"Je vois du plastique partout dans les océans": le cri d'alarme de Mike Horn à Monaco

Conférencier lors de la Monaco Ocean Week et président du jury des Explorers Awards, ce jeudi, l’infatigable explorateur de 52 ans s’est livré sur l’avenir de la planète et ses expéditions.

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Propos recueillis par Thibaut Parat Publié le 29/03/2019 à 08:40, mis à jour le 29/03/2019 à 08:37
Mike Horn au Yacht-club de Monaco. Photo Cyril Dodergny

Il a une poignée de main à vous broyer les os. Mike Horn est une force de la nature. Un explorateur aux 52 printemps capable de repousser toutes les limites scientifiques du corps. Un caméléon, à l’aise aussi bien dans la jungle tropicale que dans la montagne, en passant par les zones polaires.

Il ne renonce que quand la nature est trop forte, que les éléments lui barrent le chemin. Comme ce report forcé à la fin 2019 de Pole2Pole, ce tour du monde en passant par les deux pôles. En attendant, il s’attaque au K2, second plus haut sommet du monde.

A 8.611 mètres d’altitude, rien que ça. Hier matin, celui qui a sa propre émission, "Cap Horn", tenait une conférence dans le cadre de la Monaco Ocean Week. Il était aussi président du jury des Explorers Awards, ces armateurs mobilisés pour la cause environnementale. Rencontre.

"donner de l'espoir aux gens"

Qu’avez-vous expliqué ou défendu lors de la conférence?
C’était plutôt un partage. Je suis un témoin de la manière dont la nature a changé pendant trois décennies d’exploration. Je veux donner l’envie aux gens de voir par eux-mêmes et devenir acteur des causes environnementales. Chacun peut, à son niveau, faire des choses tout en restant soi-même. Quand on écoute les documentaires sur l’environnement, on entend que tout est foutu, que les arbres sont coupés, qu’il y a du plastique dans la mer. On perd presque espoir et on pense que c’est fini. Il faut donner de l’espoir aux gens. Ne pas baisser les bras et continuer d’avancer.

Quand vous découvrez des zones inexplorées, quelles précautions prenez-vous pour ne pas polluer?
Tu pollues plus en restant à la maison que moi tout seul dans ma tente au pôle Nord. Je n’ai pas d’énergie, ni de télévision allumée, ni de portable à charger.Je suis à pied. On travaille avec le minimum des choses, on ne prend rien qui ne soit pas réutilisable. Ma nourriture n’est pas dans un sac en plastique. Il faudrait que tout le monde fasse des expéditions pour que notre planète aille mieux. L’impact est positif.

"j'ai vu pas mal de changements"

En trois décennies d’explorations, le changement est-il alarmant?
J’ai vu pas mal de changements, oui. Le plastique est partout dans les océans. J’ai traversé notre septième continent, cette île de plastique au nord d’Hawaï (Pacifique) qui fait la grandeur du Mexique et douze mètres de profondeur. C’est là où tous les courants du monde ramènent le plastique. Ça pue la mort et il n’y a pas de vie. Il y en a tellement que ça prendrait cinquante ans que pour nettoyer. Il faut arrêter le plastique, changer la façon de consommer. Pourquoi on continue de faire ça ?

Dans vos expéditions au bout du monde, sentez-vous que l’action du prince Albert II porte ses fruits?
Chaque action positive porte forcément ses fruits et j’en suis le témoin sur le terrain. Ce sont les hommes comme le prince Albert, avec une voix respectée, qui peuvent changer les choses. Si les gens voient quelqu’un d’aussi important jouer un tel rôle, c’est là où cela attire les intérêts des autres pays.

Quel regard portez-vous sur la Monaco Ocean Week?
L’éducation et le partage sur les océans sont quelque chose d’important. C’est le seul endroit qu’on n’explore pas vraiment. On passe sur la mer mais on ne va jamais au fond. Aujourd’hui, l’endroit encore inconnu de notre planète, c’est le fond de la mer. Attirer l’attention là-dessus est primordial. Il faut que chaque pays qui a accès à la mer prenne cette idée de Monaco OceanWeek et l’applique dans son pays.

"je saisis l'urgence"

À votre niveau, comment jugez-vous votre contribution pour sauver la planète?
Je suis témoin mais je suis aussi activement impliqué dans des organisations, fondations et projets qui participent au changement. Ce n’est pas quelque chose que je communique. Je ne suis pas un type qui se met sur un toit et qui dit: "Regarde-moi, je fais du bien." Je fais ça car le terrain de jeu que j’explore change. Je saisis l’urgence. C’est plus personnel que marketing. Je ne suis pas un type qui a besoin de s’acheter une conscience.Je sais que j’ai planté des millions d’arbres à travers des projets en Amazonie, des projets qui nettoient la mer tous les jours, qui replantent les coraux. Je le fais car c’est important.

Quelles sont les atteintes les plus graves à l’environnement que vous avez constaté?
Sur terre, on parle de la déforestation en Amazonie, autour de Bornéo. On peut aussi dire que dans dix ans, il y aura plus de plastique que de poisson dans la mer. Au nord de l’Arctique, tu vois des ours polaires tués par des grizzlies sur leurs zones. Pourquoi y a-t-il l’érosion sur les permafrosts ? Pourquoi des ours polaires sont noyés ? L’homme joue un rôle d’accélérateur. On ne parle plus du réchauffement de la planète mais du changement climatique.

"la planète va se révolter elle-même"

Que faudrait-il pour qu’il y ait un électrochoc, une prise de conscience collective?
L’homme écoute quand il perd. La nature a aussi sa manière de faire comprendre aux gens qu’il faut réfléchir différemment, qu’il faut traiter la planète en prenant en compte la façon dont on consomme les ressources naturelles. La planète va se révolter elle-même. Les plus jeunes commencent aujourd’hui à montrer qu’ils ne sont pas contents avec les décisions politiciennes. Il y a eu plein de manifestations. On écoute les enfants car ce sont eux qui vont vivre sur notre planète demain

Vous avez dû reporter votre traversée de l’océan arctique via le pôle Nord. C’est frustrant?
Il y a un tel changement dans le climat qu’un banc de glace s’est mis au nord du détroit de Bering. C’était une saison très chaude en Europe l’été passé, il y a eu une fonte énorme au nord de l’Europe. Pour la première fois au nord du Groenland, il y avait de l’eau libre, ça ne s’était jamais vu. La glace a bougé et se mettait devant le détroit de Bering. Je n’ai pas pu rentrer.  Les éléments étaient plus forts.

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