Le climat pourrait être de +7°C d’ici à 2100 à Monaco

"En Principauté, le thermomètre va monter beaucoup plus vite qu’ailleurs car l’Europe, et plus encore le pourtour méditerranéen, ont tendance à se réchauffer davantage. Ce serait +7° à Monaco…" explique François Gemenne, politologue, professeur à Sciences Po Paris.

Joëlle Deviras Publié le 09/02/2023 à 08:30, mis à jour le 09/02/2023 à 07:56
Nathalie Hilmi et François Gemenne étaient les invités du Monaco Press club. Ils ont répondu aux questions de Milena Radoman et Yann-Anthony Noghès. Crédit photo (Web uniquement)

Quel avenir pour notre planète qui s’asphyxie? L’ambition était grande pour répondre à pareille question en à peine plus d’une heure, vendredi dernier, au Foyer Eiffel de l’Hôtel Hermitage, où le Monaco Press Club a organisé une rencontre avec deux membres du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Mais l’objectif était de mieux comprendre les véritables enjeux climatiques de la planète.

Nathalie Hilmi, responsable de la section Économie environnementale du Centre Scientifique de Monaco et membre du Haut conseil pour l’environnement de la Métropole de Nice, et François Gemenne, politologue, professeur à Sciences Po Paris, spécialiste des migrations et auteur de L’écologie n’est pas un consensus aux éditions Fayard, ont souligné l’urgence de la situation.

Le politique peine à agir

Nathalie Hilmi l’affirme: "plus les pays agiront tard, plus la facture sera élevée".

François Gemenne souligne que tout le monde est d’accord pour dire que "notre maison brûle", selon les termes de Greta Thunberg. Mais quelles solutions apporter? "Il y a une pluralité d’options dans les pays démocratiques, souligne le politologue. On voit que cela crée des tensions de plus en plus fortes, précisément parce que le changement climatique va remettre en cause toute une série de fondements essentiels de nos démocraties, pas uniquement sur les modes de consommation des biens, mais également sur la liberté, la justice, la souveraineté, la sécurité, la santé, les relations nord/sud… Tous ces sujets vont être profondément traversés et transformés par la question du climat."

Et pourtant, la politique environnementale semble désintéresser les électeurs… "Aujourd’hui, les gens sont très largement sensibilisés au changement climatique. Mais le voient largement comme une cause et non comme quelque chose qui va toucher directement leurs intérêts. Le problème de la physique du climat, c’est le décalage entre ce que l’on fait et les conséquences de nos actions. On sait aussi que les populations les plus touchées aujourd’hui sont les moins responsables des émissions. Donc ceux qui vont bénéficier d’un vote pour le climat ne font pas partie du corps électoral: ce sont soit les générations suivantes, soit les habitants du continent africain. Or, les électeurs votent pour que leur vie s’améliore dans le mandat qui s’ouvre."

Le débat sur le changement climatique se pose "en termes d’efforts à réaliser, de sacrifice à consentir, donc personne n’a envie de cela."

La force de la société civile

"Le dernier rapport du GIEC propose des options de solutions, note Nathalie Hilmi. On sait que plus on attendra, plus la fenêtre des options se réduira. Je ne suis pas sûre que nous soyons entendus au niveau politique. Je pense que cela viendra de la société civile. Les jeunes sont de plus en plus sensibilisés et ne veulent plus investir dans les énergies fossiles. Ce sera plus facile au niveau de l’ONU, qui a une vision à long terme qu’au niveau des politiques nationales." Mais l’ONU n’a pas la capacité de sanctionner les pays. Et il est quasiment impossible de mobiliser les politiques et d’imposer des efforts pour des bénéfices qui ne seront récoltés que dans vingt ou trente ans.

Quelles solutions?

L’Europe agit pour tenir les engagements de l’Accord de Paris. "Mais la trajectoire prise par les pays européens ne suffira pas de respecter les objectifs", s’inquiète François Gemenne.

Les Américains, quant à eux, attirent des entreprises pour retirer du CO2 par la technologie.

Une autre piste est celle qui conjugue nature et finance. "On peut donner une valeur à des écosystèmes pour motiver les investisseurs", souligne Nathalie Hilmi. Si on protégeait la nature, elle jouerait son rôle.

Sans parler de décroissance, il s’agit d’agir à de multiples niveaux et de modifier significativement nos modes d’existence et de s’engager, par tous les moyens, pour laisser une planète vivable aux futures générations.

Encerclée par la montagne, la principauté de Monaco ne sera pas épargnée par le changement climatique. (Photo Cyril Dodergny).

Les membres du GIEC, scientifiques, sociologues, politologues, anthropologues, économistes, étudient les impacts du changement climatiques.

Ils dialoguent et s’appuient sur la littérature pour avancer. "Notre rôle est de formaliser, dans un rapport, ce qui fait consensus dans la communauté scientifique", souligne François Gemenne. Or, ce dernier rapport fait état de +4° en 2100 à l’échelle mondiale si rien n’est fait.

"En Principauté, le thermomètre va monter beaucoup plus vite qu’ailleurs car l’Europe, et plus encore le pourtour méditerranéen, ont tendance à se réchauffer davantage. Ce serait +7° à Monaco…" explique François Gemenne.

On est loin des accords de Paris et de l’objectif collectif fixé à +1,5° d’ici 2100.

Des objectifs dont on ne voit pas très bien comment ils pourraient être atteints puisque "90% des pays ne respectent pas leurs engagements", souligne François Gemenne.

Et ce n’est pas tout: "Il y a une série d’études qui laissent à penser que le changement climatique pourrait aussi avoir une certaine influence sur les phénomènes sismiques", rajoute François Gemenne.

Et Nathalie Hilmi souligne, de surcroît, que la Principauté, encerclée par la montagne et les problèmes de fonte de glace à venir, va générer d’autres problèmes, notamment en termes d’eau potable...

Monaco n’est donc pas dans un écrin protégé, loin de là...

J.D.

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver juste pour ce site parce que la pub permet à la presse de vivre.

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.