Les visiteurs du Musée océanographique ont déjà croisé du regard son travail, présent dans certaines salles. Mais l’artiste demeure plutôt méconnu du grand public. Peintre voyageur, illustrateur de presse, artiste reporter, Louis Tinayre capturait l’Histoire par l’image au croisement du XIXe et du XXe siècle.
Sa rencontre avec le prince Albert-1er détermina une grande partie de sa carrière, comme s’attarde à le retracer l’exposition Albert 1er et Louis Tinayre, le prince et le peintre, une amitié à la découverte du monde sur les murs de la salle d’exposition du quai Antoine-1er à Monaco.
Drôle d’amitié que ce duo composé du souverain monégasque et d’un fils de communards né en 1861, exilé entre 1872 et 1979 en Hongrie avec sa mère militante active et après l’exécution de son père. Et revenu à Paris, diplômé des Beaux-Arts de Budapest, pour signer notamment un portrait d’ampleur de Louise Michel, militante anarchiste et passionaria de la Commune, qui ouvre l’exposition et témoigne de son environnement familial. Avant qu’il ne prenne le large.
Vingt années d’expédition
"Nous avons voulu montrer en quoi Louis Tinayre est le peintre emblématique des campagnes d’Albert 1er. Il l’a accompagné aux Açores, en Norvège, il a illustré l’ouvrage La carrière d’un navigateur et les deux hommes ont partagé une amitié", décrypte Stéphane Lamotte, secrétaire du Comité de commémoration Albert 1er-2022 et membre du conseil scientifique avec Thomas Fouilleron et Thomas Blanchy qui ont pensé l’exposition scénographiée par Cécile Degos sous le commissariat de l’historienne d’art, Anne Beauchef-de-Bussac, spécialiste de Tinayre.
La première rencontre entre le prince et le peintre se fait en 1900 lors de l’Exposition universelle de Paris, où Tinayre expose les rendus de son expédition à Madagascar dans le pavillon du pays. Le souverain apprécie le travail réalisé par le reporter, illustrateur de presse dont on découvre de nombreuses planches dans l’exposition.
Louis Tinayre est choisi pour embarquer en 1904 sur le navire du prince Albert 1er pour une première expédition commune. Ils en feront ensemble pendant près de 20 ans. Dont deux fois le Spitzberg - un glacier porte sur place le nom Louis Tinayre depuis - mais aussi la fameuse campagne du Wyoming aux États-Unis à la rencontre de Buffalo Bill.
Un peintre
de l’atmosphère
Ces fragments d’histoire déroulés dans l’exposition d’une belle qualité, mettent en valeur la maestria de Tynaire, capable de retranscrire sur la toile des atmosphères, des ambiances, des mouvements de personnages comme sur une photographie. Une pratique artistique dont il usera aussi parallèlement.
Mais c’est avec ses pinceaux qu’il s’exprime le mieux. À bord du Princesse-Alice, ou en expédition en terre montagneuse, Louis Tynaire peint des aquarelles, prend parfois quelques photos pour capturer des moments. Cette base lui sert ensuite à réaliser en atelier, de plus grand format.
Il est aussi - et surtout - aux côtés des membres d’une expédition pour tout documenter : aussi bien la vie à bord, les paysages, les recherches scientifiques ou les espèces rencontrées, dont il croque les reliefs et les contours comme un naturaliste.
Cette vie de créations, dispersées dans quelques musées, collections privées et archives monégasques, n’a certainement jamais eu la lumière qu’elle mérite.
Tynaire meurt en 1942 en ayant fait don à sa ville natale d’Issoire d’un grand nombre de toiles pour un musée qui ne verra jamais le jour. En 2016, le Musée de la chasse et de la nature à Paris lui consacrait une des rares expositions dédiée à son travail.
La dernière à Monaco remontait à 1914 sur les murs du Musée océanographique. Il est nécessaire, alors, de ne pas manquer celle déployée à la salle du Quai Antoine-1er, jusqu’au 11 septembre.
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