PHOTOS. Deux photographes réalisent un livre inédit sur les artisans du Palais princier
Les photographes Jean-Charles Vinaj et Olivier Huitel ont tiré le portrait de l’entier personnel du Palais princier et du domaine de Roc Agel. Le livre a fait l’objet d’une exposition éphémère au Palais pour quelques privilégiés
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Thomas MICHEL (tmichel@nicematin.fr)Publié le 10/12/2019 à 08:43, mis à jour le 10/12/2019 à 08:49
Le souverain a découvert les cinquante clichés en noir et blanc exposés quelques jours dans les Grands appartements du Palais princier. Photo Jean-François Ottonello
Seuls quelques dizaines de privilégiés étaient présents dans les Grands appartements du Palais princier, vendredi dernier, pour découvrir cinquante clichés issus d’un livre inédit consacré aux fidèles artisans de la famille princière.
Un ouvrage de plus de 400 photos réalisé, avec la bénédiction du prince Albert II (lire ci-dessous), par deux photographes familiers de la Principauté, Jean-Charles Vinaj et Olivier Huitel.
"Après Vivre Ensemble [travail sur la cohabitation entre l’homme et l’animal à travers le monde*, N.D.L.R.], mon huitième livre, il fallait un super projet qui sorte de l’ordinaire. Ça faisait quelque temps que j’avais cette idée qui me trottait dans la tête de rentrer dans l’intimité du Palais pour évoquer ses artisans..."
Déjà auteur de livres sur Monaco et de photo reportages sur les artisans du Mercantour, Jean-Charles Vinaj ne part pas dans l’inconnu et dresse rapidement un cahier des charges, qu’il transmet au Palais princier.
Le prince Albert II a exceptionnellement ouvert les portes de son domaine privé de Roc Agel aux deux photographes.Photo Olivier Huitel & Jean-Charles Vinaj.Le prince Albert II a exceptionnellement ouvert les portes de son domaine privé de Roc Agel aux deux photographes.Photo Olivier Huitel & Jean-Charles Vinaj.
Séduit par le projet, le souverain retourne son feu vert dans les jours qui suivent et, comme souvent à Monaco, tout s’enchaîne vite et bien. "Mon premier contact a été avec Gilles Bandoli, le régisseur du Palais. Il a été le fil conducteur et m’a mis en relation avec les différents chefs de service qui étaient tous enchantés."
Ravis que les 126 personnels, représentant 21 corps de métiers, happent (enfin) la lumière.
Face à l’ampleur de la tâche qui l’attend, Jean-Charles Vinaj décide de faire rentrer le photographe de presse (Crystal Pictures) Olivier Huitel dans la boucle.
"Je me suis vite rendu compte que ce serait compliqué tout seul.Olivier est un excellent photographe et avant tout un ami, je savais qu’on pourrait travailler intelligemment et produire un rendu homogène. C’était une belle aventure."
"Un personnel dévoué, fier et reconnaissant"
Une expérience intense entre ville et campagne. Entre le prestigieux Palais princier et Roc Agel, secret domaine privé des Grimaldi perché sur les hauteurs de La Turbie.
Entre traite des vaches ou brebis et grandes réceptions ou concerts.
"C’est une situation authentique. Nous avons découvert un personnel dévoué, fier et reconnaissant de pouvoir montrer son quotidien.Ils ont tous joué le jeu à fond", se félicite Jean-Charles Vinaj.
Entre janvier et juillet 2019, à raison de trois ou quatre visites hebdomadaires, les deux compères s’efforcent alors de sublimer le savoir-faire du restaurateur-doreur, des tapissiers, peintres, garçons de ferme, argentiers…
De rendre uniques, et visibles, leurs gestes répétitifs. Faire entendre la petite musique d’un microcosme où chaque détail est orchestré avec une rigueur quasi-militaire et un sens du devoir prononcé. Et lever ainsi le voile des fantasmes pour le grand-public…
"On a souvent l’image une fois que tout est préparé, souligne Olivier Huitel, mais on ne se rend pas compte du travail énorme derrière. Beaucoup de visiteurs de l’exposition nous ont dit : “Il se passe tout ça"?!”"
