Tout ce qu'il faut savoir sur le futur centre de tri des déchets à Monaco

Destiné à remplacer l’usine d’incinération de Fontvieille, le projet du futur centre de tri et de valorisation des déchets ambitionne d’être moins polluant et d’alimenter en énergie tout l’Ouest de la Principauté. On vous détaille le dossier.

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Thibaut Parat Publié le 24/01/2022 à 12:29, mis à jour le 24/01/2022 à 13:46
L’actuelle usine de traitement des déchets de Fontvieille est vieillissante, obsolète et coûteuse à entretenir. Photo Jean-François Ottonello

Le projet pèse 304 millions d’euros et symbolise les desseins environnementaux de Monaco en matière de transition énergétique.

À l’échéance 2030, si le dossier ne connaît pas d’accroc ou d’atermoiement, la Principauté aura remplacé le bâtiment où sont traitées chaque année 55.000 tonnes de déchets, dont 30% proviennent de la communauté d’agglomération voisine. Aux oubliettes l’actuelle usine de valorisation énergétique (UVE), vieillissante, polluante et coûteuse à maintenir en vie pour l’État.

Place au futur centre de tri et de valorisation des déchets (CTVD), dont l’implantation sur l’îlot Charles-III a déjà été actée.

Nom de code: Symbiose.

Un projet porté par la SMA depuis peu

Le sujet suscite beaucoup d’attentes, d’autant qu’il a longtemps été l’objet de vives frictions entre le Conseil national et l’exécutif, mais aussi de déceptions avec un appel à technologies international qui s’est avéré infructueux.

Mais depuis que la Société monégasque d’assainissement - sollicité fin janvier 2021 par l’État pour élaborer une solution optimale de gestion des déchets - a présenté son projet aux conseillers nationaux, le satisfecit est général. Toute la philosophie de celui-ci tient en une phrase: "Ne pas penser les déchets comme une contrainte, dont il faut se débarrasser, mais comme une ressource locale, disponible tout le temps, résume Thomas Battaglione, président délégué de la SMA. La solution qu’on a élaborée permettra à Monaco de rester autonome dans le traitement de ses ordures ménagères pour les 50 prochaines années, quels que soient les scénarios de développement du pays, d’un point de vue urbanistique, démographique, de l’usage du chauffage et de la production des déchets."

Quels déchets y seront traités?

Sensiblement les mêmes que l’actuelle usine (lire ci-contre), dont les classiques ordures ménagères, avec un tonnage plus conséquent.

Le futur CTVD pourra, par exemple, absorber la totalité des boues d’assainissement du territoire, contre la moitié actuellement. Monaco gagnera aussi en autonomie avec la création d’une déchetterie. Mais surtout, fait inédit, elle sera en capacité d’extraire les plastiques se mélangeant au flux des ordures ménagères. Des intrus extrêmement polluants.

Une usine bien moins polluante

Car oui, avec le transport routier et la dépense énergétique dans les bâtiments, le traitement des déchets (avec son UVE) est le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre (26%). S’il existait aujourd’hui, le CTVD générerait 3 à 4 fois moins de CO2. Ce qui placerait le pays en très bonne voie pour remplir ses objectifs de réduction des émissions de CO2: -55% en 2030 par rapport à 1990, la neutralité carbone d’ici 2050.

"L’autre ligne rouge est de garantir que ce projet, en centre-ville, ne présente aucun risque pour la population et les bâtiments voisins sur le plan sanitaire. Grâce à nos procédés, le CTVD générera 5 à 20 fois moins d’émissions polluantes (hors CO2) que ce que préconise les normes européennes, 2 à 10 fois moins que les émissions actuelles, rassure Thomas Battaglione. Si on n’avait pas trouvé de solutions, on aurait tout arrêté. On aurait dit "On ne sait pas faire"."

Fontvieille sera autonome en énergie

Implanter un tel équipement en zone urbaine est clairement une contrainte. "Mais c’est aussi un immense atout car vous avez des besoins énergétiques à proximité", avance François Grosse, directeur du projet "Stratégie circulaire et bas carbone 2050" à la SMEG.

La valorisation des déchets permettra ainsi de produire une énergie décarbonée. "On sera capable d’alimenter en énergie thermique (chauffage et climatisation) l’ensemble du quartier de Fontvieille mais aussi tous les futurs bâtiments: le grand Ida, l’îlot Pasteur, l’îlot Charles-III, le nouveau CHPG, annonce Thomas Battaglione. Ils éviteront de fait l’usage des chaudières à fuel ou à gaz."

Le futur Centre de tri et de valorisation des déchets concentrera de manière verticale tous les process : tri, combustion, production de vapeur et d’énergie, dépollution. Photo DR.

