Navires de croisières, quelles solutions face à la pollution?

Cheminées qui rejettent des gaz, flots de touristes qui se déversent pour des laps de temps très courts dans les villes, pollution plastique, les navires de croisières sont de plus en plus pointés du doigt. Associations, élus et usagers, eux, sont vent debout. Si des solutions existent, elles restent souvent encore trop embryonnaires.

Flora Zanichelli Publié le 23/05/2023 à 11:58, mis à jour le 23/05/2023 à 12:08
Navires de croisières, quelles solutions face à la pollution? Photo Patrick Blanchard

"Stop croisières grande rade de Toulon." Voici l’intitulé de la pétition lancée par le collectif "Climat zéro fossile Toulon et environ" en mars dernier. 

En cause, l’annonce de Christine Rosso, nouvelle directrice des ports à la Chambre de commerce, que cent escales de paquebots sont bien attendues pour cette année au pied du Faron. Un chiffre qui s’ajoute aux 1200 autres déjà programmées.

Mobilisations citoyennes en cascade

Les Toulonnais sont loin d’être les seuls à se mobiliser sur la question.

L’été 2022, les Marseillais n’étaient pas en reste. Cette fois, la pétition avait été lancée à l’initiative du maire même de la cité phocéenne qui voit défiler presque 2 millions de croisiéristes par an.

Dans sa pétition, Benoît Payan demandait à la fois une étude concernant la santé des populations vivant à proximité du port, mais pas seulement. 

Le maire alertait également l’OMI (Organisation maritime internationale) sur l’urgence de prendre des mesures pour réduire les émissions de soufre des bateaux.

De l’autre côté des Alpes, on ne présente plus la mobilisation des Vénitiens en la matière. 

Particules fines et déchets plastiques

"En terme d’impact écologique, les navires de croisières rejettent du monoxyde de carbone, des particules fines et du soufre dans l’air", souligne Lina Tode, directrice adjointe du Plan Bleu, l’un des Centres d’activités régionales du Plan d’Action pour la Méditerranée (PAM) du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). 

Elle poursuit : "Le CO2 agit sur l’acidification des mers et des océans ce qui a des conséquences sur la santé humaine en premier lieu."

En Méditerranée, on estime à 228 000 le nombre de morts prématurées par an à cause de la pollution de l’air. 

"Aujourd’hui, 20% de la population régionale est exposée à un dépassement des normes de la qualité de l’air avec des pics plus importants dans les ville-ports, plus significative sur l’aire marseillaise", chiffrait encore l’Union Européenne dans un article dédié à la pollution de l’air dans les ports.

"La pollution de l’air en méditerranée? C’est la première cause de mortalité liée à l’environnement", souligne encore Lina Tode.

A Marseille, le port fournira de l'électricité aux bateaux en escale afin d'éviter qu'ils continuent de faire tourner leurs moteurs. Photo Monaco-Matin.

Des chiffres alarmants

Dans une étude publiée en 2017, l’ONG Transport&Environment avait d’ailleurs étudié les quantités de gaz émis par 203 bateaux de croisière ayant circulé au large des côtes méditerranéennes. 

"Un paquebot à quai consomme l’équivalent d’environ 250 voitures", chiffrait ainsi l’Union Européenne.

Résultat : 62.000 tonnes de SOx (dont le dioxyde de soufre), 150.000 tonnes d'oxydes d'azote (Nox) et 10 millions de tonnes de CO2 avaient été rejetés dans l’atmosphère.

A Marseille, estimait encore l’étude, les 57 bateaux ayant fait escale avaient rejeté 15 tonnes de soufre, soit 4 fois plus que ce que rejettent les véhicules circulant dans la ville. 

"Un paquebot à quai consomme l’équivalent d’environ 250 voitures. Entre 500 et 2 000 litres par heure de gasoil pour un paquebot pour 7 litres par heure en moyenne pour une voiture", chiffrait ainsi l’Union Européenne.

Un problème lié en partie au fait que pour produire l’électricité nécessaire au fonctionnement du navire, ce dernier doit continuer à faire tourner son moteur. 

Combien consomment les bateaux de croisières? Infographie Aurélie Selvi.

Une pollution multiple

En réalité, poursuit la présidente de Plan Bleu, les pollutions liées aux bateaux de croisière sont multiples. 

Collision avec d’autres navires, impacts causés par la lumière et le bruit, contamination de l’eau, la liste est longue.

