Le chiffre est précis : 1.831 logements neufs en quinze ans. L’annonce faite conjointement par le prince souverain, le gouvernement et le Conseil national le mois dernier avec "un plan logement" d’une envergure inégalée a été particulièrement forte. L’occasion de revenir avec plus de détails sur les chiffres, les échéances et les situations des foyers monégasques.
Rencontre avec Jean Castellini, conseiller de gouvernement-ministre des Finances et de l’Économie et Rémy Rolland, directeur des Travaux publics.
Dans les quatre prochaines années, 712 logements vont être créés. Mais il y en a très peu d’ici 2022…
Jean Castellini: Nous récupérerons les 45 appartements qui résulteront de la surélévation des Jardins d’Apolline en deux étapes : d’abord les blocs B et D puis A et C. Il y aura une opération intermédiaire d’une quinzaine de logements à U Pavayùn. En revanche, plusieurs dizaines de familles des Jardins d’Apolline qui ont vu la typologie de leur famille évoluer se sont retrouvées attributaires ailleurs. Il y aura donc un appel d’air qui va créer de nouvelles propositions pour les Monégasques. On peut aussi envisager des opérations de petites tailles qui pourraient voir le jour fin 2021 pour une soixantaine d’appartements.
Comment gérer donc le besoin réel durant trois ans?
Jean Castellini: Les commissions d’attribution de 2019 et 2020 proposeront un nombre d’appartements bien supérieur au nombre de logements neufs construits. Lors de la commission du 22 janvier dernier, il n’y avait aucun appartement neuf sur les 94 attribués. En octobre prochain, nous proposerons 25 logements neufs du Soleil du midi sur un total de plus de 80 surfaces louées. Ce sur quoi nous nous sommes engagés, c’est sur la création de logements neufs. Dans une période tendue de pénurie relative, ces commissions permettent malgré tout d’attribuer des logements remis à neuf.
"Nous nous sommes engagés sur la création de logements neufs"
Combien y a-t-il exactement de logements domaniaux à Monaco aujourd’hui?
Rémi Rolland: Il y en a exactement 3 185 (hors quelque 400 logements construits avant 1947 qui eux, même s’ils sont propriété de l’État, appartiennent au secteur protégé). Mais ces 400 logements ne sont pas éligibles à une commission d’attribution ou au contrat habitation-capitalisation. 85 % des logements du secteur ancien mis en location, propriétés ou non de l’État, sont occupés par des Monégasques.
Jean Castellini: Ce pourcentage est en évolution depuis cinq ou six ans. On aura de moins en moins de foyers monégasques qui occuperont le secteur protégé d’ici 10/15 ans, du fait de la construction d’appartements domaniaux.
Combien y a-t-il de foyers de Monégasques?
Jean Castellini: Je n’ai jamais vu ce chiffre. Nous voudrions passer de deux tiers à trois quarts des Monégasques logés dans les Domaines. Il y a 9 300 Monégasques. Aujourd’hui, cela fait un appartement pour trois Monégasques. Et l’on arrive à 2,7 Monégasques par appartements si l’on intègre les logements du secteur protégé. 17 % des Monégasques sont propriétaires.
Considérant les Monégasques à l’étranger et les personnes âgés en maison de retraite, le ratio de 2,7 est déjà très confortable, non?
Jean Castellini: Il faut regarder ce qui se cache derrière les chiffres. L’approche est plus qualitative et prospective. Imaginez un quatre-pièces dans lequel sont hébergées quatre personnes. Si l’on a un couple avec deux enfants ce n’est pas la même chose qu’un couple avec deux jeunes gens qui pourraient être eux-mêmes en couple. Dans ce cas, ils pourraient prétendre à un logement. Nous pourrions être également dans un cas de figure où la famille réside avec ses deux enfants d’âge adulte. Il faudrait alors trois appartements…
Plus besoin de quatre-pièces dans ce cas?
