Pourquoi les entreprises doivent-elles se lancer dans le métavers

Alors que Monaco devient aujourd’hui et demain la capitale internationale du métavers, nous avons voulu savoir si les marques et entreprises devaient succomber à cet univers virtuel envers et contre tout.

K.Wenger Publié le 23/05/2022 à 09:03, mis à jour le 23/05/2022 à 09:40
Yvan Touhami, devant une projection holographique réalisée par son entreprise Orbis Holographics, sera au MEW aujourd’hui et demain. (Photo D.R.)

À partir d’aujourd’hui et jusqu’à demain soir, Monaco se met avec le salon Meta Entertainement World (MEW) à l’heure du métavers.

Réservé aux professionnels, l’événement – premier en son genre – se déclinera par la suite à Miami, Séoul et Dubaï. Ce nouveau monde virtuel fascine et la banque d’affaires JPMorgan, la première à y avoir ouvert une succursale, estime que le métavers pourrait représenter une opportunité de marché annuelle de 1.000 Mds$.

De nombreuses marques de luxe ou tech – Facebook a d’ailleurs changé de nom pour Meta – s’y positionnent. Pourquoi? Comment peuvent-elles monétiser leur présence? Le métavers est-il pour les entreprises de toute taille et secteur? Nous avons demandé à Yvan Touhami, CEO d’Orbis Holographics, de décoder les raisons de cet engouement.

Spécialisée dans les expériences holographiques, la startup francilienne qui a été repérée à ses débuts par le Groupe LVMH présentera à Monaco "son mur de brume sèche sur lequel on projette des hologrammes". Ou encore une reproduction digitale animée de l’actrice américaine Scarlett Johansson avec laquelle on interagit sans avoir besoin de lunette de réalité augmentée. Alors, le métavers, envers et contre tout?

Quel intérêt une entreprise ou une marque a-t-elle à se positionner dans le métavers?
Le métavers est un pari sur l’avenir ; les marques et entreprises se projettent dans le monde de demain pour réfléchir à leur stratégie. C’est un intérêt avant-gardiste; une façon pour elles de montrer leur agilité et leur innovation. Et aussi d’intégrer l’industrie du jeu vidéo dans sa globalité parce que le métavers, concrètement, est un jeu vidéo.

On s’y déplace avec son clavier et sa souris comme dans Fortnite ou Zelda… Il faut le voir comme une nouvelle interface. Second Life [univers virtuel de 2003, ndlr] en est un; Minecraft, sorti en 2011, aussi.

Les chiffres de l’industrie du jeu vidéo sont absolument colossaux: 175Mds$ en 2020, là où la musique approche les 20 Mds$ et le cinéma 12Mds$.

Pourquoi les entreprises ne s’étaient pas intéressées avant à Second Life?
La technologie et le graphisme ne le permettaient pas à l’époque. Ils ont énormément évolué. Ce qui désormais incite les entreprises à intégrer le métavers, c’est la blockchain qui sécurise les données et les échanges (cryptomonnaie, NFT, smart contract...). Cela les rassure.

Comment le métavers fonctionne-t-il?
Il existe plusieurs métavers comme Decentraland fondé en 2015, The Sandbox né en 2012. Ils vendent des lands (parcelles de terrain) et l’intérêt d’intégrer un de ces univers, c’est la visibilité.

Les petites et moyennes sociétés peuvent aussi y trouver un intérêt. Elles peuvent se positionner plus facilement près d’une grande entreprise, communiquer avec elle et nouer des liens. Un exemple amusant est celui du rappeur américain Snoop Dogg qui y a récemment créé son univers, le "Snoopverse" dans The Sandbox. Un de ses super fans a acheté – pour 450.000$, certes – une parcelle près de sa villa pour pouvoir de temps en temps croiser son avatar et lui parler en direct. Selon le journal The Independent, son nouveau voisin aura de nombreux avantages comme l’accès aux soirées exclusives dans la réplique du manoir californien du rappeur. Comme les gens pourraient se bousculer chez lui à terme, il pourrait engendrer de nombreux profits...

