"Ce n’est pas l’égalité que je recherche mais l’équité": comment l'UFM mène son combat pour le droit des femmes à Monaco

Présidente de l’Union des femmes monégasques, Véronique de Millo Terrazzani évoque la défense des intérêts des femmes, les avancées législatives du passé et les futurs combats à mener.

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Thibaut Parat Publié le 17/03/2022 à 10:00, mis à jour le 17/03/2022 à 11:02
Véronique de Millo Terrazzani, présidente de l’Union des femmes monégasques. J.-F. Ottonello

Écrits historiques en main, elle se plaît à conter les combats passés de ses prédécesseures : des propositions novatrices, pour l’époque, ayant abouti à des avancées législatives majeures pour les femmes. C’est fière de cet héritage associatif - militant même - que Véronique de Millo Terrazzani a pris la présidence en décembre 2020 de l’Union des femmes monégasques (UFM).

Dans une Principauté désormais proactive en matière de droits des femmes, cette Monégasque de 55 ans, retraitée de l’administration monégasque, entend mener d’autres combats aux côtés d’un tissu associatif et étatique engagé pour défendre cette cause.

Libération de la parole, équité entre femmes et hommes, féminisation des titres de fonction, sujet épineux de l’avortement… La présidente de l’UFM s’est confiée à Monaco-Matin.

L’Union des femmes monégasques en quelques mots ?
Notre ADN est la défense des intérêts des femmes, tant sur le plan juridique que de leur vie quotidienne. Mais aussi – et c’est une notion importante – de leurs familles. L’UFM n’a jamais eu cette vision étriquée, cantonnée aux seuls avantages des femmes. Le versement de la pension de réversion en est un exemple puisque celle-ci n’allait que dans un sens. Les adhérentes ont obtenu que l’homme veuf puisse aussi en bénéficier. Il y a toujours eu, chez elles, ce sentiment d’équité, de justice. Notre association a aussi une visée ludique, récréative pour nos 320 adhérentes âgées de 18 à 100 ans. Certaines femmes isolées, que la pandémie de Covid-19 a fait beaucoup souffrir, ont besoin d’un lien social. La reprise de nos activités les a soulagées.

Justement, que proposez-vous ?
Des cours de chant, des jeux de cartes, des ateliers de rempotage, de terrarium… La culture me tient aussi à cœur, car elle nous grandit et nous rend meilleure. Lors de la première journée du matrimoine, une exposition réalisée par nos soins mettait en avant ces femmes, invisibles, qui travaillent au service de l’art, de la culture et du patrimoine. La prochaine sera consacrée aux femmes et l’environnement. En mai, un médecin du CHPG viendra parler de problématiques, parfois taboues : l’incontinence, la descente d’organes. À l’UFM, les femmes viennent voir des amies. Elles se sentent en confiance.

D’où, aussi, la tenue de groupes de réflexion sur des sujets sociétaux majeurs…
On a vite remarqué que ces débats d’idées ont libéré la parole des femmes. Dans un environnement sécurisé, elles ont commencé à aborder la problématique du harcèlement, principalement au travail. Pas celui de rue, même s’il existe en Principauté notamment à proximité des chantiers.
Lors de la dernière séance, j’étais presque mal à l’aise tant je ressentais la douleur de certaines.

Comment cela s’illustre-t-il ?
Il y a deux types de harceleurs. 
Le gros lourd, d’abord, avec ses blagues rustres. Il n’est pas fondamentalement méchant mais il se trouve drôle et n’a pas conscience qu’il peut être blessant ou gênant. On travaille sur un projet à visée éducative pour que ces gens-là prennent conscience que certaines choses peuvent être embarrassantes. Et puis, il y a le manipulateur, celui qui veut arriver à ses fins avec un chantage d’ordre sexuel ou professionnel. Les conséquences peuvent être abominables. Pour combattre cela, il y a un arsenal juridique et pénal. On ne peut qu’inciter les victimes à se défendre, à oser libérer leur parole, à aller voir des associations comme l’AVIP. Des entreprises ont déjà pris les choses très à cœur avec un référent harcèlement, des enquêtes internes.

