Tout catholique qu'il est, Pierre Operto ne pardonnera jamais au charançon rouge ! Lui qui depuis plus de 63 ans travaille la branche de palmier. « J'ai été très embêté cette année lors de la coupe des palmiers dont plusieurs étaient morts, mais j'ai récupéré suffisamment de cœur de palmes. J'ai commencé à tresser il y a une dizaine de jours en les conservant bien au frais. Et ce week-end, je les vendrai devant l'église de Saint-Joseph avec mes petits-enfants pour perpétuer la tradition des rameaux ».
Cet ancien artisan-plombier de 70 ans est évidemment doté d'une psychomotricité fine affûtée qui lui permet de sublimer le végétal. « Je fabrique des croix simples ou avec la rose ainsi que le rameau tressé, avec un panier, des accordéons… ». Une diversité de motifs soigneusement confectionnés avec seulement une paire de ciseau… Et bien du talent !
Tradition quand tu nous tiens !
Pour les pauvres « âmes pécheresses » qui ne connaîtraient pas les us et coutumes de cette tradition, Pierro Operto fait une petite piqûre de rappel. « Les gens viennent bénir les rameaux, dans le temps ils accrochaient des chocolats. Ce qui permettait aux enfants de venir bénir les branches mais ils n'avaient pas le droit de toucher aux chocolats jusqu'après la bénédiction. Les motifs étaient conservés une année, accrochés bien souvent derrière la porte d'une chambre avant d'être remplacés et on brûlait l'ancienne ».
Concernant la transmission, Pierre Operto se souvient avoir été imprégné dans le cadre familial. « C'est mon frère aîné, décédé maintenant, qui pratiquait le tressage, j'étais tout jeune, six ou sept, ans et avec mon autre frère on s'est pris au jeu. Depuis nous sommes toujours venus devant l'église Saint-Joseph pour vendre nos productions ». Ce week-end, vous pourrez donc aller congratuler l'artiste aux mains bénites.
Transmettre, oui mais…
Toutefois, loin de nous l'envie de blasphémer, mais il faut bien reconnaître que cette tradition est en train mourir lentement. « J'ai trois petits-enfants, tous étudiants, et j'essaie de transmettre mon savoir. Mais d'une manière générale, il y a un abandon de la tradition dû à la baisse de fréquentation des églises », constate l'artiste roquebrunois.
De ses souvenirs, il narre des années fastes, des années révolues. Une époque sur laquelle, il pense bien faire une croix. « Dans le temps, ici même, quand il y avait la messe de la bénédiction, durant une bonne heure c'était de la folie ! On ne savait plus où donner de la tête tellement nous vendions. Aujourd'hui, le petit coup de bourre dure une demi-heure. En revanche, cela est compensé par l'intérêt de touristes comme les gens du Nord qui n'ont pas de palmiers dans leur région. Du coup, ils achètent un objet comme s'ils ramenaient une bouteille de Limoncello », s'amuse Pierre Operto qui cumule les mandats - membre de la Société d'Art et d'Histoire du Mentonnais (SAHM).
Son stock est en tout cas prêt à être vendu et pour avoir eu le privilège d'observer les créations artistiques 2016, sachez que celles-ci sont d'une beauté diabolique ! L'occasion de les faire bénir dimanche matin sur le perron de l'église Saint-Joseph.
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