Alerte contre les lanceurs de colis par-dessus les murs de la prison de Nice, la sécurité de l'établissement en jeu
Des inconnus pénètrent régulièrement dans des copropriétés voisines de la maison d’arrêt de Nice pour lancer des colis à destination de détenus. La sécurité de l’établissement est en jeu.
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Ch. P. Publié le 20/03/2023 à 06:45, mis à jour le 20/03/2023 à 07:21
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La résidence Le Lyautey jouxte la prison de Nice. La copropriété est prisée la nuit par des individus qui lancent des colis à destination des détenus.Nice Matin
Des silhouettes s’agitent dans l’enceinte d’un immeuble de la rue Justin-Montolivo, au pied du mur nord de la prison de Nice. Smartphone en main pour s’éclairer dans la pénombre, ces inconnus posent au sol des colis entourés par des filets de pommes de terre. Les larges mailles facilitent leur récupération par les détenus qui ont confectionné de singulières cannes à pêche. Au bout d’un drap, ils ont attaché un crochet bricolé à l’aide d’une fourchette.
Les lanceurs de colis patientent en silence et semblent attendre le feu vert. L’un d’eux, tel un athlète, s’échauffe les épaules pour être sûr que les objets franchissent sans encombres les six mètres de hauteur du mur d’enceinte. "Ils sont capables de lancer une dizaine de colis en une minute", chuchote Hubert, l’un des copropriétaires, fatigué de ces intrusions quasi quotidiennes.
Adam, un locataire de la résidence Lyautey, tempère. "Ces derniers temps, j’ai l’impression qu’il y en a moins. Sans doute parce qu’il y a pas mal de patrouilles de police. La dernière fois, mi-février, je suis tombé nez à nez à 1 heure du matin avec deux d’entre eux. Ils ne sont pas agressifs mais ils n’ont rien à faire là."
Portail forcé
"65.000 euros ont été investis pour renforcer la clôture de la copropriété mais rien ne les arrête", iniste Pierre, qui occupa pendant vingt ans le poste de gardien de la résidence. "Ils sont sportifs et peuvent franchir les grilles. Au pire, ils forcent les portes pour entrer. On n’allait quand même pas mettre des clôtures de trois mètres de haut!"
Quand est apparu ce phénomène, à l’abri des regards et des miradors, qui permet de déjouer la surveillance des parloirs? "Oh pauvre! Dès ma prise de fonction, dans les années 2000, cela existait déjà", s’exclame le retraité.
Pêche à la ligne
En cette fraîche nuit de printemps, le lanceur reçoit le top départ sur son téléphone. Il ramasse un colis et après quelques moulinets, le lâche, telle une fronde. Les colis bondissent au-dessus du mur d’enceinte tandis qu’on aperçoit à travers les barreaux des cellules une partie de pêche à la ligne. En quelques minutes, l’opération est terminée. Les silhouettes disparaissent en silence.
L’administration pénitentiaire, par la voix de Samantha Fontaine, de la direction régionale de Marseille, admet que "l’ensemble des établissements de Provence Côte d’Azur sont confrontés à ce phénomène". Elle affirme qu’une grande partie des colis n’arrive pas à leurs destinataires. A Nice, les parades mises en place ne semblent pourtant pas avoir démontré leur efficacité selon un surveillant. "Des caillebotis ont été ajoutés aux barreaux mais les détenus parviennent à les briser", constate Christophe Deom, élu du syndicat Unfa-Unsa.
Les individus agissent encapuchonnés, visage dissimulé et sont très mobiles. Certains utilisent même des drones comme ce fut le cas d’un Grassois, condamné à deux ans ferme en décembre en correctionnelle pour avoir livré des portables à la prison de Luynes (Bouches-du-Rhône). Son ADN laissé sur un colis, des images de vidéosurveillance ainsi que la géolocalisation de son téléphone avaient convaincu les juges de sa culpabilité.
Téléphones, cannabis, alcool, cigarettes, viande rouge, anabolisants… prennent la voie des airs, confirme, avec une forme de fatalisme, Christophe Deom. Nombre de riverains, à l’instar de Michel, retraité, sont persuadés "qu’avec un peu de volonté, on peut régler le problème".
Tout en ayant conscience que cela nécessite de mobiliser des effectifs de police et de surveillants de prison. "Quand j’occupais encore les fonctions de gardien, se rappelle Pierre, je les alertais régulièrement. Mais pour les coincer, il faut avoir des moyens sous la main. Il faut être là dans les cinq minutes." Reste ensuite à prouver qui a lancé les colis. Pas si simple.
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