Le 9 janvier 2015, le président de l’AS Monaco, Dmitri Rybolovlev, déposait plainte pour escroquerie contre le marchand d’art suisse, Yves Bouvier, et sa présumée complice, Tania Rappo, proche de la famille Rybolovlev qui avait mis en relation les deux hommes.
À l’époque, Dmitri Rybolovlev, qui avait constitué une exceptionnelle collection d’œuvres d’art grâce à Yves Bouvier, prétendait que ce dernier l’avait floué de plusieurs centaines de millions d’euros en touchant des commissions "exorbitantes" sur l’achat de tableaux, sans que son contrat d’intermédiaire le prévoie.
Le 25 février 2015, Yves Bouvier était arrêté par la Sûreté publique au pied de l’immeuble "Belle Époque" de Dmitri Rybolovlev et, au sortir de deux jours de garde à vue, criait au "guet-apens".
"Son va-tout"
Inculpé pour escroquerie et complicité de blanchiment d’argent avec Tania Rappo, Yves Bouvier ne tardait pas à répliquer en demandant purement et simplement l’annulation de la procédure pénale en déposant une requête en nullité.
Son fondement ? Dmitri Rybolovlev aurait usé de son influence sur la police monégasque pour lui tendre un piège et importer l’affaire en Principauté.
Une requête alors rejetée par la Chambre du conseil de la Cour d’appel de Monaco.
Plus de quatre ans après, le juge d’instruction de l’époque, Loïck Malbranque, a cédé sa place à Morgan Raymond, et les deux parties étaient conviés devant cette même chambre, hier, pour plaider après qu’Yves Bouvier ait fait appel de l’ordonnance rendue en 2015.
Débutée à 14 h 30 ce jeudi, l’audience s’est terminée à la nuit tombée.
Avant d’entrer dans le Palais de justice, les avocats de Dmitri Rybolovlev (absent), Maîtres Hervé Temime et Thomas Giaccardi, ont été économes en mots. Le clan Rybolovlev se considérant "en position de force" face à un Yves Bouvier qui jouait "son va-tout" après avoir déjà réussi à faire traîner la procédure grâce à cet appel.
"Une bataille quotidienne"
Costume bleu, lunettes noires, baskets et cigarette pendue aux lèvres, Yves Bouvier, lui, pénétrait dans le tribunal en confiance, entourée de ses quatre conseils : Maîtres Charles Lecuyer, Luc Brossollet, Frank Michel et David Bitton.
Tania Rappo et ses avocats, Maîtres Fayolle et Valerio, étant présents "en soutien" selon un Yves Bouvier venu essentiellement "en spectateur". "Cette audience repose sur la forme de la procédure et non le fond. Je ne suis pas spontanément amené à intervenir."
Évoquant une "bataille quotidienne depuis quatre ans et demi", de Monaco aux États-Unis, en passant par la Suisse et Hong Kong, où d’autres procédures ont tour à tour émergé, le marchand d’art n’a pas changé sa ligne de défense mais prétend l’avoir étayé. "Sur le fond, l’affaire aurait dû être jugée en Suisse, comme le prévoyaient nos contrats, mais à Genève, comme dans le canton de Berne, les procédures n’ont pas abouti", avance celui qui réitère son argument du piège tendu pour ramener l’affaire à Monaco.
Deux parties sereines
Principauté où, depuis, les SMS de l’avocate de Dmitri Rybolovlev, Tetiana Bersheda, échangés avec des personnalités locales, ont conduit, notamment, à l’inculpation de l’oligarque russe pour trafic d’influence et contraint à la démission l’ex-directeur des Services judiciaires, Philippe Narmino. Autant de rebondissements et de "nouvelles preuves" dont les conseils d’Yves Bouvier entendaient user, hier, pour asseoir le bien-fondé de leur requête en nullité déposée en 2015.
Au sortir de l’audience, les avocats de Dmitri Rybolovlev se sont fendus d’un communiqué au nom de leur client et de ses sociétés "victimes d’une escroquerie d’une exceptionnelle gravité".
"Nous rappelons qu’Yves Bouvier a été interpellé, inculpé, placé sous contrôle judiciaire et interrogé par des juges d’instruction indépendants et impartiaux, sous le contrôle constant de la cour d’appel. Les demandes d’annulation des deux inculpés sont sans fondement. La procédure est parfaitement régulière et doit se poursuivre. Nous attendons la décision de la Chambre du conseil avec sérénité."
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