En accusant une perte de 40 millions ces six derniers mois, alors que la période d’avril à fin septembre est traditionnellement la meilleure, la Société des Bains de Mer se trouve dans une situation très critique.
Hormis le secteur des locations qui progresse de 4,8 millions d’euros, les jeux et l’hôtellerie sont dans le rouge. Globalement, l’activité de la SBM a chuté de -59%!
La crise sanitaire a balayé, tel un tsunami, tous les efforts de ces dernières années.
Jean-Luc Biamonti, président délégué du groupe, qui a lui-même baissé sa rémunération de 30% durant le confinement et depuis novembre, brosse le tableau d’une société qui mettra certainement plusieurs années à remonter la pente.
Les six premiers mois de l’exercice 2020/2021 (du 1er avril au 30 mars) ont été touchés de plein fouet par la crise sanitaire. Quelles conséquences financières?
Le semestre est catastrophique. Nous avons perdu 240 millions d’euros de chiffre d’affaires par rapport à l’exercice précédent. Ce qui se traduit en résultat par une perte de 40 millions contre un gain de 70 millions l’année dernière. C’est donc un écart de 110 millions sur les six mois. Du 1er avril au 30 juin 2020, nous étions quasiment fermés. Du 1er juillet au 30 septembre, la voilure a été réduite et nous nous en sommes sortis vaguement.
Vous aviez certainement prévu l’impact économique dès le début de l’année…
Nous avions fait un budget en tenant compte de la Covid qui prévoyait une baisse de 50%; et nous l’avons pratiquement tenu. Mais septembre a été plus mauvais que prévu. Puis est arrivée la deuxième vague. Aujourd’hui, la SBM emprunte pour payer les salaires. Je suis obligé de tout renégocier avec les banques. Raison pour laquelle je serai mercredi à Paris. J’ai besoin d’avoir le soutien du pool bancaire. Nous avons fait l’hypothèse que l’exercice 2021/2022 sera de -40% par rapport à notre meilleure année, 2019/2020. Selon moi, l’activité ne repartira pas en flèche. Je prévois l’exercice 2022/2023 avec -20% puis nous devrions retrouver les chiffres de 2019/2020 en 2023/2024.
C’est pessimiste, tout de même…
Je ne crois pas un instant que le 1er avril, tout redémarrera comme avant. Après la chute libre que nous avons faite, je pense que ça va repartir progressivement. Notre business model repose sur le brassage de population. Or, aujourd’hui, on ne voyage plus avec la même facilité. On ne sait toujours pas si le Bal de la Rose aura lieu en mars, si auront lieu à huis clos le tournoi de tennis ainsi que les Grand Prix historique fin avril et de Formule 1 en mai. Et on n’est pas à l’abri d’une troisième vague de la pandémie.
Vous empruntez beaucoup?
À trois niveaux. Nous avons un solde de 200 millions à rembourser du crédit bancaire pour le One Monte-Carlo et l’Hôtel de Paris. Nous avons par ailleurs endetté Betclic. Et nous avons emprunté 70 millions à très court terme sur les marchés. Si ça s’améliore, nous parviendrons à rembourser d’ici un an ou deux.
Le CTTR vous aide tout de même à passer le cap, non?
Le plus simple aurait été de fermer au moins un, voire deux hôtels. Mais le management de la SBM a la volonté de ne pas transformer Monaco en ville morte. Et honnêtement, le choix du gouvernement dans la gestion de la crise cet automne a été un bon pari. C’était judicieux. Nous avons joué le jeu. Nous avons donc bien sûr du CTTR; mais moins que si nous avions tout fermé, bien sûr. Vous avez quand même fermé des adresses emblématiques… Le Café de Paris (ouvert le soir seulement les jeudis, vendredis et samedis jusqu’au 21 décembre, puis tous les soirs jusqu’au 3 janvier) et le Bar américain rouvrent le 4 décembre. Nous avons obtenu une dérogation pour considérer le Bar américain aussi comme un restaurant de 11h à 15h et de 19h à 21h. Nous commençons à voir une clientèle revenir un peu le week-end.
Comment se dessine la fin d’année?
Les réservations d’hôtels et dans les restaurants ont augmenté. Du 27 décembre à début janvier, la demande est généralement très forte. Et nous aurons quand même du monde. Le réveillon du 31 décembre est par exemple quasiment complet dans les restaurants.
Avez-vous opté pour une politique de prix agressive?
En juillet, nous avons baissé les prix pour remplir. C’était une erreur; je le reconnais. Aujourd’hui, nous conservons nos tarifs et, pour la fin de l’année, nous augmentons la durée minimum de réservation. Il est ainsi impossible de réserver la seule nuit du 31 décembre au 1er janvier. Il faut trois nuitées minimum. Nous ne bradons pas la destination.
Quels sont les secteurs les plus impactés?
Nous sommes en première ligne partout. L’ordre de grandeur – une perte de 59% de chiffre d’affaires – est malheureusement équitablement réparti.
"Réduire de 161 à 30 le nombre de licenciements"
Le plan de restructuration a provoqué un choc au sein de l’entreprise. Tous les salariés de plus de 57 ans peuvent solliciter un départ volontaire dès lors que leur emploi ne sera pas remplacé.
Si la Covid a accéléré et amplifié les difficultés sociales, l’entreprise souffrait déjà de "lourdeurs importantes", selon les termes de Jean-Luc Biamonti.
Le président délégué poursuit: "La Covid accentue quelque chose qui aurait été probablement nécessaire avec une moindre ampleur, bien sûr. Aujourd’hui, nous sommes obligés de faire un plan de restructuration."
Fait inédit – tout autant que la situation de l’entreprise –, dix-huit syndicats s’unissent, inquiets des conditions de départ proposées aux salariés et jugées "non satisfaisante".
"La réalité est que les conversations sont régulières et se passent bien, affirme Jean-Luc Biamonti. Jusqu’à présent, c’était assez constructif. Et jeudi, nous avons fait une contre-proposition qui fait que la situation s’est tendue."
Échéance le 10 décembre
Combien y aura-t-il de licenciements? Impossible de le savoir pour l’heure puisque la SBM a donné à ses salariés l’échéance du 10 décembre pour se déclarer candidat à un départ volontaire.
Mais la société a toutefois déjà déposé un plan de 161 licenciements économiques auprès de la direction du Travail.
"Nous faisons tout ce qui est possible pour diminuer au maximum ce chiffre. Si tout le monde y met du sien, je pense que l’on réduira de 161 à 30 le nombre de départs contraints. Nous ne sommes certainement pas là pour mettre les gens dans la rue. On fera tout pour protéger les emplois, et notamment les petits salaires. Nous allons essayer de limiter la casse au maximum."
Nombreux candidats au départ dans les jeux Les prochains jours sont donc déterminants. Plus il y aura de volontaires et moins il y aura de licenciements, bien sûr.
Selon nos sources, les candidats au départ seraient très nombreux parmi les salariés français des jeux. Certains volontaires risquent donc de devoir rester…
"On négocie et on avance. L’objectif est de minimiser le nombre de départs contraints. Il y en aura quelques dizaines."
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