Le groupe de têtes pensantes made in Fondation Nice Côte d'Azur se compose d'acteurs privés, publics et académiques. Ensemble, ils cherchent des solutions applicables en local à des problématiques ô combien d'actualité. Créé l'année dernière par la Fondation Université Côte d'Azur, ce Think Tank a retenu deux thématiques sur lesquelles il entend phosphorer cette année: le stress hydrique et le plafond de verre.
Le stress hydrique est donc le premier thème de ces rassemblements. Et c'est justement l'occasion d'en parler, en cette journée mondiale de l'eau (instaurée par l’ONU en 1993). La ressource en eau, son usage, sa préservation, sont des enjeux majeurs. Amplifiés par le changement climatique que l'on constate, et, plus proche de nous, par cette décision du Préfet des Alpes-Maritimes de placer l’ensemble du département en état d’alerte sécheresse. Une première en plein hiver.
Le territoire azuréen, un territoire exposé
Cyril Marro, directeur général des services du SMIAGE (Syndicat mixte pour les inondations, l'aménagement et la gestion de l’eau maralpin) donne le ton des échanges: "Les organisations publiques et privées du territoire redoutent l’été 2023 et plus généralement les étés à venir. En effet, les précipitations sur le département durant la période de recharge des nappes phréatiques en automne et en hiver ont été insuffisantes. Le mois de février a été particulièrement déficitaire avec des précipitations quasiment réduites de moitié par rapport à la moyenne. En conséquence, le niveau des nappes et des cours d’eau est anormalement bas pour la saison."
Par ailleurs, l’enneigement déficitaire sur les Alpes n’est guère rassurant sur la capacité du manteau neigeux à alimenter les cours d’eau du territoire en fondant en printemps alors que c’est ce qui avait permis d’épargner le territoire jusqu’à présent. A cet égard, force est de souligner que la diversité du territoire azuréen, entre les montagnes, le moyen pays et le littoral, implique des enjeux différents en matière d’accès et de gestion de la ressource en eau.
"Au-delà de ces éléments caractéristiques d’une tension sur la ressource en eau pour l’été à venir, les événements extrêmes liés au grand cycle de l’eau tels que les sécheresses et les inondations deviendront encore plus intenses, récurrents et longs avec le changement climatique. La préservation de la ressource en eau représente donc un enjeu crucial pour les prochaines années", pose l'expert pour planter le décor.
Moderniser les réseaux
Vincent Ponzetto, directeur général de la Régie Eau d’Azur en charge de la gestion du service public de l’eau potable et de l’assainissement pour la Métropole Nice Côte d’Azur de constater: "Il n’existe pas une solution miracle pour lutter contre le stress hydrique mais un ensemble de solutions tenant compte des spécificités territoriales et répondant à des enjeux à court, moyen et long termes". Parmi l’ensemble des solutions techniques évoquées, deux axes prioritaires se sont dégagés de cette session de travail: la modernisation des réseaux et la réutilisation des eaux usées traitées.
L’Observatoire départemental de l’Eau des Alpes-Maritimes, créé par le Département à la sortie de l’été dernier, évalue la performance du réseau de distribution d’eau potable maralpin à 70%, contre 80% au niveau national. Cela signifie concrètement que chaque année, se perd dans la nature l'équivalent de la consommation annuelle d'eau de Nice, Saint-Laurent-du-Var et Cagnes-sur-Mer, soit de 32 millions de m3 par an. Pas bon. Si la chasse aux fuites dans les réseaux apparaît indispensable, elle nécessite une politique patrimoniale volontariste au risque d’aggraver le retard d’investissement.
Réutiliser les eaux usées
Outre l’enjeu financier, la modernisation des réseaux soulève des enjeux d’innovation. Cyril Piazza, maire de Peille et président de la Communauté de communes du Pays des Paillons, insiste sur l’importance de la donnée pour franchir une nouvelle étape dans la gestion de la ressource grâce à une meilleure connaissance quantitative et qualitative des prélèvements, des fuites et des consommations.
Au cœur de l’actualité, à quelques jours de l’annonce du plan "eau" par le Gouvernement, la réutilisation des eaux usées traitées apparaît également comme une solution alternative à long terme pour préserver la ressource en eau. Pour Vincent Ponzetto, "il n’existe pas une seule façon de réutiliser les eaux usées traitées mais DES façons, en fonction des usages: agriculture, arrosage de golfs, nettoiement de la voirie… et des spécificités locales. La réussite de ces projets repose notamment sur des considérations réglementaires, politiques, sociales, environnementales et économiques. Toutes les grandes agglomérations du territoire souhaitent mettre en place la réutilisation des eaux usées traitées dans les prochaines années."
Tarification progressive et sobriété
Le groupe de têtes pensantes estime que les grandes agglomérations pourraient "utilement collaborer pour renforcer leurs démarches auprès des services de l’Etat et la recherche de financements. Les solutions techniques doivent impérativement être soutenues par une évolution des usages pour sortir d’une culture de l’abondance."
Il en ressort également que, comme pour les économies d’énergie qui ont été effectuées cet hiver, la réduction de la consommation d’eau est essentielle. Une tarification progressive de l’eau pourrait constituer un levier en ce sens, en incitant les citoyens et les entreprises à la sobriété.
L’agriculture doit également s’adapter: aller chercher l'innovation en matière d’irrigation, de plantations moins gourmandes en eau, de nouvelles pratiques agricoles, etc.
Enfin, les acteurs présents se sont accordés sur la nécessité de travailler ensemble et ont cité Henry Ford: "Se réunir est un début, rester ensemble est un progrès, travailler ensemble est la réussite"
Le Think Tank de la Fondation Université Côte d’Azur créé "pour agir ensemble"
Lancé fin 2022, le Think Tank, groupe de têtes pensantes de tout horizon, s’appuie sur la capacité de la Fondation Université Côte d’Azur à mettre en relation des acteurs locaux aux profils variés et complémentaires en créant un maillage constructif pour le territoire azuréen et, plus largement, pour la Région Sud. Vincent Borel, directeur délégué sud-est de SUEZ et administrateur de la Fondation Université Côte d’Azur, est à l'initiative du projet. "Si je devais reprendre une analogie sportive, je dirais que, comme au rugby, nous poussons dans la mêlée tous dans le même sens, c’est-à-dire au service du territoire."
Ce groupement de sachants et décideurs, appelé Think Tank donc, vise à développer un espace d’échange et de co-construction entre les différents acteurs réunis autour d'une thématique. Deux sujets phares ont été identifiés pour 2023: le stress hydrique et le plafond de verre.
Pour Eric Dumetz, président de la Fondation UCA, "le Think Tank est une corde complémentaire à l’arc des actions engagées par la Fondation, qui place le développement durable au cœur de ses actions."
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