois perdues du XIXe siècle. (Photo Cyril Dodergny)
«Sur le plan technique, on constate que l’on s’était écarté assez largement des scènes représentées à l’origine. On avait donc perdu en lisibilité», constate Thomas Fouilleron.
Le directeur des archives et de la bibliothèque du Palais princier a retrouvé dans le fonds documentaire de l’institution nombre d’éléments qui lui ont permis de travailler sur le dossier de la restitution de la façade surplombant la galerie d’Hercule.
Comme certains détails ont été abîmés par le temps, ils ont parfois été remplacés de manière simpliste.On trouve çà et là des éléments qui apparaissent saugrenus : un coquillage repeint par dessus pour cacher un vide, une boule pour remplacer un griffon trop abîmé.
Certaines positions des personnages étaient donc devenues illisibles.
«Un Amour a le bras levé.Nous nous sommes rendu compte que c’est parce que, sur le tableau d’origine, il tenait une épée», relate Thomas Fouilleron.
Comme l’épée n’était plus visible, l’angelot se retrouvait ainsi dans une drôle de posture. «À un endroit, les fleurs et les fruits composant une couronne étaient devenus du laurier et une femme apparaissait désormais comme un homme.»
La photographie sur plaque de verre datant des années 1870 a fourni de précieuses informations.Grâce à elle, l’iconographie a été retrouvée et tous les éléments ont regagné leur place en toute cohérence.
Restitution, pas restauration
C’est dans ces cadres que seront reproduits à l’identique les tableaux d’origine et avec les techniques d’époque. (Photo Michaël Alesi)
Le travail engagé est de la restitution, pas de la restauration.La différence entre les deux?La restauration consiste, à partir de l’existant, à mettre à jour et nettoyer dans un souci de conservation.
La restitution, quant à elle, revient à refaire à l’identique, grâce aux techniques de l’époque. Ici, les fresques seront repeintes entièrement sur un enduit de chaux exactement comme lorsqu’elles ont été réalisées au XIXe siècle.
Grâce à ce choix, la façade pourra affronter les affres du temps sans trop se détériorer. Car finalement, les produits naturels et les techniques ancestrales sont bien plus efficaces que les peintures pétrochimiques qui rongent les supports, et sont nocives, surtout pour les peintres.
Des arcades colorées
Les moulures qui recouvraient les couleurs des arcades ont été retirées pour recréer le décor originel. (Photo Michaël Alesi)
À l’occasion de sondages, les professionnels ont fait une découverte : les arcades qui surplombent la galerie d’Hercule ne sont pas d’origine.Des moulures blanches ont été rajoutées, sûrement pour faire le raccord avec la partie supérieure légèrement plus avancée.
Une couche de quelques centimètres a donc été précautionneusement enlevée pour mettre à jour des… couleurs.Les arcades datant du XVIe siècle étaient en fait décorées de vert, d’ocre jaune et d’ocre rouge.
Un visuel qui va, lui aussi, être restitué par l’équipe d’Isabelle Rolet. Il lui faudra d’abord reboucher toutes les aspérités pour ensuite appliquer les pigments.
(Photo Mickaël Alesi)
(Photo Mickaël Alesi)
(Photo Mickaël Alesi)
(Photo Mickaël Alesi)
(Photo Mickaël Alesi)
(Photo Mickaël Alesi)
(Photo Mickaël Alesi)
Isabelle Rolet, peintre en décor du patrimoine, fresquiste et restauratrice, enseigne les techniques ancestrales à l'école d'Avignon, reconnue mondialement dans le domaine. Ici, pour créer les poncifs (calques), elle utilise une photo datant des années 1870, numérisée et agrandie à taille réelle.
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