Des combats en commun avec le, plus récent, Comité pour la promotion et la protection des droits des femmes…
Nous en faisons partie. Sa création est une excellente chose. On en avait besoin vis-à-vis des instances internationales. Céline Cottalorda est très investie et se donne beaucoup de mal, notamment sur la lutte contre les violences faites aux femmes. Le comité nous verse aussi une subvention qui nous permet de réaliser des actions.

Monaco a longtemps été jugée archaïque sur la place faite aux femmes dans la société. Comment l’analysez-vous ?
Je n’utiliserais pas ce terme. Monaco s’inscrivait dans une culture beaucoup plus large, quasiment à l’échelle mondiale, qui était dominée par une vision patriarcale. Il a fallu changer de paradigme et prendre conscience que le monde était habité non seulement par des hommes mais aussi par des femmes, et qu’elles étaient tout aussi capables de réflexion, de participer à la vie publique, professionnelle et politique. Monaco a, certes, pu avoir du retard dans ce domaine et avoir du mal à intégrer ce postulat mais progressivement nous y arrivons…

Plusieurs femmes ont récemment intégré des postes clefs au sommet de l’État monégasque.
Cela montre que le prince Albert II a conscience de l’importance des femmes dans tous les domaines de la vie. C’est un signal fort et très apprécié par la population et les femmes. Il s’est entouré de personnes en qui il a une profonde confiance. Je suis convaincue que c’est pour proposer un nouveau dynamisme à la Principauté. Il va en sortir des propositions, des choix, des idées pour le pays.

Quelles avancées législatives majeures ont été obtenues par le passé pour les femmes ?
Elles concernent en priorité le droit de vote et l’éligibilité des femmes – au conseil communal en 1945 et 1962 pour le Conseil national – car elles permettent de considérer les femmes comme des citoyennes à part entière. Les lois sur la transmission de la nationalité ont progressivement permis aux mères nées monégasques d’avoir des enfants monégasques. Il y a eu, ensuite, toutes les lois qui permettent aux femmes d’être maîtres de leur vie, de leur corps que ce soit dans les actes du quotidien : ouvrir un compte en banque, l’interruption médicale de la grossesse. Et les lois qui les protègent : sur le harcèlement, les violences.

Quels combats reste-t-il à mener ?
Ce n’est pas l’égalité que je recherche mais l’équité.
Aujourd’hui et globalement, les femmes vivent bien à Monaco. Nous y sommes en sécurité, nous pouvons étudier, travailler. Il reste des inégalités en particulier salariales, une insuffisance des représentations des femmes dans les conseils d’administration et toujours des problèmes liés à la violence et au harcèlement en général. Il faut poursuivre les efforts généraux pour la libéralisation de la parole. La féminisation des titres de fonction est aussi indispensable comme l’a accompli le Conseil national depuis 2020. Il faut aussi lutter contre l’invisibilité des femmes. Les rendre visibles permettra, progressivement, de faire évoluer les mentalités en profondeur. C’est avant tout un travail pédagogique et de communication à partir des mots. Enfin, il est indispensable d’apprendre aux femmes à développer une culture de l’entraide, en particulier dans le monde professionnel. Les hommes ont l’habitude de fonctionner avec des réseaux professionnels, de s’aider et de se communiquer des informations là où les femmes ont tendance à se mettre en concurrence entre elles. L’UFM espère jouer son rôle dans cette partition comme elle l’a toujours fait depuis sa création en 1958.

Son avis sur la question de l’avortement

"Pour être pénalement jugé sur une interruption volontaire de grossesse, il fallait deux conditions : que la femme soit de Monaco et qu’elle avorte dans un pays où l’avortement n’est pas légal. Une Monégasque qui allait avorter en France ne risquait, donc, rien pénalement. La dépénalisation de l’avortement à Monaco était avant tout politique. Sa légalisation est extrêmement compliquée. Le Prince est prince par volonté divine. C’est pour ça qu’en Principauté le catholicisme est religion d’État. Proposer l’avortement aujourd’hui, c’est prendre le risque de se fâcher avec le Vatican et donc de fragiliser la position de Prince. Et ça, il n’en est pas question. C’est un avis partagé par beaucoup de femmes. J’aimerais qu’on trouve une solution acceptable pour tout le monde, aussi bien d’un point de vue théologique que du droit à être maître de son corps."

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