Pour sauver les légumes du terroir, il a un plan

Au nom du goût et de la biodiversité, l'Azuréen Maxime Schmitt mène une croisade originale. Il sillonne les vallées pour dénicher des semences anciennes locales rescapées de la standardisation

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Sophie CASALS Publié le 28/10/2018 à 05:08, mis à jour le 28/10/2018 à 05:08
Maxime Schmitt, oléiculteur a créé, avec une poignée de passionnés, la Maison des semences maralpines, pour permettre aux agriculteurs de recultiver des variétés locales, adaptées au terroir.
Maxime Schmitt, oléiculteur a créé, avec une poignée de passionnés, la Maison des semences maralpines, pour permettre aux agriculteurs de recultiver des variétés locales, adaptées au terroir. Philippe Bertini

Chapeau de paille, regard azur et teint hâlé, Maxime Schmitt descend de sa vieille Fiat Panda avec une petite mallette bleue toute cabossée. Remplie d'un trésor que cet aventurier des semences perdues récolte patiemment.

Avec Marie Bonneville, artisan semencière à la Brigue, et Sophie Vallet-Chevillard, ce trentenaire s'est lancé un défi un peu fou. Sauver de l'oubli les variétés ancestrales en créant une Maison des semences maralpines. Un combat au nom du goût, et de la biodiversité.

« On a une terre reçue en héritage qu'on doit protéger. L'idée c'est de recréer le lien qui a été rompu, de la graine jusqu'à l'assiette, » raconte l'oléiculteur, installé de l'autre côté de la frontière.

« 75% des variétés ont disparu en un siècle »

En janvier, tel un chercheur d'or, il a commencé à arpenter le territoire. Pour dénicher ces pépites, dans des potagers qui ont survécu à la standardisation.

« Le goût a été perdu. Il y a beaucoup de recettes de nos grands-mères que nous ne sommes plus capables de faire parce qu'on n'a plus les produits qui correspondent. En un siècle 75% des variétés ont disparu. » Il cite le brocoli de Nice, le poivron carré pour les petits farcis… Issues des terres de la région, ces espèces sont en voie de disparition.

« Un maraîcher de Carros était l'un des derniers à cultiver ce petit poivron, mais il y a deux ans, il a perdu ses graines. » Depuis, Maxime cherche la perle rare.

« J'espère qu'on finira par trouver un jardinier qui le cultive encore. On a lancé un appel. »

Par ailleurs, nombre de légumes du terroir, comme la courgette longue de Nice, sont issus de semences provenant d'une autre région. « Elles sont produites loin d'ici. Comme elles ne sont pas adaptées au terroir, elles sont donc moins résistantes. » Plus gourmandes en eau.

Et puis côté saveurs, Maxime ne peut se résoudre à l'uniformisation : des tomates ou fraises azuréennes ne devraient pas avoir le même goût qu'à l'autre bout du pays.

50 variétés locales récoltées en 6 mois

Il a donc eu l'idée de récupérer les graines auprès des agriculteurs et jardiniers amateurs… afin de constituer une « banque de semences patrimoniales ».

Et en faire profiter les maraîchers pour qu'ils puissent cultiver et s'échanger ces graines.

« Aujourd'hui, on essaie de remettre en culture des variétés qui auront, par leur multiplication dans ce terroir, moins besoin de pesticides, d'engrais chimiques, qui seront localement adaptées à nos terres, à nos climats et à nos façons de manger. »

En l'espace de 6 mois, il est déjà parvenu à une belle « récolte »: cinquante variétés de courgettes, tomates, pois, fèves, artichauts… d'aqui.

Maxime ouvre sa mallette sur une table disposée à un jet de pierre des serres de Nicolas Lassauque à Carros. Il coupe une tomate verte d'Occitanie de cette exploitation.

« On la choisit sur le plant qui a le moins de maladie, et produit les plus belles tomates : celles qui ont le meilleur de goût. On l'ouvre, on récupère les graines à l'intérieur et on les fait sécher. On pourra les semer de nouveau au printemps suivant. »

Selon les espèces, le mode opératoire varie. Mais Maxime veille à les rendre robustes.

« L'une des techniques consiste à très peu arroser. Quand elles sont trop bien traitées, elles deviennent paresseuses. Alors que si on est économe en eau, elles vont enregistrer dans le génotype ces informations, et leurs racines iront chercher plus loin l'eau nécessaire. Elles seront ainsi mieux adaptées à notre climat sec. »

Sélectionner les espèces productives

Nicolas Lassauque, néomaraîcher bio installé grâce à la commune sur des terres aux plans de Carros, insiste sur l'impératif de productivité.

« On a besoin de variétés qui ont du goût et un bon rendement, » explique l'ancien ingénieur chimiste. Avant de souligner l'intérêt de la Maison des semences paysannes: «si on peut s'échanger des graines, ça permettra de réduire nos coûts. L'achat de semences représente plus de 10 % de notre chiffre d'affaires. Mais, par ailleurs, nous n'avons pas le temps de toutes les produire. »

À côté de lui, Maxime Schmitt enchaîne: « c'est l'objectif de notre collectif. Si dans notre réseau, chaque agriculteur multiplie des semences d'une ou deux variétés, avec 10 sortes de courges et 10 de tomates, on peut arroser tout le département des Alpes-Maritimes. »

Et se prémunir des pertes de biodiversité.

Pour mettre en place ces échanges, les agriculteurs ont dû livrer une bataille juridique.

« Il y a encore 10 à 20 ans, on cultivait dans la plaine du Var, le brocoli de Nice, réputé pour son goût. Il a aujourd'hui presque complètement disparu, à part quelques rares maraîchers. Mais certains ont perdu leurs dernières semences, et se retrouvent sans cette variété alors qu'elle a été sélectionnée pendant des dizaines et des dizaines d'années. »

Jardin pédagogique au port de Nice

Alors, Maxime s'est empressé d'en récupérer des graines auprès de l'un des derniers détenteurs pour les planter sur des restanques, au-dessus du Port de Nice.

« La terre est exceptionnelle ici, dit-il en prenant dans sa main une poignée de cette terre. Un particulier a accepté de nous ouvrir son jardin. Et avec Sophie on multiplie cette variété en voie de disparition. » Ils ont aussi commencé à planter des salades scarole.

« Ici on aménage un potager à but pédagogique, pour montrer la diversité des espèces locales. Mais la multiplication se fera chez les agriculteurs azuréens. »

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