Le prince Albert relance les grandes explorations

L’héritage d’Albert Ier n’est pas près de disparaître. Le «prince savant», chef d’État qui a conduit 28 expéditions à travers le monde au début du XXe siècle, fondateur de l’Institut océanographique, a posé les jalons d’une histoire monégasque riche en explorations.

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Arnault Cohen Publié le 25/08/2016 à 14:51, mis à jour le 25/08/2016 à 05:06
Escale princière sur cette île des Philippines, lieu de repos pour quatre espèces d’oiseaux migrateurs. Photo DR

Après lui, le commandant Cousteau, directeur de l’Institut océanographique pendant trente ans (1957-1988), pilotera ses expéditions sous-marines et l’odyssée de La Calypso, depuis Monaco, avec le même désir de montrer au public les richesses de ce monde.

Dès son avènement, le prince Albert II a surpris son monde en menant une expédition en Arctique à l’été 2005, réalisant les mêmes clichés qu’Albert Ier. Quatre ans plus tard, il devient le seul chef d’État au monde à avoir foulé les deux pôles, Nord et Sud, réalisant au passage le rêve fou de son trisaïeul.

Fort de cette tradition séculaire, le souverain vient de décider de relancer les grandes explorations. Il a participé à la première, aux Philippines, en avril. Il prendra très certainement part aux prochaines.

Acte I: six plongées dans le Parc naturel des récifs de Tubbataha

Le souverain et Robert Calcagno, au cours de l'une des six plongées sur les récifs philippins.
Le souverain et Robert Calcagno, au cours de l’une des six plongées sur les récifs philippins. (Photo DR)

C'est la première d'une longue série. Du 8 au 12 avril dernier, une expédition a été menée aux Philippines, précisément au Parc naturel des récifs de Tubbataha. Pour cette première opération montée dans le cadre de la relance des explorations qu'il a souhaitée, le prince Albert II a chaussé ses palmes et enfilé tout son équipement de plongée pour rappeler son attachement aux aires marines protégées.

Accompagné par Robert Calcagno, directeur de l'Institut océanographique, Patricia Zobel d'Ayala, consul honoraire des Philippines à Monaco, et l'apnéiste Pierre Frolla, le souverain a réalisé six plongées dans les eaux de cet atoll corallien situé en plein cœur de la mer de Sulu, classé au patrimoine mondial de l'Unesco.

Cette première expédition monégasque visait plusieurs objectifs. D'abord, le souverain a voulu souligner, dans un endroit du monde exemplaire en la matière, tout l'intérêt de multiplier les aires marines protégées. Au contact de l'équipe qui gère ce parc naturel, il a ainsi pu mesurer la beauté du site, qui a su préserver une vitalité et une biodiversité malheureusement trop rares aujourd'hui.

Ensuite, cette expédition présentait plusieurs intérêts scientifiques. Les récifs coralliens, en effet, sont l'un des thèmes de recherche du Centre scientifique de Monaco. Et les tortues marines constituent un programme de travail conséquent de l'Institut océanographique. À cet égard, «le prince Albert II a participé à la pose de balises Argos sur deux espèces de tortues menacées (verte et imbriquée), dans le cadre du programme de protection que nous avons initié fin 2015», explique Robert Calcagno.

Et de développer: «Cette opération est la première action d'un partenariat de long terme entre l'Institut et le Parc des récifs de Tubbataha et s'inscrira dans un ambitieux programme de balisage et de suivi des tortues. Ce qui nous permettra de mieux comprendre le comportement et les déplacements de ces espèces pour mieux les protéger.»

Il est d'ailleurs possible de suivre l'odyssée de ces deux tortues en temps réel, sur internet (1).

La pose de ces balises constitue une première pour le parc naturel philippin, qui n'avait pas de budget pour financer un tel programme.

Le prince Albert II n'a pas choisi ce récif uniquement pour ses qualités exceptionnelles. Il faut savoir que Monaco et les Philippines entretiennent d'étroites relations depuis longtemps. En 2006, la princesse Caroline et son fils Andréa ont effectué un déplacement à Manille, pour apporter de l'aider aux plus nécessiteux de la capitale.

