Le pape caresse la tête d’un gamin qui pleure. Serre contre son cœur une femme au cœur brisé. Prend dans ses bras un père aux bras vides et sans plus d’enfant à bercer.
Samedi matin au Vatican, François a écouté, porté et réconforté cinquante-sept victimes et familles de victimes de l’attentat de Nice.
"Mon fils… Par moments, je l’entends comme s’il me parlait"

(Photo Jean-François Ottonello)
Costume sombre, Jean-Claude s’est assis discrètement, digne, son fils dans le cœur, son fils dans chacune de ses phrases. Et le père endeuillé l’a emporté sur l’agnostique, il s’est laissé envelopper par "la chaleur" de l’audience, "les mots de fraternité du pape".
À la fin de la cérémonie, il a réagi: "Il y avait beaucoup de personnalités, beaucoup de chaleur, beaucoup d’humanité. Je suis très heureux que M. Estrosi ait pu nous faire recevoir par le pape. Un moment comme celui-là soulage le chagrin. Même si notre chagrin, on l’aura toujours."
Un silence.
"Mon fils… Par moments, je l’entends comme s’il me parlait. Il avait accompli des missions à risque, où mille fois il aurait pu perdre la vie. Il vivait avec un éclat de balle fiché dans le cou. Mais il est mort un soir de Fête nationale en écoutant de la musique sur la promenade des Anglais. Aux islamistes, je ne pardonnerai jamais. Mais je ne confonds pas avec l’ensemble des musulmans."
"C’était une maman sainte mais ils nous l’ont volée…"

(Photo Jean-François Ottonello)
Sa mère, Fatima, est tombée la première le soir du 14-Juillet. Son voile s’est fondu dans l’asphalte de la promenade des Anglais et dans les larmes de ses sept enfants. Latifa Charrihi est venue rencontrer le pape François avec son frère Ali, son cousin Saïd, Kamel, un ami, etleur avocat Mehana Mouhou.
Elle est venue comme un symbole. "Pour dire: “On est musulmans, d’autres ici sont catholiques ou juifs. Mais on est tous pareils. On ressent tous la même douleur quand on perd sa mère, son frère ou son enfant. Et on a tous les mêmes valeurs: le respect, la fraternité et la paix.” C’est ce qu’a dit le pape. La parole du chef des catholiques a du poids, du sens. Son discours était très réconfortant, plein de sagesse. Maman aurait été contente que nous soyons là. Elle était très pieuse, portait le voile et laissait les autres vivre leur religion comme ils l’entendaient. C’était une maman sainte mais ils nous l’ont volée…"
"Un pas vers la guérison, un cadeau inespéré"

(Photo Jean-François Ottonello)
Elle est arrivée à l’audience papale appuyée sur deux béquilles. Marchant difficilement et les yeux bordés de larmes. Carolina Mondino pensait à sa meilleure amie tombée sur la Promenade ce soir de sang. Douleur dans le cœur, douleur à chacun de ses pas de survivante brisée.
Aux journalistes qui l’ont assaillie avant le début de la cérémonie, cette catholique pratiquante a dit: "Je n’ai pas appris à pardonner…". Et elle a fondu en larmes.
Puis, l’audience. La rencontre avec le pape. Elle est ressortie "plus apaisée". Épuisée par l’effort, les émotions, mais avec l’ombre d’un sourire inimaginable quelques instants avant: "C’est un pas vers la guérison, un cadeau inespéré."
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