La dernière étude en date de l’Institut monégasque de la statistique et des études économiques est historique à bien des égards. D’abord, parce qu’elle se veut inédite sur le territoire de la Principauté. D’autre part, parce qu’elle aborde un sujet sociétal longtemps resté tabou : les écarts de salaires entre hommes et femmes.
Réclamée par le Comité pour la promotion et la protection des droits des femmes, dès sa création en 2018, l’étude (et ses conclusions) est désormais disponible publiquement. "Elle était très attendue. C’est un grand pas en avant, un progrès majeur, salue Céline Cottalorda, délégué interministériel aux Droits des femmes. Il y avait un vrai souci de connaître la réalité à Monaco, de la mettre sur la place publique et de prendre des mesures adaptées. On dispose désormais de chiffres sérieux."
Un gage de transparence pour le gouvernement princier qui, ces dernières années, a avancé sur la cause de l’égalité entre la gent féminine et celle masculine.
Pour que cette étude fouillée ne soit pas biaisée par les effets de la pandémie de Covid-19, décision a été prise de se baser sur des données chiffrées de 2019. Voici les principaux enseignements.
Un écart infime dans
la Fonction publique mais…
Dans la Fonction publique, dans laquelle 42,6 % de femmes évoluent parmi un effectif de 4 776 personnes, les salariées ont en moyenne, toutes catégories confondues, un indice de rémunération supérieur de 0,7 % à celui des hommes (1).
Cela s’explique par le fait que 41,4 % d’entre elles occupent un poste en catégorie A - de fait mieux payés - contre 24,2 % des hommes.
En catégorie C, des emplois dits d’exécutant, pour le coup moins rémunérateurs, les femmes sont sous-représentées (31,8 %, contre 51,1 % des hommes).
La nuance apparaît quand on compare catégorie par catégorie. "Quelle que soit la catégorie du poste occupé, les indices masculins sont en moyenne plus élevés, respectivement de 14,7 % pour la catégorie A, 8 % en catégorie B et 9 % en catégorie C", détaille Alexandre Bubbio, directeur de l’IMSEE. Une situation qui perdure depuis 2013.
Dans le privé, le fossé entre les salaires est bien plus conséquent
Dans le secteur privé, par contre, les écarts de salaire se creusent davantage entre les hommes et les femmes : 3 900 euros, en moyenne, pour les hommes contre 2 800 euros pour les femmes. Soit un salaire mensualisé supérieur de 28,5 %.
Deux explications pour expliquer ce fossé financier. D’abord, de fortes disparités existent au sein de la population salariée monégasque, notamment entre les extrémités : d’un côté, les sportifs de haut niveau de l’AS Monaco (foot et basket), de l’autre, les personnels de maison. En Principauté, les femmes occupent plus souvent un emploi dans de petites structures ou dans des secteurs d’activité comportant de plus forts taux de bas salaires.
"L’autre raison, c’est que les femmes totalisent moins d’heures travaillées que les hommes en moyenne : 132 heures par mois contre 139 heures", analyse Alexandre Bubbio.
En atténuant l’effet du temps de travail sur un mois, l’écart perdure mais se réduit : le salaire horaire des hommes est, alors, supérieur de 20,9 % à celui des femmes.
Dans 10 des 12 grands secteurs d’activité, la rémunération horaire de la gent masculine est supérieure à celle de la gent féminine. Seuls la construction et l’immobilier font figure d’exception. Si l’on se penche sur les catégories d’emploi, seules les ouvrières gagnent mieux que leurs homologues masculins. Les hommes touchent davantage quand il s’agit de postes de cadres, de professions intermédiaires et d’employés.
"C’est la partie la plus délicate de l’étude car le gouvernement a moins de prise sur le niveau des salaires versés dans le secteur privé", reconnaît Jean Castellini, conseiller de gouvernement - ministre des Finances et de l’Économie.
Des zones d’ombre
En considérant la position la plus rémunératrice de l’année pour chaque salarié, l’écart de salaire mensualisé s’élève à 26,7 % en faveur des hommes. Près de 13 % de celui-ci peut-être attribué à différents facteurs : le niveau d’emploi, la taille de l’employeur, le secteur d’activité, l’âge du salarié et le temps de travail. Le reste de l’écart demeure inexpliqué car des critères n’ont pu être pris en compte, faute d’être disponibles : le niveau de diplôme, le type de contrat de travail, l’ancienneté mais aussi d’éventuelles discriminations.
Une étude renouvelée tous les cinq ans
Première étude du genre en Principauté, celle-ci a vocation à être renouvelée dans le temps. "Tous les cinq ans", confirme Christophe Robino, conseiller de gouvernement-ministre des Affaires sociales et de la Santé.
Cela permettra, notamment, de prendre en compte les éventuels impacts de la pandémie sur l’économie et des mesures prises par le gouvernement.
"On espère que le Covid aura transformé l’économie. Tout le monde constate, et certains le déplorent, la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs. Cela pousse probablement les salaires à la hausse pour rendre les postes plus attractifs, notamment dans les secteurs de l’hôtellerie et la restauration, et des revalorisations de barème telles qu’elles ont été appliquées dans certaines catégories de personnel à la SBM", souligne Jean Castellini, conseiller de gouvernement - ministre des Finances et de l’Économie, lequel a souligné "la nécessité de poursuivre les efforts" pour combler les écarts de salaire. "Ceux-ci se sont réduits depuis 2012, d’après les éléments dont nous disposons."
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