C'est un fléau qui peut s'avérer traumatisant pour quiconque en est victime. Depuis plusieurs années, les autorités sanitaires remarquent une hausse des infestations par des punaises de lit. Des bestioles qui s'infiltrent presque partout et mènent une vie infernale aux personnes piquées et dont les biens ont été infestés.
Entre 2017 et 2022, 11% des ménages français auraient été infestés, selon un sondage Ipsos réalisé en juillet dernier pour un groupe de travail mis en place par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Et si les autorités s'alarment, c'est que le phénomène est en recrudescence, à la faveur des nombreux voyages, de l'essor de la vente de seconde main, mais aussi par la résistance croissante des punaises aux insecticides. L'alerte concerne notamment l'impact sanitaire et psychologique des personnes touchées mais aussi, celui qui a trait aux conséquences socio-économiques de ces nuisibles.
Hôpitaux, transports, hôtels...
S'il est possible d'adopter un comportement qui évitera d'en ramener chez soi, les infestations ne se cantonnent pas aux limites physiques d'un logement: cette semaine, des punaises de lit ont été signalées dans un TGV faisant la liaison Marseille-Paris, un autre train faisant le trajet Paris-Lille était également infesté. Récemment aussi, ce sont dans des cinémas que les bestioles ont été repérées. Certains ont constaté leur présence dans des hôtels ou encore plus surprenant, dans les hôpitaux.
En mai dernier, c'est d'ailleurs tout un étage d'un hôpital lyonnais qui était infesté et début septembre, c'est l'hôpital de Boulogne-sur-Mer qui a été touché. En bref, elles peuvent être partout. Tous ces lieux sont donc devenus des lieux à risques. Alors pour l'Anses, c'est simple: ce problème est un risque pour la santé publique et certains clichés ont la vie dure.
Un phénomène qui coûte cher sur le plan financier
Première idée reçue, une infestation n'est pas le synonyme d'un manque de propreté: tout le monde peut être victime d’une infestation à son domicile. C'est l'un des enseignements du rapport de l'ANSES, publié en juillet dernier.
Autre idée reçue, les punaises de lit peuvent toucher tous les foyers, peu importe le niveau de revenus. "C'est un phénomène totalement indépendant du milieu social", selon Karine Fiore, adjointe à la direction des sciences sociales, économiques et sociétales à l’Anses. En d'autres termes, un foyer qui part beaucoup en vacances peut tout à fait revenir avec des punaises de lit dans ses valises, tout comme une personne à faible revenu, pourra en ramener chez elle, après avoir acheté des vêtements ou des meubles en seconde main.
En revanche, si tous les foyers peuvent être touchés, c'est le niveau de revenus du foyer qui détermine la persistance ou non de l'infestation. En effet, désinfecter son logement coûte en moyenne, 866 euros par foyer. Un coût certain en pleine période d'inflation et de hausse des prix. A l'échelle nationale, la lutte contre les punaises de lit a été chiffrée à 1.4 milliard d'euros entre 2017 et 2022, soit 230 millions d'euros par an, selon l'Anses. Pour les bailleurs sociaux, interrogés dans ce rapport, le coût s'élevait en moyenne à 74.500 euros en 2021. Les logements étudiants (Cnous et Crous) ont quant à eux, estimé avoir consacré 700.000 euros à cette lutte la même année.
... mais aussi sanitaire
Et cela, sans compter le coût des conséquences psychologiques des infestations. En effet, si les punaises ne transmettent pas de maladie, leur présence peut avoir des effets psychologiques voire psychiatriques et impacter le bien-être des personnes victimes d’infestation à leur domicile. "Bien souvent on ne peut plus dormir, ce qui équivaut à une vraie torture", décrit d'ailleurs le Pascal Delaunay, parasitologue et entomologiste médical au CHU de Nice.
"Aucun autre insecte ne s'incruste comme cela dans votre logement, votre sécurité, votre lit, votre intimité. Rien que la méthode de lutte est traumatisante puisque même si un désinsectiseur vient chez vous, il faut participer" en nettoyant son logement ou en jetant ses affaires, explique-t-il. "C'est la double peine". Jerome Goddard, professeur d'entomologie à la Mississipi State University, aux Etats-Unis a mené une étude sur les messages laissés sur Internet, concernant des infestations de punaises de lit: son analyse a démontré que 81% des personnes évoquaient des effets psychologiques et émotionnels modérés à graves après les piqûres (cauchemars, hyper vigilance, insomnie, anxiété...).
L'étude de l'ANSES va d'ailleurs dans ce sens. Elle montre que les victimes d'infestation persistante ou récidivante sont "plus susceptibles de développer des troubles du sommeil, un changement d’humeur, de la nervosité, des sentiments de panique, de l’agitation, de l’hypervigilance et des comportements d’éviction, des manifestations délirantes, et des symptômes équivalents à un stress posttraumatique avec des conséquences socio-professionnelles."
Dans les situations les plus graves, l'impact sur la santé mentale peut se traduire par une dégradation de l'état de santé général et augmenter le risque de suicide ainsi qu'une hospitalisation en psychiatrie. A ces problématiques de santé mentale et physique s'ajoute également la crainte de stigmatisation sociale associée aux punaises de lit. La honte de subir une infestation demeure encore taboue et honteuse chez de nombreuses personnes en raison notamment des lésions visibles sur les parties du corps découvertes.
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