Le roc de Monaco se dresse à pic, mettant chaque jour le cap sur la Grande Bleue.Une péninsule princière dont le palais fait office de couronne altière.Et malgré l’épreuve du temps, la forteresse n’a pas vacillé d’une pierre.Depuis 1215, les Grimaldi tiennent le siège initié par Il Malizia, le Rusé, l’ancêtre qui s’est emparé de Monaco en une nuit, soustrayant la place forte du Rocher aux mains génoises.
À la charnière des XVIe et XVIIe siècles, la famille adopte le titre souverain. Par la suite, la forteresse s’est agrandie et a vu se succéder maintes générations de princes et de princesses.Hier militaire, la demeure desGrimaldi est devenue un écrin pour préserver la noblesse monégasque: un siège ininterrompu depuis 700 ans. Des anecdotes royales aux inspirations antiques, le Palais princier recèle encore quelques surprises pour les visiteurs en quête d’exotisme social.
Yasmin Zagoni, responsable des visites,nous guide dans la demeure de celui que les Monégasques appellent encore «le patron».
La salle du Trône, le cœur princier

La salle du trône conclut la visite du Palais princier de la plus majestueuse des manières. (Photo M.A.)
La salle du Trône, toute en majesté, est le clou de la visite. Le lieu, «très vivant en hiver», est l’écrin de grandes manifestations.«Dans ce lieu sont accueillis tous les convives importants et de nombreux repas de chefs d’État», raconte Yasmin Zagoni. Le 1er juillet 2011, le prince Albert II et Charlène Wittstock s’y sont unis civilement.
Le trône, quant à lui, est peu utilisé.Son dernier office date de l’avènement du souverain le 12 juillet 2005. Les armoiries de Monaco couronnent le siège princier: deux moines chevelus et barbus, portant chacun une épée levée, évoquant la conquête de Monaco par Il Malizia.Au-dessus, la devise des Grimaldi, «Deo juvante», littéralement «Avec l’aide deDieu».
Autour du trône, de grands tableaux évoquent l’histoire du Rocher à travers ses princes.Louis-II, héros de Verdun, rappelle l’aspect militaire.Le portrait de Charles III est une évocation de la construction de Monte-Carlo, de son Casino et de l’arrivée du premier train…Avant cela, le moyen le plus simple pour rallier Nice et la Principauté était de monter à dos de mule!
La carrure d’Albert Ier figure, quant à elle, l’ère des grandes explorations.On peut aussi apprendre que ce prince éclairé aurait lui aussi écrit une lettre à l’époque de l’affaire Dreyfus, un J’accuse zolien made in Monaco.
Le dernier tableau est plus singulier…Les visiteurs s’amassent autour et contemplent le pan le plus récent de l’histoire princière: RalphWolfe Cowan, portraitiste de nombreux monarques, a capturé sur toile la princesse Grace et sa famille en 1981.
Encadrant la salle du Trône, le salon des officiers et le salon Bleu évoquent les réceptions officielles et les remises de médailles.Le 19 novembre est célébré dans cette dernière pièce, dont les brocatelles de soie bleues, les deux lustres en cristal et le mobilier doré continuent de faire voyager les curieux dans un monde de luxe et de noblesse.
Un prince en or massif
(Photo M.A.)
Dans la galerie des glaces, les bustes des princes et princesses de Monaco accompagnent les visiteurs de leurs regards bienveillants.
Cette année, une curiosité s'est ajoutée au tableau sculptural : le visage du souverain actuel capturé dans une œuvre contemporaine de Barry X Ball. Dix-huit carats maquillent les traits du prince Albert II. Presque un trompe-l'œil, le visage recèle de nombreux détails.
À l'intérieur, un regard aiguisé peut y percevoir une myriade d'allégories de Monaco : une couronne, le visage d'Il Malizia, des symboles de la mer ou de l'écologie…
« Nous tâchons chaque année d'intégrer de plus en plus d'œuvres contemporaines, ceci afin de moderniser la visite du palais », confie Yasmin Zagoni.
Face au visage doré, le buste de la princesse Grace. Vis-à-vis, mère et fils se regardent pour l'éternité.
Galerie d’Hercule : une somptueuse Antiquité