Jean Castellini: Les parents pourraient effectivement faire le choix d’une mobilité et solliciter un trois-pièces puisque nous avons acté avec le conseil national qu’ils pourraient avoir une pièce de plus par rapport à leur besoin pour héberger occasionnellement leurs petits-enfants par exemple. C’est cela l’objectif du plan logement.
Remi Roland : Un chiffre est assez parlant : il y a 113 nouveaux Monégasques par an.
Dans une situation tendue, si les Monégasques bénéficient d’un logement à moindre coût en adéquation avec l’évolution de leur famille, pourquoi ne pas leur imposer de déménager quand les enfants quittent le foyer pour ainsi céder la place à un foyer dans le besoin?
Jean Castellini: On ne va pas forcer quelqu’un qui vit à Fontvieille depuis vingt ans de partir à Saint-Roman. Il y a l’aspect qualitatif. Ce qui fonctionne très bien, ce sont les échanges. Plusieurs centaines de familles en ont profité et sont pleinement satisfaites.
Je veux éviter la mobilité coercitive. Et puis nous n’avons pas le nombre de trois et quatre pièces suffisant.
Les projets villa Picapeira, Les Lierres, villa Le Mas, Palais Honoria, villa Carmelha, etc. sont ficelés ? Il y a peu voire pas de communication publique…
Jean Castellini: Picapeira, avenue de l’Annonciade, c’est aujourd’hui un trou. Le permis de construire a été obtenu et les travaux vont commencer. Le Palais Honoria a été acquis récemment par l’État. Seule, la villa Le Mas, adjacente, n’aurait pas eu la même pertinence. C’est parce que l’État a pu devenir propriétaire des deux bâtiments que nous pouvons envisager un projet de 60 à 70 appartements. Pour la villa Les Lierres, la seule inconnue est, à ce stade, la possibilité d’adjoindre du foncier voisin pour une opération plus ambitieuse qui doublerait le nombre de logements. Nous nous donnons quelques mois.
Rémi Rolland : Toutes les opérations envisagées sont du foncier de l’État. Sauf la villa Les Lierres où l’on espère maximiser. Le plan logement n’est pas virtuel mais réel parce que l’on a les cartes en main.
"Je n’ai rien à répondre à Jean-Louis Grinda"
Les appartements anciens préemptés par l’État et laissés vides pour parvenir progressivement à être propriétaire de bâtisses complètes font la désolation des personnes qui cherchent un logement en secteur protégé.
Rémi Rolland : En ce qui concerne les propriétés de l’État, les locataires sont relogés. Il faut avoir une vision globale : avec le plan logement qui va réduire à moyen terme la tension, le nombre de Monégasques du secteur protégé va diminuer et cela va libérer des appartements. De plus la proposition n° 239 du Conseil national transformée en projet de loi fin 2018 a vocation à trouver un bon équilibre.
1831 logements neufs d’ici 2033 : une annonce forte.
Ne craignez-vous pas quelques aléas d’ici là?
Jean Castellini : Oui, nous avons suffisamment avancé pour être sûrs des chiffres. Le plan logement a été mûrement réfléchi. Nous sommes dans le concret. Par exemple au Bel Air, Albert Croesi a déjà rencontré plus de 60 familles pour un relogement dans un appartement provisoire. Tous les soins sont apportés pour que l’opération Bel Air se passe bien. Mais la volumétrie, de l’Annonciade II ou du Centre commercial de Fontvieille par exemple, n’est pas encore arrêtée.
Jean-Louis Grinda d’Union Monégasque pointe du doigt les logements vacants loués par des Monégasques, qui résident dans les communes limitrophes, et veut des chiffres de votre part. Selon lui, la pénurie pourrait être au moins en partie résorbée. Que lui répondez-vous?
Jean Castellini : Je n’ai rien à répondre à Jean-Louis Grinda et à cette polémique qui, pour moi, n’est pas entièrement nécessaire, ni bienvenue à un moment, où le souverain annonce un plan ambitieux pour le logement des Monégasques dans leur pays.
commentaires