Alors que le volet pénal du procès a pris fin le 5 janvier dernier, les magistrats de la cour d’assise spéciale de Paris ont rendu hier un arrêt très attendu. Il s’agissait de se prononcer sur la recevabilité des quelque 2.542 constitutions de parties civiles émanant de victimes directs ou indirectes de l’attentat. La cour a pris soin d’examiner chaque situation particulière. Elle a tout d’abord estimé que "les personnes ayant été exposées à l'action criminelle de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel mais aussi celles qui, compte tenu de leur proximité avec la scène de crime, pouvaient légitimement se croire directement exposées à un risque de mort ou de blessures" devaient être déclarées recevables.
Pour affiner son analyse, elle a toutefois défini "un périmètre d'exposition au danger".
Un premier périmètre d’exposition "directe" a été défini. Il correspond à toute la chaussée sud de la Promenade, de l’hôpital Lenval au Palais de la Méditerranée. Mais la cour a aussi tenu à faire des distinctions. Ainsi, sur la première partie du parcours du meurtrier, de la fondation Lenval jusqu’au centre universitaire méditerranéen, "les personnes qui, au moment du passage du camion, étaient présentes non pas sur la Promenade des Anglais mais sur la plage en contrebas et sur la chaussée nord et qui étaient protégées par le parapet et le terre-plein, ne pouvaient pas légitimement se sentir en danger."
La cour considère en revanche la suite du parcours du camion, entre le boulevard Gambetta et le quai des Etats-Unis, comme une zone à risque (chaussée et plage) justifiant de la recevabilité des constitutions de parties civiles. Celles des "primo-intervenants" - "policiers nationaux et municipaux qui ont poursuivi ou tenté de poursuivre le camion lors de sa progression, qui l'ont encerclé, et qui ont participé à la neutralisation de l’auteur et/ou à la sécurisation immédiate du périmètre" – ont également été acceptées, de même que celles "des personnes justifiant s’être trouvées dans le périmètre d'exposition au risque, réel ou supposé, avant leur intervention".
En revanche, les policiers, pompiers, secouristes... "qui n'étaient pas en service et qui ont été appelés sur les lieux pour participer à la couverture des corps, à la prise en charge des blessés, ou à la préservation de la scène de crime, ne sont pas recevables [...] puisqu'ils sont arrivés sur les lieux après la fin de l'action criminelle". "Il n'est pour autant nullement contestable que ces primo-intervenants aient pu être durablement et profondément marqués voire traumatisés par les scènes exceptionnellement terribles auxquelles ils ont assisté", a cependant souligné la cour.
Pour le cas des victimes indirectes, la cour a retenu "les personnes justifiant de la réalité d’une relation de proximité avec une victime directe et d’un préjudice personnel", ainsi que les enfants en gestation au moment de l'attentat, au motif que "leur préjudice résulte de l'atteinte portée à leurs parents au moment de l'attentat".
A noter enfin que les juges ont accepté les constitutions des associations FENVAC (Fédération Nationale des Victimes d'Attentats et d'Accidents Collectifs), AFVT (Association Française des Victimes du Terrorisme), Promenade des Anges, Mémorial des Anges, La voix des enfants, Life for Nice, l'Union des Anciens Combattants de la Police et des Professionnels de la Sécurité Intérieure, le Fond de Garantie et l'Agent Judiciaire du Trésor.
Au total, la cour a rejeté 337 constitutions de parties civiles.
C’est désormais la Juridiction d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme (JIVAT) qui devra traiter le contentieux de l’indemnisation des préjudices subis par les victimes d’actes de terrorisme, dans les cas où aucun accord n’aurait pu être trouvé avec le Fonds de garantie des victimes des actes de Terrorisme et d’autres infractions (FGTI).
Trois accusés reconnus civilement responsables
La cour a déclaré Chokri Chafroud et Mohamed Ghraieb "civilement responsables des préjudices causés aux parties civiles par l’attentat".
Le premier pour avoir "inspiré l’auteur dans le choix de son mode opératoire, tenté de lui fournir une arme et participé à plusieurs rendez-vous préparatoires", le second pour "lui avoir remis la somme de 2 000 euros en ayant connaissance de sa radicalisation et de ses projets de passage à l’acte violent."
Ramzi Arefa a pour sa part été reconnu "civilement responsable des conséquences de l’attentat" pour avoir vendu à l’auteur de l’attentat le pistolet semi-automatique utilisé le soir des faits.
En revanche, Artan Henaj, Enkeledja Zace, Brahim Tritrou, Maksim Celaj et Endri Elezi ne sont pas déclarés civilement responsables du préjudice subi par les parties civiles.
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