La cour d’honneur et son escalier calqué sur celui du château de Fontainebleau, construit sous Louis Ier. (Photo M.A.)
D'après la légende, Hercule entreprend de vaincre le terrible serpent ailé Octopis dans les gorges d'Aspremont, sur les hauteurs de Nice. Une fois la créature défaite et étranglée de ses propres mains, le héros s'installe sur le Rocher. Reste de son passage à Monaco la marque de son talon qui aurait formé le port Hercule.
Comme un hommage au Monoïkos des temps anciens, la galerie d'Hercule introduit la visite du Palais princier. Aux murs et au plafond, des fresques figurant des personnages de l'Antiquité et les douze travaux d'Héraclès. L'occasion de souligner le passage de César à Monaco ou le cadre naturel portuaire de la cité des Princes qui a attiré successivement les Romains, les Grecs, les Étrusques et les Phéniciens.
La galerie donne sur la cour d'honneur, lieu emblématique du palais qui accueille des réceptions ou les concerts de l'Orchestre philharmonique de Monte-Carlo. Son escalier de 32 marches en marbre de Carrare et de Portor est calqué sur le modèle de celui du château de Fontainebleau.
Des paravents de part et d'autre de la galerie rappellent que le palais «n'est pas un musée mais un lieu vivant, souligne Yasmin Zagoni. À chaque instant, le prince peut passer d'une pièce à l'autre, sans que les visiteurs ne le remarquent»...
Le palais du souverain est en effet le seul endroit où l'on peut visiter la demeure d'un chef d'État alors qu'il est présent dans les murs.
Le visage historique duPalais princier
la chambre d’York, où le frère du roi d’Angleterre est décédé en 1767. (Photo M.A.)
La visite prend parfois des détours étonnants : des virages le long d'impressionnantes chambres, aujourd'hui inhabitées, chargées d'histoires singulières. Petit florilège de ces morceaux de passé au cœur du Palais princier.

Près de la galerie des Glaces, cette salle expose les armes utilisées par la garde princière. (Photo M.A.)
Deux pièces encadrent la galerie des glaces. Dans la première, une collection d'armes, retraçant l'histoire militaire de la Principauté - des cadeaux diplomatiques ou d'anciennes reliques encore conservées.
Le M16, actuel fusil d'assaut, fait face au MAS 36, utilisé au début du siècle dernier.
Plus loin, une pièce remplie de santons napolitains et de mobiliers de style Charles X caressent les yeux des visiteurs. Ces derniers auraient d'ailleurs appartenu au peintre Toulouse Lautrec.
Cabinet de curiosités princières
Le salon Giaume se révèle être un petit cabinet de curiosités réunies par le prince Rainier III. La salle de style Empire arbore un aigle imposant en cristal de roche, un perroquet en quartz rose ou encore une pendule de bronze figurant la cathédrale de Reims, symbole des liens qui existent depuis longtemps entre les rois de France et les princes de Monaco. Enfin, une réplique en améthyste du château allemand de Neuschwanstein met des étoiles dans les yeux de tous les enfants : il aurait servi d'inspiration à celui de La Belle au Bois Dormant dans le dessin animé de Disney.
La chambre d'York abrite une histoire intime. En 1767, le frère de Georges III, alors roi d'Angleterre, y a expiré son dernier souffle. Le duc d'York aurait fait un malaise alors qu'il voyageait vers Gênes. Il s'est arrêté à Monaco pour reprendre des forces. Cet épisode a permis à Honoré III d'avoir un contact avec la cour anglaise, d'être reconnu par le pays et de s'en faire un allié.
La famille Mazarin-Grimaldi
À deux pas de la salle du Trône, le salon Mazarin, décoré de boiseries polychromes, rappelle le lien qui a uni la famille Grimaldi à celle du cardinal Mazarin. Le prince Honoré IV a épousé en 1777 Louise d'Aumont-Mazarin, descendante d'Hortense Mancini, nièce du cardinal.

En 1947, le futur pape Jean XXIII est la dernière personne à avoir dormi dans la chambre Louis-XIII, proche de la salle du Trône. (Photo M.A.)
La chambre Louis-XIII est devenue historique pour avoir reçu pour une nuit Angelo Giuseppe Roncalli, alors Nonce apostolique à Paris. C'était en 1947. Depuis, plus personne n'a dormi dans cette chambre. Quelque temps plus tard, il devient pape, sous le nom de Jean XXIII.
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