Edito

Par Lionel Paoli

EDITO. Réforme des retraites : le "péril jeune"

Le gouvernement s'inquiète de la mobilisation inattendue de la jeunesse contre la réforme des retraites. Non sans raison : nul ne sait jusqu'où cette génération sacrifiée, en panne d'horizon, pourrait aller...

Publié le 02/02/2023 à 18:00, mis à jour le 02/02/2023 à 19:46
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La mobilisation des jeunes est surveillée comme le lait sur le feu par le gouvernement. Camille Dodet

Sur le papier, la mobilisation des jeunes contre la réforme des retraites pourrait prêter à sourire. À 20 ans, lorsqu’on n’a pas encore mis un orteil dans le monde du travail, faut-il s’inquiéter de la date du pot de départ ? Les réseaux sociaux bruissent de commentaires acerbes sur cette jeunesse « fatiguée avant d’avoir commencé à bosser ».

On aurait tort de se borner à cette analyse grossière. La présence de nos enfants dans les cortèges révèle le mal-être d’une génération sacrifiée. La Covid les a privés d’une partie des plaisirs de leur âge. Pour leurs aînés, le confinement était une parenthèse dans un quotidien régulé. Mais le plaisir de fêter l’obtention du bac, la découverte « en présentiel » des bancs de la fac, les premières soirées étudiantes, sont des moments qui ne se rattrapent pas.

"Il est urgent de prendre la mesure de cette angoisse qui étreint notre jeunesse"

Les mêmes ont supporté stoïquement l’arbitraire de Parcoursup, système de sélection imbécile qui confie leur avenir à un algorithme obscur. Ils ont vu les aides de l’État diminuer, le prix des aliments augmenter, l’inflation grignoter leur niveau de vie.

Concernés au premier chef par la réforme de l’assurance-chômage, ils savent qu’ils seront moins protégés que ne l’ont été leurs parents. Certains se demandent même s’il faut s’en inquiéter, vu l’état de la planète et les catastrophes annoncées. Une frange non négligeable des moins de 25 ans est convaincue qu’elle ne profitera jamais d’une quelconque retraite.

Tout cela aboutit à ce que les sociologues (1) qualifient de « pessimisme social extrêmement fort ». Or, on sait depuis Daniel Balavoine que le désespoir est mobilisateur – et qu’en tant que tel, il peut être dangereux (2). C’est pourquoi le gouvernement surveille attentivement les flambées de colère dans les lycées et les universités.

Il est urgent de prendre la mesure de cette angoisse qui étreint notre jeunesse. Et d’y répondre en conscience. Le vrai « péril », ici, naîtrait de notre indifférence ou de notre égoïsme.


1. Notamment Olivier Galland, directeur de recherche au CNRS.

2. Le 19 mars 1980, sur le plateau du journal télévisé d’Antenne 2, Daniel Balavoine avait apostrophé François Mitterrand : « Ce que je peux vous dire, c’est que le désespoir est mobilisateur, et que lorsqu’il devient mobilisateur, il est dangereux. »

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