"On a sauvé des lignes de train grâce à la mobilisation des citoyens." Cet Azuréen raconte 30 années de combat
Pétitions, courriers aux décideurs, manifestations… Des citoyens azuréens se battent pour défendre le train. Germain Nallino est l'un d'eux. Chemins de Fer de Provence, ligne Cannes-Grasse, Nice-Breil: Il raconte comment l'association des Amis du Rail azuréen œuvre depuis 30 ans. Avec des succès à la clé.
Sophie CasalsPublié le 18/11/2023 à 09:15, mis à jour le 18/11/2023 à 09:38
Germain Nallino: "Avoir un ferroviaire qui roule correctement est un besoin vital."Photo Dylan Meiffret
En ce jour pluvieux, on retrouve Germain Nallino à la gare provisoire de Saint-Augustin à Nice. Le président des Amis du rail azuréen regarde le TER arriver en gare, les passagers se presser sur les quais. Il jette un œil sur les voies qui mènent à la gare Thiers.
"Mon regret c'est que nous n'ayons pas réussi à obtenir une 3e voie entre Cannes et Nice jusqu'à Nice-ville. À Nice, ils ont préféré élargir la voie rapide, alors on a un goulet d'étranglement après Saint-Augustin", glisse-t-il. Avant d'enchaîner: "et quand verra-t-on un TER toutes les quarts d'heure ?" Une promesse qui tarde à se concrétiser.
Pour un réseau efficace au service des habitants, l'octogénaire, ancien cheminot, se bat sans relâche depuis 30 ans, aux côtés des chevilles ouvrières de l'association des Amis du rail azuréen.
Il revient sur les grandes mobilisations qui ont permis d'éviter des fermetures de lignes. Et les actions menées aujourd'hui. "Avoir un ferroviaire qui roule correctement est un besoin vital," pose-t-il.
"Pour réussir, il faut être dans l'action, et on a besoin des citoyens."
Il dit aussi la nécessité d'un suivi au long cours. "Pour obtenir des résultats comme des travaux importants, des évolutions de gouvernance, il faut compter 10 ans."
Le sauvetage des Chemins de Fer de Provence
Où est cette ligne?
La ligne des Chemins de fer de Provence, longue de 151 km est exploitée par la Région, elle relie Nice à Digne (Alpes-de-Haute-Provence). Depuis le mois de juillet, entre Nice centre et Utelle (c'est-à-dire sur le périmètre de la Métropole Nice Côte d'Azur), les passagers du réseau Ligne d'Azur peuvent voyager avec le même titre de transport (ticket de tram).
Les fréquences ont été accrues entre Nice et Colomars avec 4 trains supplémentaires dans chaque sens du lundi au samedi soir.
Et pourtant, cette ligne a bien failli disparaître.
Une crue dévastatrice
Novembre 1994, le Var sort de son lit. Les flots en furie inondent l'aéroport, le MIN…
Au nord de la vallée du Var, une portion de ligne ferroviaire des Chemins de fer de Provence est également emportée. "Ils voulaient fermer la ligne", se souvient Germain Nallino. Devant l'ampleur des dégâts, et le coût de la reconstruction, la menace est réelle.
Quels modes d'action? "On a participé avec d’autres associations et élus à un vaste mouvement de solidarité." Via des pétitions, des manifestations, ils alertent et mobilisent les citoyens. Tandis que les élus des communes desservies de Nice à Digne demandent, eux-aussi, les travaux de remise en état.
"Ce mouvement va contraindre les financeurs d’alors avec l’Etat à relever le défi de la reconstruction du réseau fortement endommagé, qui rouvrira plus de deux ans après la crue."
Le chemin de fer de Provence relie Nice à Digne.Photo Dylan Meiffret.
Mais, la ligne peine à se relever, faute de financement. "En 2001, avec les cheminots on a lancé une vaste campagne pour la régionalisation de la ligne, poursuit Germain Nallino. 33 maires riverains de la ligne répondront par une délibération favorisant la modernisation et la régionalisation de la ligne."
En septembre 2003 dans les locaux d’une école désaffectée de Saint-Martin du Var, les Amis du Rail et les cheminots organisent un colloque en présence d’une trentaine de maires, de conseillers, de députés.
