"J’ai toujours l’écho de sa voix dans ma tête." Au bout du fil, Marcos Marin, résident monégasque depuis 2010, rembobine avec justesse treize ans d’amitié avec son principal mécène, Pierre Cardin.
La première rencontre, initiée par un ami commun, Patrice Breteau, a lieu à Miami. Visiblement conquis par l’art optique du disciple de Vasarely, Pierre Cardin lui propose, fin 2017, de faire d’une de ses maisons du village de Lacoste (Luberon), sa résidence d’artiste.
"Nous avons développé une amitié. J’ai conscience d’avoir été un privilégié car à Paris Pierre était très demandé et inaccessible. A Lacoste, il était complètement libre."
"Une conscience esthétique absolue"
"On mangeait des pizzas et il aimait beaucoup certains de mes arrangements au piano. Au bout de deux ans, j’ai eu la permission de l’appeler Pierre, avant c’était Monsieur Cardin", se souvient Marcos Marin, qui note que le créateur "n’oubliait jamais les noms de ceux qu’il croisait".
"Pierre était une personne surprenante. Il pouvait nous dire qu’il repartait pour Paris et revenir deux heures après à Lacoste." Un "hyperactif" qui, à quatre-vingts ans passés, avait "une énergie physique étonnante". "Il déchargeait des meubles de son camion tout seul et changeait la déco de sa maison", témoigne celui qui reste proche de son neveu et héritier, Rodrigo Basilicati.
Le secret de sa longévité ? "Sa jeunesse d’esprit". "Il était toujours très speed dans ses projets. C’était un visionnaire avec une conscience esthétique absolue. Nous étions en télépathie." Ensemble, les deux créateurs travaillent autour de projets dédiés à la famille princière de Monaco, comme ce mythique portrait de Grace Kelly aujourd’hui exposée au NMNM.
En 2007, Pierre Cardin fait la promotion de l’exposition de Marcos Marin intitulée Un Hommage aux grands maîtres de la musique. Trente-six sculptures monumentales adoubées par celui dont on disait que les mannequins étaient des sculptures.
"Il m’a offert un gilet porté en 1980"
En 2008, invité par le prince Albert à Tokyo pour l’inauguration de l’exposition Les Années Grace Kelly, Marcos Marin arbore une pièce signée Cardin. "Pierre est descendu dans son atelier et a sorti d’une vitrine un gilet qu’il portait lors d’un défilé à Tokyo en 1980. Dans un ascenseur, une amie japonaise de Pierre l’a reconnu. Il me l’a offert. Je l’ai toujours."
Attaché à l’art, Pierre Cardin aimait tendre la main aux talents émergents et délivrer de précieux conseils. "C’est celui qui m’a le plus influencé dans ma création. Il me disait que j’étais trop gentil dans ce monde de requins et que le plus difficile dans la carrière d’un artiste, ce sont les soixante premières années [rires]."
Leur dernière rencontre remonte à août dernier, lors du Festival de Lacoste. Désormais, Marcos Marin espère que la dizaine d’œuvres qu’il a créées en hommage à son ami trouveront une place de choix pour l’éternité.
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