"Si ça continue, je vais me suicider...": le récit glaçant de Léa, 12 ans, victime de harcèlement scolaire à Nice

Léa, 12 ans, élève de CM2 à Nice, a dû changer d’école cette semaine. Elle ne supportait plus d’être harcelée par des camarades. Ses parents et l’inspection académique ont réagi après des mots inquiétants, qui font écho au suicide de Lindsay dans le Pas-de-Calais.

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Christophe Cirone Publié le 08/06/2023 à 07:00, mis à jour le 08/06/2023 à 06:57
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Léa (prénom d’emprunt) a accepté de raconter son calvaire, épaulée par ses parents. Photo Frantz Bouton

Elle nous accueille avec un sourire lumineux, qui éclaire son beau visage. Mais une fois assise pour raconter son histoire, Léa (le prénom a été modifié) se ronge les ongles, se pince les lèvres, se tord les mains, tentant de dissimuler sa souffrance derrière des tics nerveux.

Son corps parle pour elle. Le harcèlement scolaire a meurtri Léa dans sa chair. Au point de lui inspirer des pensées suicidaires.

"S’ils continuent, je vais me suicider." C’est ce qu’écrit Léa, 12 ans, en avril dernier. Un petit mot glissé à une amie, à l’école Nikaïa, en plein centre de Nice.

Elle y est alors élève en CM2. Un enseignant découvre ce petit mot lourd de sens. Un plan pHARe est déclenché. Objectif: faire cesser immédiatement le harcèlement que dénonce Léa. Mais cela ne suffit pas.

"Ils me disaient que j’étais moche"

Deux mois plus tard, Léa a dû changer d’école. Son père, Nicolas (le prénom a été modifié), l’a récupérée en catastrophe à l’école Nikaïa, jeudi dernier, à la pause méridienne.

Ce matin-là, quand une amie lui a écrit "Tu veux mourir?", Léa a répondu: "Oui, je veux partir. J’en ai marre..." Nouvelle alerte. Celle de trop.

"Tout a commencé en CM1", témoigne Léa, d’une voix d’enfant. "On est venu me dire que j’étais moche, que je ne ferai rien de mon avenir..."

Derrière ce "on", se cache un groupe de cinq garçons. Emmy (le prénom a été modifié), la maman de Léa, les a repérés au premier coup d’œil lors d’une sortie scolaire. "Ils importunaient un petit Ukrainien..."

Pour Léa, le cauchemar continue. Au quotidien. "Regarde-toi, t’es squelettique!" Des mots blessants, "très blessants". Léa leur dit d’arrêter. Seule contre eux.

Elle en parle à ses parents, sans vouloir les inquiéter, sur l’air de "Ils m’embêtent". "Avec le recul, on avait tous les signaux. Son corps émettait des bruits nerveux...", soupire Emmy.

Des toilettes à Snapchat

Derrière son sourire fragile, des tics nerveux traduisent la souffrance qui a imprégné sa chair. Photo Frantz Bouton.

Arrive l’épisode du petit mot, en avril. Premier signalement. Les parents des harceleurs sont convoqués. Et atterrés. Un père découvre les faits de la bouche d’Emmy. "Quelqu’un de très intelligent, salue-t-elle. Son fils lui a tout avoué. Il lui a aussitôt dit de s’excuser."

L’histoire aurait dû s’arrêter là. Mais trois filles s’y mettent à leur tour. Y compris des "amies". Selon Léa, ces gamines l’entraînaient vers les toilettes, la mettaient dans le noir. L’une d’elles lui aurait même porté des coups.

Le harcèlement se déplace sur Snapchat, seule application autorisée sur le téléphone portable de Léa. Ses parents la contrôlent, exigent de pouvoir tracer ses conversations.

C’est ainsi que, le dimanche 28 mai, Emmy découvre les messages haineux d’une camarade. Emmy lui répond, en se faisant passer pour sa fille. "J’ai essayé de calmer le truc, de voir si elle rigolait. Elle ne rigolait pas."

"Il ne faut pas se taire!"

Nouveau signalement. L’inspection académique propose de changer Léa d’école. C’est chose faite depuis lundi. La voici dans une nouvelle classe, sans harceleurs ni étiquette de "victime" sur le front. Selon sa mère, Léa a retrouvé le sourire. Elle revit.

Pourtant, ses parents restent vigilants. Le drame de Lindsay, cette adolescente qui a mis fin à ses jours dans le Pas-de-Calais, leur glace le sang.

"C’est dégueulasse, cette petite qui s’est suicidée, s’indigne Emmy. Ça part souvent de la jalousie. Mais ils leur font perdre toute confiance. Il ne faut pas se taire!"

"Ça n’arrive pas qu’aux autres"

Alors Léa a choisi de parler. Courageusement. Épaulée par des parents attentifs et aimants. "Pour elle. Et pour tous ceux qui n’osent pas parler, explique Nicolas. On pense toujours que ça n’arrive qu’aux autres. La preuve que non... Quand votre enfant écrit ça, c’est dur à entendre. Ça me terrifie. Comment leur faire comprendre que ça peut amener des enfants à disparaître?"

Le grand frère de Léa a échappé à ce fléau. Mais l’adolescente redoute que d’autres camarades subissent le même sort qu’elle.

Ses parents saluent la réactivité de l’inspection académique, mais estiment que l’école "a voulu étouffer l’affaire". Surtout, ils ne digèrent pas que ce soit à la victime de partir. "Moralement, ce n’est pas logique. Et derrière, ça veut dire qu’ils peuvent recommencer."

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