De l’ombre à la lumière.
*En partenariat avec la Fondation Prince Albert II.
Prince Albert II: "C’est une très belle mise en valeur de ces métiers"
Le souverain a découvert les cinquante clichés en noir et blanc exposés quelques jours dans les Grands appartements du Palais princier. Photo Jean-François Ottonello.
Au cœur d’une soirée marathon, entre inauguration du village de Noël, lancement du Téléthon et dîner de gala du 40e anniversaire de la section Monaco de l’Association de l’Ordre des Palmes académiques, le prince Albert II a pris le temps, vendredi, de parcourir l’exposition montée entre la salle du Trône et le Salon bleu, dans les Grands appartements du Palais princier.
Que pensez-vous de ce livre et cette exposition qui mettent en lumière des personnels de l’ombre?
C’est une initiative formidable.Il y avait déjà eu quelques articles et reportages filmés sur les métiers du Palais, mais je suis très touché par ce livre aussi exhaustif sur toutes les personnes qui, non seulement travaillent au Palais, mais le font vivre au quotidien. Je suis très reconnaissant parce que c’est une belle façon de valoriser leur travail. C’est un lieu de vie officielle mais aussi privée et tout cela fonctionne de façon harmonieuse grâce à eux,ce qui n’est pas facile.
Ce travail de Jean-Charles Vinaj et Olivier Huitel est aussi une manière de mettre en lumière l’artisanat…
Bien sûr.Il y a des savoir-faire et des métiers qui ne se trouvent pas partout et tous les jours, c’est aussi pour ça qu’il est très difficile de recruter certains artisans de nos jours.Cet ouvrage peut justement permettre une très belle mise en valeur de ces métiers pour qu’ils ne se perdent pas.
Ces artisans du Palais ont-ils le goût de la transmission?
Oui.Je n’ai malheureusement pas assez le temps de leur parler, mais je ressens chaque fois leur passion et leur véritable envie de transmettre. Ces personnes ont une relation très privilégiée avec votre famille aussi. Ce sont des personnes qui sont au Palais depuis le début de leur carrière. C’est cette fidélité qui est formidable, cette volonté de participer à la vie de la Principauté et à celle de ma famille.
Une panoplie de métiers remis au goût du jour
Il y a quelque chose du compagnonnage dans les métiers du Palais princier. Un aspect authentique mais jamais suranné.
Après avoir poussé un cri d’alarme en captant l’intimité des bêtes, dans un regard ou une posture, pour avertir de la sixième extinction massive de l’espèce animale – "la première de la main de l’homme", c’est un autre témoignage, plus confidentiel mais tout aussi fort, que livre Jean-Charles Vinaj. Un bestiaire de l’artisanat et, parfois, de sa survie.
De Jacques, restaurateur-doreur en poste depuis soixante ans, qui a tout appris de son paternel "et dont le métier est difficile à perpétuer".
Les peintres du Palais princier.Photo Olivier Huitel & Jean-Charles Vinaj.
Aux garçons de ferme de Roc Agel et leur chef, Patrick, qui produisent encore le fromage servi à la table du Palais.
En passant par les mécaniciens du garage, dont on pourrait penser que l’utilisation de véhicules électriques ou hybrides par le souverain, a réduit la tâche, mais qui entretiennent aussi les tracteurs et autres machines agricoles.
Ou encore les électriciens, dont la mission ne se cantonne pas à changer des ampoules mais tout autant à monter une scène dans la Cour d’honneur pour les concerts d’été du Philharmonique.
A Roc Agel, les garçons de ferme effectuent notamment la traite des vaches. Photo Olivier Huitel & Jean-Charles Vinaj.
Un large éventail de professions parfois surprenant pour Olivier Huitel. "C’était souvent les mêmes services qui étaient mis en avant, les jardiniers ou les cuisiniers, cette fois tout le monde est mis en valeur de manière équitable (...) J’ai été frappé par toutes ces fonctions distinctes et subtiles dans les différents services et le fait que personne ne se chevauche…"
Un ballet quotidien de petites mains réglé comme du papier à musique et que les deux observateurs n’entendaient pas bouleverser selon Jean-Charles Vinaj. "C’est un privilège d’accéder à ces lieux et il n’était surtout pas question d’arriver en terrain conquis ou de faire preuve d’ego. C’était un travail d’équipe."