Combien cela coûte-t-il d’acheter un terrain dans le métavers?
Dans Sandbox, une land se vend entre 5.000 et 8.000$. C’est tout à fait accessible pour une entreprise de taille moyenne sous réserve qu’elle ait un intérêt digital dans ce nouveau monde.

Un artisan-boulanger qui vend aussi sur le web peut acquérir une petite land, y monter sa boulangerie-pâtisserie en 3D où il démontrera son savoir-faire. Les clients pourront commander directement depuis cette boutique virtuelle.

Le plus par rapport à un site e-commerce classique?
Le côté immersif qu’apporte la 3D et qui est de plus en plus demandé par les clients. Ces derniers accéderont à des données auxquelles ils n’ont pas accès sur un site classique et interagir. Ils pourront tester les produits en 3D comme dans un jeu vidéo.

Reprenons l’exemple du boulanger-pâtissier. Le consommateur pourra connaître la texture du gâteau ainsi que son goût grâce à des stimulations électro-magnétiques qui le reproduisent artificiellement. Demain, on arrivera à le faire avec les odeurs.

De même, des combinaisons permettront de ressentir le toucher; on pourra ainsi grimper l’Everest, se rapprocher un maximum des sensations de la vie réelle. Le but du métavers est de rendre Internet le plus ludique, immersif et facile d’utilisation possible.

C’est un jeu pour le public mais le but pour les marques, c’est de le monétiser. Comment?
Elles peuvent organiser tout type d’événement, inviter leurs clients, créer une boutique, la même que dans la vie réelle. Les personnes vont pouvoir s’y promener, sélectionner les produits, regarder leurs caractéristiques et composition grâce à la 3D, les acheter comme dans un e-shop en payant en monnaie FIAT ou en cryptomonnaie et les recevoir chez eux.

À quelle échéance les entreprises peuvent-elles espérer une monétisation?
D’ici deux à cinq ans, je pense que les grandes entreprises feront autant de chiffre d’affaires dans le métavers que dans la vie réelle. C’est un levier de croissance phénoménal.

L’industrie du divertissement, de la mode, luxe… Quel intérêt pour les banques comme JP Morgan?
À part la visibilité et le fait d’être avant-gardiste, c’est la technologie blockchain et donc d’hypersécurisation pour les transactions. Les banques sont obligées de se positionner sur ce nouveau marché du bitcoin en perpétuelle croissance de 127 % par an depuis sa création. C’est une technologie qui est à 99,9998% stable.

Moment crucial

Le fondateur d’Orbis Holographics estime qu’"on est à ce moment crucial où tout est possible et tout est à créer dans le métavers… Dans le Web 2.0, le citoyen était complètement dépossédé de ses données qui ne lui appartenaient plus. Les Gafam les revendent sans que l’utilisateur n’en tire aucun bénéfice. Le métavers lié à la blokchain va récupérer la propriété intellectuelle de ses données (identité, monnaie, vidéos, photos…) comme dans la vie réelle. Pour autant, ce nouvel Internet est encore le Far-West: il n’y a pas de réglementation juridique pour les NFT, cryptomonnaies… On n’en est qu’au début."

Être dans le monde réel et le métavers ne risque-t-il pas d’être très chronophage ?
"Je pense que des outils comme la réalité augmentée, l’hologramme faciliteront ce passage entre les deux mondes. L’idée est de bien s’en servir comme toutes les technologies. Personnellement, je la vois comme un bienfait, ne serait-ce que pour la sécurisation du web et des transactions.
Indirectement, on pourra revenir dans le monde réel. Pour avoir des NFT, il faudra faire des actions dans le monde réel. Par exemple, ramasser du plastique sur les plages, se prendre en photo pour l’obtenir. Cela pourra créer des mécaniques où les mondes réel et virtuel seront liés. Cela dépendra de ce qu’on en fait."

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