Un tableau acheté 4 000 € chez des particuliers, sans facture ni certificat d'authenticité, est-il une œuvre originale de Le Corbusier? Pour quelles raisons son acquéreur, un antiquaire angoumois, multipliait-il les démarches pour tenter de vendre une "croûte" 20.000 € à un riche collectionneur monégasque?
Pour connaître le vrai du faux, la justice a fait comparaître, menotté, le dénommé Tony devant le tribunal correctionnel. Le ministère public a requis trois mois d'emprisonnement ferme à son encontre. Mais les juges l'ont relaxé!
L'affaire se déroule courant septembre. Le prévenu contacte la victime en lui proposant l'acquisition d'un tableau du célèbre architecte-urbaniste-peintre en échange d'un chèque de 20.000€ ou 10.000€ en numéraire.
À la suite de ce "dépôt-vente", une tierce personne contacte l'éventuel acheteur le lendemain par téléphone pour l'assurer d'une bonne affaire.
Mieux encore: un individu vient à son domicile, il s'extasie devant le tableau et déclare que la valeur réelle de l'œuvre dépasse les 40 000€. Le collectionneur, procrastinateur et sceptique, avertit les services de police…
"Les agents vous interpellent quand vous ressortez de l'appartement de la victime, rappelle le président Florestan Bellinzona. Ils saisissent le tableau et le font expertiser. En finalité, sa valeur ne dépasse pas 50 €. Pourquoi vouliez-vous escroquer cette personne âgée?
- Cet homme confond: j'ai parlé d'un tableau qui vaut 20.000 €dans une galerie parisienne et je le lui laissais pour 10.000 €, déclare l'antiquaire.
- Certes, mais avec un écart de 4.000 € à 20.000 € lors de votre acquisition, n'aviez-vous pas eu de doute sur l'authenticité?
- Non! Bien souvent les gens veulent l'argent rapidement. Dans une vente aux enchères, il faut attendre deux mois pour être payé… Alors on baisse les prix…
- Cependant, les experts estiment qu'une œuvre originale de Le Corbusier se négocie autour de 50.000e…", conclut le président.
Pour la représentante du Parquet, Cyrielle Colle, "trois expertises au dossier évoquent un faux tableau". Puis, le tampon apposé à l'arrière n'a aucune valeur!
D'ailleurs l'adresse n'a pas de correspondance vers une entité qualitative. De plus, l'œuvre n'est pas répertoriée dans les catalogues de Le Corbusier. Ce professionnel ne pouvait ignorer qu'il s'agissait d'un faux sans valeur!
Et pourquoi prend-il le risque de le refourguer à un prix bien en deçà du marché de l'art? En fait, il profite d'une personne âgée pour l'escroquer et raconter ensuite qu'elle perd la tête dans ses déclarations… Trois mois de prison ferme!
La défense aiguise alors ses arguments par les plaidoiries de deux ténors des barreaux de Bordeaux et Nice, respectivement Mes Benoît Ducos-Ader et Gérard Baudoux.
"Curieux dossier!", pour le premier. "Mon client serait un escroc qui n'a pas perçu un centime? Aucune des trois personnes à qui on a demandé un avis n'est un expert! Des éléments aussi imprécis ne peuvent déterminer pareille tentative. Vous n'avez pas suffisamment d'éléments pour condamner mon client."
Pour le second, "le prévenu est d'une totale bonne foi. Il laisse le tableau plus de dix jours afin que l'acheteur puisse réfléchir sur une éventuelle acquisition. Le tampon correspondait certainement à une réalité à l'époque des années cinquante… Aujourd'hui nous sommes en 2015. Il faut être d'une prudence extrême…"
Le tribunal l'a démontré par une relaxe pure et simple de l'antiquaire, reparti libre du palais de Justice.
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