Des gants blancs en quête perpétuelle de la perfection, comme ici lors de la mise en place d’une réception par les valets.Photo Olivier Huitel & Jean-Charles Vinaj.
"Je ne pensais pas qu’autant de personnes joueraient le jeu et j’ai été encore plus étonné de voir leur implication, confirme Olivier Huitel. Nous ne sommes pas allés chercher la mise en scène."
Juste guetter d’un œil averti le moment propice. "Par exemple quand l’argentier mesure l’écart entre deux assiettes, pour nous, c’est du détail qui a toute son importance."
Le parti pris du noir et blanc
"C’est plus intemporel." "On perçoit mieux les détails et ça met en valeur des gestes." "Ça correspond à des moments plus rares et permet de fixer cet instant."
Parmi les quelques proches des photographes et autres invités triés sur le volet, vendredi soir dans la Salle du Trône et le Salon bleu, le noir et blanc faisait son effet.
Un ceviche de langoustines aux perles noires de caviar. Langoustines pêchées, sous le Musée océanographique, par le dernier pêcheur de Monaco, Eric Rinaldi.Photo Olivier Huitel & Jean-Charles Vinaj.
"C’est plus artistique et surtout plus percutant, plus puissant", estime Jean-Charles Vinaj, qui explique que ce choix s’imposait.
"On travaillait parfois dans des endroits où la lumière était compliquée, à différentes heures et saisons. Par souci d’homogénéité, on a pris le parti du noir et blanc."
"Nos photos ont été prises en couleur classique, détaille Olivier Huitel, puis j’ai appliqué le même traitement en noir et blanc sur les images.J’aime bien les rendus contrastés, où le noir est bien noir et le blanc bien blanc."
À raison de quatre ou cinq verres par convive, il convient de faire preuve de délicatesse.Et de mesure, pour que tout soit parfaitement aligné.Photo Olivier Huitel & Jean-Charles Vinaj.
Une technique qui porte l’œil sur un détail ou ravive le côté brut d’un plan large.Il en est ainsi de la palette de photos prises à Roc Agel, sanctuaire rural à quelques encablures de la Principauté.
"C’est la première fois que j’avais l’occasion d’y aller et c’est un petit monde à part, vraiment extraordinaire. Ils aiment les bêtes, ramassent les œufs, il n’y a pas de pesticides dans le potager, tout est bio…"
Des clichés en couleur parsèment également le livre, comme cette “photo de famille” au-dessus des petits-quartiers à l’occasion des 200 ans de la création du corps des Carabiniers du prince.
D’autres sujets, comme les fleuristes ou les fresques des façades ne pouvaient également être privés de leurs nuances de couleurs.
Les bêtes de Roc Agel élevées entre terre et mer.Photo Olivier Huitel & Jean-Charles Vinaj.
Un livre tiré à 3.000 exemplaires
Avec le soutien d’EFG Bank, un livre rouge de 300 pages, au format 30 x 30 cm, a été tiré à 3.000 exemplaires. À l’intérieur, quelque 400 photos et des textes signés Marie-Alice Leclerc présentant chaque métier. Sous chaque portrait, les noms des artisans.
Olivier Huitel et Jean-Charles Vinaj présentent leur livre dans le Salon bleu du Palais princier. Photo Jean-François Ottonello.
Pour l’heure, difficile de se procurer l’ouvrage puisque 2.700 exemplaires sont réservés au Palais princier.
Une partie pour les protagonistes du livre et le service d’honneur; l’autre qui pourrait faire l’objet de cadeaux, notamment dans le cadre d’échanges diplomatiques.
"D’un côté, ça donne un côté encore plus exclusif à ce travail qui n’avait jamais été fait ; de l’autre, on espère que ceux qui le veulent à Monaco pourront l’avoir", résume Olivier Huitel.
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