Des années de souvenirs enfouis qui ressurgissent en quelques secondes. En ouvrant son courrier le 16 novembre dernier, Laurence Le Goff, Cannettane de 46 ans, a replongé dans l’horreur. « Tout est revenu. Les cris, le sang, les odeurs. » La terreur de ce funeste 11 décembre 1982.
Le jour où son père Daniel a tué sa mère Josiane de deux coups de fusil de chasse, alors qu’elle n’avait que 10 ans.
La famille vivait à l’époque dans le Maine-et-Loire. « Après ça, mon frère, ma sœur et moi avons été séparés et placés dans la famille. Je suis venue chez un oncle que je connaissais peu et qui habitait Mandelieu. » Laurence grandit et se reconstruit sur la Côte d’Azur. Son père écope de 14 ans de prison. Il sera libéré au bout de huit.
« Je ne souhaite ça à personne »
Elle ne le reverra qu’une seule et unique fois. « Quand j’avais 21 ans, je l’ai retrouvé. Il travaillait sur les marchés. Je suis allée à son stand, acheter un fromage. Au moment de payer, je lui ai dit : “Je suis ta fille, je ne te dois rien.” Et je suis partie. »
Une rencontre express qui lui permet pourtant d’exorciser les fantômes du passé. De remettre ce géniteur à sa place d’humain et plus de monstre. « Jusque-là, j’avais toujours l’appréhension de le croiser et de ne pas le reconnaître. »
Puis Laurence devient maman. Fonde sa propre famille composée de trois enfants. Mène sa carrière d’agent d’accueil dans une société mouansoise « Nous n’avions jamais reparlé de tout ça avec mon frère et ma sœur. »
« Hors de question de lui donner un centime »
Jusqu’à ce courrier du département du Maine-et-Loire, où son père a été placé en Ehpad. « On nous a demandé de fournir des tas de documents pour savoir si nous étions solvables afin de payer ses frais de santé. »
Relevés bancaires, avis d’imposition, certificats de scolarité des enfants, bulletins de salaires, justificatifs de prestations sociales... La liste est interminable. Une intrusion insupportable. « Ça fait tellement mal que je ne le souhaite à personne. »
Laurence s’insurge. « Ma première réaction a été de me dire que j’allais me surendetter pour ne pas avoir à payer. Hors de question de lui donner un centime. »
Pour contester cette demande, elle est obligée de replonger dans le drame. Retrouver les articles de presse de l’époque pour prouver ce qu’il s’est passé.
« J’ai appris beaucoup de détails que je ne connaissais pas. Par exemple, c’est ma sœur qui avait insisté ce jour-là pour aller voir mon père car c’était sa fête et elle voulait lui offrir un cadeau. A notre arrivée, il a dit à ma mère “moi aussi j’ai un cadeau”. Il est allé chercher un fusil et lui a tiré dessus. »
Durant un mois, Laurence angoisse. « La lettre est arrivée à la même période que le drame. J’ai dû expliquer ce qu’il s’était passé à mon petit dernier qui a 9 ans, car il voyait que quelque chose n’allait pas. »
Le 14 décembre, elle reçoit un courrier laconique indiquant qu’elle est « exonérée » de ses obligations après étude du dossier.
Une proposition de loi
Une missive insuffisante pour cette mère de famille qui a depuis décidé d’agir avec sa sœur Françoise « pour que cela ne se reproduise pas. Pour pouvoir se reconstruire. Pour être reconnues comme victimes. Pour ne pas être déconstruites par un retour du passé. Pour le droit à l’oubli ».
Toutes deux ont élaboré une proposition de loi visant au retrait de l’autorité parentale aux parents maltraitants ou indignes. Un document qu’elles espèrent soumettre aux députés de leurs départements respectifs.
5 000 signatures pour la pétition
« Ce n’est pas compliqué à mettre en place. S’il existait un fichier de victimes de violences familiales, les autorités pourraient le consulter avant d’aller réclamer de l’argent. Aujourd’hui, il existe un article 221-5-5 qui permet la déchéance totale ou partielle de parentalité en cas de condamnation, mais pas de façon systématique, ce qui fait qu’il est très rarement autorisé. »
Le cas de la famille Le Goff ne semble pas si isolé à en croire les nombreux témoignages recueillis via sa page Facebook Un fichier une loi.
« Nous avons lancé une pétition en ligne qui a déjà recueilli près de 5 000 signatures. »
commentaires