"Quand vous avez 5000 personnes qui débarquent au même endroit sur un laps de temps très court, cela peut créer des problèmes", Lina Tode, Plan Bleu

"On peut aussi parler de pollution “sociale” liée à l’affluence des touristes, explique Lina Tode. Quand vous avez 5000 personnes qui débarquent au même endroit sur un laps de temps très court, cela peut créer des problèmes. Prenez les embouteillages qui se créent avec les bus, les personnes qui ne sont que de passage et parfois ne consomment même pas sur place car le croisiériste a prévu le déjeuner à emporter…"

Des déséquilibres qui ont du mal à passer auprès des populations. Et finissent souvent par donner lieu à des manifestations, comme à Barcelone et à Venise.

Laver les fumées rejetées par les bateaux de croisière, une fausse bonne idée? Photo J-F Ottonello.

Electrification des quais

Comment agir sur ces pollutions, notamment celle de l’air, particulièrement nocive? 

En septembre 2019, la région Sud a adopté un plan Escales zéro fumée et a déboursé 30 millions d’euros. Objectif : moderniser et décarboner le secteur. 

La ville de Marseille devrait, par exemple, être dotée d’infrastructures portuaires permettant une électrification à quai. Pareil à Toulon où l’électrification des quais est prévue pour 2023.

C’est encore à Marseille, toujours, qu’une "charte bleue" oblige depuis 2019 certains opérateurs à utiliser un carburant moins polluant et à ralentir aux abords du port. Mais elle n’a pas de valeur contraignante.

Zone de basse émission 

Petite victoire, en décembre 2022, L’OMI a entériné la création d’une "zone de contrôle des émissions d’oxydes de soufre et de particules" sur l’ensemble de la Méditerranée.

Objectif? Une baisse de près de 80 % des émissions d’oxyde de soufre.

"On éviterait chaque année 1100 décès prématurés liés aux poumons, au cardiovasculaire ainsi que 2300 cas d’asthme chez les enfants", Lina Tode

"En 2020, l’OMI avait demandé une réduction de la teneur en soufre des émissions de 3,5% à 0,5%, explique Lina Tode. En 2025, avec ce dernier accord, le seuil sera de 0,1%."

"On a fait pas mal d’études pour essayer de ‘chiffrer’ les conséquences de telles mesures, commente Lina Tode. Le premier impact serait sur la santé humaine : on éviterait chaque année 1100 décès prématurés liés aux poumons, au cardiovasculaire ainsi que 2300 cas d’asthme chez les enfants."

Cette réduction des problèmes de santé permettrait une épargne de 8 à 14 milliards d’euros par an.

"Sans compter la diminution des pluies acides, de la brume et de la visibilité en mer."

Solutions au compte-goutte

Lina Tode ne peut s’empêcher de constater des efforts de la part de la filière. "Ils travaillent de plus en plus sur le ferry propre, l’utilisation de carburants moins polluants."

Comme le GNL, le gaz naturel liquéfié, dont le processus de fabrication est cependant très énergivore et l’utilisation, régulièrement contestée

"Ce secteur a besoin d’anticiper car peut-être qu’avec des législations plus contraignantes, le moteur va devoir être changé dans quelques années, poursuit la directrice de plan bleu. Le secteur suit de près toutes les innovations qu’elles soient techniques ou juridiques."

Trop récent, s’accordent à dire les observateurs, l’intérêt porté au problème des navires de croisière débouche tout juste sur des décisions juridiques. 

Même son de cloche concernant les "scrubbers", ces filtres placés sur les cheminées des navires destinés à laver les fumées. Une technique qui, certes, dépollue l’air des fumées, mais entraîne le rejet dans la mer des eaux de lavage. 

"C’est le problème de ce qu’on ne voit pas, commente Lina Tode. La mer c’est loin, ça se passe sous l’eau et du coup, les pollutions restent invisibles pour une bonne partie de la population."

Même son de cloche concernant les "scrubbers", ces filtres placés sur les cheminées des navires destinés à laver les fumées. Une technique qui, certes, dépollue l’air des fumées, mais entraîne le rejet dans la mer des eaux de lavage. 

"C’est le problème de ce qu’on ne voit pas, commente Lina Tode. La mer c’est loin, ça se passe sous l’eau et du coup, les pollutions restent invisibles pour une bonne partie de la population."

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