Le combat porte ses fruits: la Région récupère la concession et la gestion de la ligne. "On a aussi mené à partir de 2006 une bataille pour l'achat de nouveaux autorails."
Des rames orange et jaunes qu'on voit aujourd'hui circuler dans la vallée du Var.
Et aujourd'hui?
"On continue à mettre la pression sur les politiques pour la poursuite du remplacement des autorails par du matériel moderne, mais aussi pour que les travaux du tunnel du Moriez (situé après Saint-André les Alpes, dans les Alpes-de-Haute-Provence) soient réalisés. Le tunnel s'est effondré en 2019 et le chantier a pris du retard."
La Région table sur une réouverture en 2025.
Entre 2023 et 2026, 100 millions d'euros sont prévus pour poursuivre la modernisation de la ligne (travaux dans les gares, achat de 8 nouveaux trains hybrides…) "Il y a beaucoup de monde dans la zone périurbaine. Si on veut améliorer la desserte, il faudrait doubler la voie sur la partie entre Nice et Saint-Isidore", estime Germain Nallino.
La réouverture de la ligne Cannes-Grasse en 2005
La modernisation se poursuit sur la ligne Cannes-Grasse Photo Patrice Lapoirie.
Où est cette ligne? Sur une voie unique de 16,6 km, la ligne relie la gare de Cannes-la-Bocca située sur la ligne de Marseille-Saint-Charles à Vintimille à la sous-préfecture de Grasse. Alors qu'elle ne servait plus qu'au transport de marchandises, elle ferme au tournant des années 2000.
Quels modes d'action? "L'impulsion pour la réouverture de la ligne a été donnée par le maire de Mouans-Sartoux, André Aschieri. Il s'est battu pour le train, et contre le projet d'une autoroute A8 bis."
Dans ce combat, le député-maire de l'époque peut compter sur les Amis du Rail azuréen.
On en a passé des samedis là-haut à Grasse, sur le marché, à faire tourner des pétitions."
Pendant au moins 2 à 3 ans, avec ses comparses, il ne lâche rien. Une bataille politique et citoyenne gagnante : en 2005, 66 ans après sa fermeture au transport de passagers, la ligne rouvre.
Et aujourd'hui? "Des travaux permettant le passage en souterrain vers Grasse, à hauteur de Cannes la Bocca vont améliorer la desserte à l'horizon 2028-2030, se félicite-t-il. Mais je ne sais pas si je serai encore là pour le voir."
Où est cette ligne?
Elle relie Nice à Breil sur Roya où arrive la ligne Vintimille-Cunéo.
Après le passage de la tempête Alex les 2 et 3 octobre 2020, le train est devenu l’un des seuls moyens d’acheminer de quoi manger dans les villages de la Haute-Roya.
C’est lui, encore, qui permet d’acheminer du matériel de reconstruction et le foin pour les agriculteurs.
Quels combats?
Réouverture de la ligne après la tempête Alex.Photo Christophe Cirone.
Depuis plus de 30 ans, les Amis du rail veillent sur cette "ligne de vie" qui relie Nice à Cunéo. Trois décennies ponctuées de pétitions, courriers aux décideurs, manifestations. Comme en 2013.
On avait manifesté avec les Italiens, nous étions plus de 1500 à Breil.
Cette forte mobilisation a joué et nous a permis de débloquer des fonds pour des travaux d'entretien."
La détermination de l'association permet également d'autres avancées dans la vallée du Paillon, desservie par la ligne, comme la modernisation qui permet un meilleur cadencement entre Nice et Cantaron. "On a aussi obtenu la halte à Pont-Michel." Cet arrêt qui permet de se connecter à la ligne 1 du tram est inauguré en 2014.
Mais sur cette ligne, comme sur les autres, Germain Nallino le sait. Tant que la fréquence et la fiabilité ne sont pas au rendez-vous, il faut continuer à croiser le fer. S'il s'apprête aujourd'hui à passer le relais à la tête de l'association, il entend bien rester mobilisé jusqu'au bout. Avec le soutien des quelque 150 adhérents et des citoyens.
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