7 étapes pour comprendre comment seront traités vos futurs déchets

La conception industrielle et architecturale du futur CTVD réussira, dans un espace contraint, à concentrer verticalement l’intégralité des process (tri, combustion, production de vapeur puis d’énergie et dépollution) ainsi que les flux entrants (ordures ménagères, déchetterie, boues...) et sortants (énergie utile, plastiques, résidus de combustion).
On vous résume en sept étapes.

Étape 1

Les ordures ménagères brutes seront réceptionnées dans le hall de déchargement et stockées dans une fosse.

Étape 2

Elles seront transférées par grappin vers l’installation de tri des plastiques. Grâce à un broyage et un tamisage, les trieurs optiques intelligents seront capables de reconnaître les résines plastiques et de les éjecter pneumatiquement. Ces flux de plastiques seront ensuite compressés et expédiés vers la France (lire ci-dessous).

Étape 3

Le flux du combustible décarboné issu des différentes étapes de tri et d’extraction des plastiques sera dirigé puis stocké dans la fosse.

Étape 4

Ce combustible décarboné sera repris par un grappin pour être traité thermiquement dans un dispositif de combustion étagée, dont le premier étage est une gazéification et le second une finition avec un excès d’air minimisé. Ce processus de combustion démultipliera la performance de production d’énergie car les gaz récupèrent et transportent plus de 99 % de l’énergie contenue dans les ordures ménagères décarbonées. Il augmentera aussi nettement la performance du traitement des fumées.

Étape 5

Les gaz de combustion transiteront ensuite dans une chaudière, où l’énergie qu’ils contiennent est transférée à de l’eau qui se transforme en vapeur à haute pression et haute température. Ce procédé de combustion étagé avec gazéification et le dimensionnement de la chaudière permettront de récupérer plus de 90% de l’énergie contenue dans les gaz de combustion (contre 70 à 75 % pour l’UVE actuelle).

Étape 6

En sortie de chaudière, les gaz rejoindront le système de traitement des fumées. La combustion par gazéification produit moins de polluants et moins de volume de gaz à épurer.

La charge polluante des gaz sera donc concentrée, ce qui facilitera leur épuration.

Innovant et particulièrement performant, le procédé consommera moins de réactifs (chaux, charbon actif) et produira donc moins de résidus d’épuration des fumées d’incinération d’ordures ménagères

Étape 7

Enfin, la vapeur à haute pression et haute température produite par la chaudière sera transférée vers l’unité de production d’énergie. À terme, par différents procédés techniques, la vapeur sera utilisée pour produire du froid ou du chaud.

Et répondre aux besoins énergétiques de Fontvieille et ses alentours.

Les déchets en chiffres

Les déchets traités à Monaco

Chaque année, l’usine d’incinération actuelle traite environ 55.000 tonnes de déchets, dont 16.000 t proviennent des communes voisines de la CARF, à savoir Menton, Roquebrune, Beausoleil et La Turbie. Les 39.000 tonnes de déchets restantes sont, donc, générées en Principauté et réparties comme suit: 24.000t d’ordures ménagères collectées par la Société monégasque d’assainissement (SMA), 1.600t de collecte pneumatique, 9.000t apportées par des professionnels et particuliers et, enfin, 4.400t de boues d’assainissement provenant de l’usine de traitement des eaux résiduaires du pays. "Seulement une partie car notre usine de valorisation n’est pas en capacité de traiter la totalité", précise Thomas Battaglione, président délégué de la SMA.

Les déchets traités en dehors de la Principauté

Plus de 416.000 tonnes de déchets sont traitées annuellement en dehors des frontières de Monaco. Un tonnage conséquent en grande partie dû aux déchets de chantier (400.000 t). Pour le reste, il s’agit des déchets issus des collectes sélectives pour 10.000t (verres, plastiques, cartons...) ainsi que les déchets dangereux et les déchets d’activités de soins à risques infectieux et assimilés (6.300t).

Une déchetterie sera créée à Monaco

Dépourvue de déchetterie sur son territoire, la Principauté en aura une avec son futur centre de tri et de valorisation des déchets (CTVD).

"On va rajouter cette fonction, confirme François Grosse, porteur du projet Symbiose. Aujourd’hui, on accueille les artisans sur le quai de déchargement de l’actuelle usine, dans des conditions évidemment sécurisées mais pas optimales en termes d’ergonomie et de fonctionnalité.

Demain [à l’horizon 2030, N.D.L.R.], on ajoutera une fonction d’accueil du public et des artisans.

Ils pourront ainsi rapatrier un certain nombre de déchets, comme les espaces verts. On pourra les traiter dans cette usine. Jusqu’alors, les entreprises les amenaient dans les déchetteries de la CARF.

On va donc augmenter notre autonomie sur le plan du tonnage des déchets."

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