Dans un monde sans Covid, Monaco devrait cette semaine célébrer les arts du cirque avec son traditionnel festival. Mais la situation sanitaire a eu raison, pour la deuxième année consécutive du Festival international du cirque de Monte-Carlo.
La 45e édition déprogrammée en 2021, ajournée en 2022 a été repoussée, finalement au mois de janvier 2023. Pour sa présidente et amoureuse de la discipline, c’est un coup dur. Dans son bureau au Palais princier, la passion de la princesse Stéphanie est sur tous les murs. Affiches, objets, photos, "c’est très cirque" confirme l’occupante des lieux, qui a accepté mardi matin d’évoquer cette édition du festival à nouveau reportée.
Pour patienter, elle a fait mettre en ligne sur le site du festival, un documentaire qui rappelle les plus beaux moments sur la piste aux étoiles monégasque. "C’est une façon de garder l’ambiance, de montrer ce que l’on sait fait faire et de rappeler de bons souvenirs"… Avant d’en créer de nouveaux, dans le futur.
Le 45e Festival international du cirque de Monte-Carlo devrait être à son acmé ces jours-ci. La pandémie en a décidé autrement. On vous imagine forcément déçue?
Oui évidemment, avec l’équipe, nous sommes tous très déçus. Cette décision d’annulation, nous avons dû la prendre au début du mois de décembre lorsque l’épidémie repartait fort. Le Festival c’est une grosse machine avec 250 personnes intervenant en permanence sous le chapiteau et des artistes venant du monde entier. Nous avions des problèmes pour faire arriver notamment les artistes Russes, qui étaient soumis à une quarantaine car ils transitaient par la France. Et comme leur vaccin n’est pas reconnu ici, il aurait fallu tester quotidiennement tout le monde…
C’était inenvisageable?
Les contraintes sanitaires étaient énormes. Sous un chapiteau, où l’on travaille ensemble toute la journée, nous sommes tous cas contact. Et en tant que présidente, j’avais cette responsabilité morale et éthique de devoir annuler les spectacles en cas de tests positifs. De plus, nous n’avions pas le droit d’accueillir les forains à l’extérieur du chapiteau, la fête n’aurait pas été la même avec toutes ces contraintes. La magie du cirque, c’est aussi toute cette ambiance autour qui en fait le plus beau festival au monde. Nous avons pris la seule décision qu’il y avait à prendre, guidés par la prudence. C’est triste, mais nous espérons que tout ira mieux l’an prochain. Je sais que beaucoup de gens sont déçus mais ils comprennent. D’ailleurs, ceux qui avaient déjà leurs places, nous leur proposons de reporter les billets en 2023, ou bien les rembourser ou encore de leur faire un avoir.
Avez-vous imaginé l’éventualité de proposer ce 45e Festival à un autre moment dans l’année?
Non, d’une part à cause du calendrier des manifestations à Monaco qui est dense. D’autre part pour la disponibilité des artistes. Au final, nous nous sommes dit que le Festival du cirque c’est en janvier et c’est comme ça. Il valait mieux être raisonnable, attendre encore un an et nous ferons les choses en grand l’année prochaine.
Deux années consécutives d’annulation ne risquent-t-elle pas d’impacter économiquement le Festival et de mettre en cause sa pérennité?
Même si la location du chapiteau, pour diverses manifestations, assure aussi des revenus, chaque année, nous organisons le festival d’après les revenus du précédent. Sans édition en 2021, nous n’aurions pas eu les moyens d’assurer le festival 2022. Heureusement, nous avions pu bénéficier des aides financières du gouvernement princier déployées face au Covid pour assurer cette édition, qui sera celle de 2023 finalement. En plus cette année, la contrainte des jauges se serait ajoutée. Je dois dire que pour les artistes ou pour les images filmées, un chapiteau à moitié plein, ce n’est pas génial. Et pour notre entreprise, il aurait été impossible de rentrer dans nos frais en demi-jauge.
On vous sait proche du monde circassien, comment se portent les grandes familles de cirque en Europe, empêchées de travailler par la pandémie mais aussi par plusieurs interdictions de produire des numéros avec des animaux?
Il y a une grande souffrance dans toutes les familles de cirque, qui ne savent pas quel sera leur avenir. Le confinement a été très difficile, notamment pour les petits cirques en France et Italie qui n’ont pas de base arrière et qui ont du trouver des endroits où entreposer leur matériel. Et alors que le monde du cirque a un genou à terre, arrivent ces lois interdisant les numéros d’animaux. Sur ce dossier, je regrette qu’on ne parle que du bien-être animal et pas du bien-être des personnes qui ont dédié leur vie au cirque. Le cirque avec des animaux doit continuer, car il fait partie de notre patrimoine. J’ai toujours été la première à le dire et à condamner ceux qui s’occupent mal de leurs animaux. Ce qui m’agace aussi, c’est que les arts du cirque ne soient pas considérés comme de la culture en France. Il faut les aider plutôt que de tirer sur une ambulance. D’autant que les rares cirques qui ont pu reprendre, remplissent leurs chapiteaux. C’est bien que le public apprécie ce spectacle.
Seul événement lié au festival, la Fight Aids Cup est maintenue lundi 24 janvier, pour jouer ce match de football opposant l’équipe du souverain à celle des artistes de cirque. L’esprit cirque sera présent au cours de la manifestation?
Il y aura, au bord du terrain, nos éternels Clowns en folie pour mettre l’ambiance. Mais il était trop difficile de faire venir des artistes, seuls quelques Italiens seront présents. Ce qui permettra de garder un peu l’esprit du festival.
C’est votre fils, Louis Ducruet, qui est aux commandes de ce match, qui sera joué au profit de votre association, Fight Aids Monaco…
Louis s’est donné beaucoup de mal pour organiser cette Fight Aids Cup. Et j’espère que l’événement sera pérennisé. Et il permet aussi de mettre en lumière la cause de Fight Aids Monaco. Déjà que l’on parlait peu du Sida avant la pandémie, on en parle plus du tout. Mais il ne faut pas oublier toutes ces personnes qui ont besoin de Fight Aids au quotidien. D’associer cela au Festival, l’idée vient de mon fils. Et c’est un bel hommage à sa maman, je trouve, que de s’investir pour mes deux passions.
Vous aviez émis le souhait il y a quelques années de créer une école de cirque en Principauté. Est-ce un projet toujours d’actualité?
C’est toujours dans un coin de ma tête, oui. J’avais aussi envisagé de proposer des masterclass à d’autres écoles en proposant des échanges avec de grands artistes de cirque, maîtres dans leur discipline. Le problème est toujours le même à Monaco: nous manquons de place. Installer une école au chapiteau par exemple, impliquerait de la déménager à chaque fois qu’il s’y déroule un événement. Monte Carlo Festivals, qui gère le chapiteau, ne peut pas vivre qu’avec une école du cirque. Et personnellement, cela me plaît aussi de voir que le chapiteau qu’a conçu mon père soit polyvalent. On y organise des combats médiévaux, des concerts, du padel, du karting, des foires, des événements sportifs, des expositions. On peut tout y faire…
Ces derniers mois, il a même envisagé d’y installer la Roca Team de basket pour sa saison…
Cela me paraissait compliqué car le chapiteau abrite déjà énormément de manifestations tout au long de l’année. Et que faire des mâts au milieu? Il aurait fallu complètement le modifier, voire le démonter. Et ça, moi vivante, ça n’arrivera pas. Je préserverai ce que le prince Rainier a construit et a voulu.
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