"Une saison en continu de novembre à mars"
Vous jouez dans deux productions de votre première saison. Ce n’est pas commun pour un directeur d’établissement?
Jean-Louis Grinda était metteur en scène et directeur, si j’étais chef d’orchestre, je dirigerai l’orchestre (rires). Je suis une chanteuse, alors comme artiste je me produis sur scène et je suis aussi la directrice. Cette année pour autant, être dans deux productions c’est un peu spécial, mais c’est mon arrivée. À l’avenir, j’aimerais être dans au moins une production par an. Notamment pour faire découvrir le répertoire baroque, qui a été peu joué à Monaco, et qui a un potentiel incroyable.
La presse vous a surnommé la "barock’star". Qu’est ce qui vous touche particulièrement dans la musique baroque?
On vient tous du baroque! Haendel, Vivaldi, Porpora ont été les grands précurseurs de la musique classique. Mozart lui-même aimait la musique de Haendel qui était le plus grand compositeur du XVIIIe siècle! Ce répertoire était moins à la mode ces dernières années. Aujourd’hui, dans les salles d’opéra on entend davantage la musique de l’époque romantique, le melodrama. De grands chefs comme Nikolaus Harnoncourt ou Christopher Hogwood ont fait beaucoup pour la redécouverte de ce répertoire. Et j’ai eu la chance de travailler avec eux et d’être, petit à petit, contaminée par la curiosité de découvrir ces chefs-d’œuvre. Ce qu’on entend dans cette musique parle de l’être humain, de ses émotions. Ces compositeurs évoquent nos forces et nos fragilités.
Vous avez promis un périple musical aux abonnés de l’Opéra de Monte-Carlo, en voilà un aspect?
Ce qui m’intéresse, c’est de montrer au public comment les compositeurs ont pu s’influencer les uns et les autres. Et il me semble, qu’il y a davantage à découvrir dans la musique baroque que dans la musique romantique. Il y a une contemporanéité particulière dans le baroque, due à la façon d’écrire des compositeurs. Quand je fais des concerts baroques, je vois d’ailleurs que le public est beaucoup plus jeune par rapport à l’opéra.
C’est une volonté de rajeunir le public de l’Opéra dont on peut dire parfois, qu’il n’attire qu’une audience de seniors?
Je ne crois pas que l’intérêt à l’opéra est lié à une question d’âge. C’est plutôt une question d’éducation. C’est de la responsabilité des parents d’ouvrir leurs enfants vers le monde de la musique et de l’art en général. Si les parents ne sont pas intéressés, c’est difficile de convaincre un jeune d’aller à l’Opéra. À moins que l’école n’offre la possibilité de venir aux concerts ou à l’opéra. C’est une idée que nous avons d’essayer de développer dans cette voie pour avoir des élèves ou des étudiants dans le public. Qu’ils puissent aussi, par exemple assister à des répétitions pour voir le process. Là, ils auront la possibilité de comprendre comment on construit un spectacle.
Quand on est artiste, avoir le public, aux répétitions ce n’est pas stressant?
Non, pas nécessairement. Ce doit être clair pour le public qui vient que c’est une répétition, que le maestro et les artistes travaillent, peuvent s’arrêter et répondre. Et sur scène, cela donne une adrénaline qui fait du bien.
Votre première saison a des reflets très personnels. Dans quelques jours, le public pourra venir écouter Andrea Chenier, un opéra dont le rôle-titre a été chanté en son temps par votre père. Cela met la pression à Jonas Kaufmann qui jouera le rôle?
(Elle rit) Mon père le faisait très bien mais Jonas a déjà chanté Andrea Chenier un peu partout dans le monde. Il a la voix idéale pour ce genre de répertoire, celle d’un ténor avec une voix corsée, presque dramatique. Et je suis heureuse car il n’a jamais chanté à Monaco!
"Travailler avec des artistes pop? pourquoi pas..."
Vous avez invité d’ailleurs plusieurs artistes qui ne se sont jamais produits en Principauté cette saison. Envisagez-vous davantage de spectacles dans celles à venir?
Mon envie est que la saison ne soit pas suspendue en décembre. Elle se déroulera en continu de novembre à fin mars. Quand j’ai vu qu’il n’y avait pas de spectacles généralement en décembre, j’étais étonnée car dans tous les théâtres d’Europe, c’est le mois où les gens aiment venir au spectacle. C’était un peu dommage d’interrompre la saison. Et j’ai envie de donner la possibilité aux gens de venir en week-end à Monaco et d’assister à un spectacle. D’autant qu’en décembre, le temps peut être bon. Ce n’est pas la même chose à Zurich ou à Vienne (rires).
La Salle Garnier est aussi un théâtre pour toutes les musiques. Envisagez-vous des passerelles entre l’opéra et le jazz ou le rock?
J’aimerais bien. Ce qui pourrait me rendre inquiète, c’est la salle. Lors des répétitions d’Alcina, un petit bout de corniche s’est décroché du plafond. La SBM a réparé tout ça. Mais je me pose la question: c’est une vieille salle qu’il faut soigner. Et peut-être faut-il considérer d’aller ailleurs pour préserver ce bijou de la musique amplifiée? Mais sur le principe, cela pourrait être une belle idée de créer une synergie avec des artistes pop, pourquoi pas!
À la manière d’un Pavarotti and friends où le ténor partageait la scène avec des stars de la chanson, pourrait-on imaginer un Bartoli and friends à Monaco?
Je n’irai peut-être pas aussi loin que Luciano qui avait chanté avec les Spice Girls (rires). Mais je suis ouverte à ces projets, pour autant qu’on y trouve un intérêt musical, pas marketing. Avec des artistes, qui sont aussi compositeurs, qui ont une présence sur scène, comme Lady Gaga par exemple. Je suis ouverte à cela.
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