La Principauté s'est aussi mobilisée pour apporter son soutien au pays à la suite du typhon destructeur de décembre 2015. C'est d'ailleurs à l'issue d'une visite d'État que le souverain a effectué ses plongées sur les récifs de Tubbataha, en avril dernier.

À noter enfin que cette première expédition princière sera au cœur d'un documentaire soulignant l'importance et la fragilité des récifs coralliens aujourd'hui.

Quatre mousquetaires mobilisés pour orchestrer les futures expéditions

Monaco le 08/06/3015 - Arrivee a Monaco du Yersin, un prestigieux yacht de 76 mŠtres de long, ¿ la fois yacht de prestige et navire de recherche.  un b¿timent ¿ la coque noire qui doit se faire baptiser dans quelques jours, en r¿sence du prince Albert II - Papier : J.Deviras
Le Yersin, lors de son escale à Monaco le 8 juin 2015. Ce navire d’exploration pourrait être utilisé pour mener certaines expéditions futures. (Photo Cyril Dodergny)

L'histoire de Monaco recèle de grands explorateurs. Les princes Albert Ier et Albert II, le commandant Cousteau. Il en est un autre, Jean-Louis Étienne, qui a marqué son court passage d'une année à la tête de l'Institut océanographique. «Il a émis l'idée d'un retour à la mer de l'Institut, évoque Robert Calcagno, l'actuel maître des lieux. Il avait fait le constat qu'après Cousteau, le travail s'effectuait plus en laboratoire que sur le terrain. Il a alors posé les bases de ce retour à la mer de l'Institut océanographique.»

Le souverain vient ainsi de demander à Robert Calcagno de piloter les explorations à venir. Au directeur de l'Institut océanographique, dont c'est le cœur de métier, mais aussi à trois autres institutions monégasques concernées : la Fondation Prince Albert II, le Centre scientifique de Monaco et le Yacht-club.

Ces quatre mousquetaires, épaulés par le gouvernement princier, ont donc pour mission de lancer de nouvelles expéditions. «Contrairement aux idées reçues, assure Robert Calcagno, il y a encore énormément de choses à découvrir. Les scientifiques disposent de budgets pour la recherche mais pas pour recueillir des données sur le terrain. Par exemple, ils ont très peu d'informations sur la température, l'acidité et la salinité des eaux polaires. Or, ces données sont essentielles pour élaborer des modèles climatologiques.»

Les pôles Nord et Sud font partie des zones du monde desquelles les scientifiques et les protecteurs de l'océan ont beaucoup à apprendre. Les grands fleuves d'Amérique latine, le golfe de Guinée, le Mozambique ou encore certaines terres françaises ultramarines aussi.

Ces explorations caressent un autre enjeu : la sensibilisation du grand public, des décideurs politiques, des entreprises. «La bonne information permet de prendre les bonnes décisions pour une vision durable des océans», schématise Robert Calcagno.

Et c'est là qu'intervient la stature du prince Albert II, comme chef d'État et personnalité reconnue pour son investissement en faveur de la protection des océans, qui permet d'obtenir l'écoute des dirigeants, des scientifiques et du grand public.

Sur le plan pratique, il n'est pas envisagé, à ce jour, d'acquérir un navire pour mener ces expéditions. Un seul bâtiment ne permettrait pas d'explorer des zones aussi éloignées du globe. L'idée est plutôt de s'attacher les services de plusieurs bateaux.

À l'image du Yersin, navire spécialisé dans l'exploration scientifique, qui a fait escale à Monaco en juin 2015. L'Institut océanographique et la Fondation Prince Albert II ont déjà mené une mission en Corse sur ce navire. La collaboration pourrait se renforcer.

Le 26 septembre prochain, l'André-Malraux, navire français d'exploration archéologique, est attendu en Principauté. L'occasion, peut-être, d'engager une réflexion pour une collaboration future.

Une chose est sûre, dans les prochaines années, le drapeau rouge et blanc va de nouveau flotter dans des contrées lointaines et inexplorées.

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