Découvrez l'histoire extraordinaire et tortueuse du très rare papyrus égyptien vendu 1.350.000€ aux enchères à Monaco
Un très rare papyrus égyptien d'une longueur de 17 mètres a été adjugé samedi après-midi à Monaco lors d'une vente aux enchères pour la somme hors commission de 1.350.000 euros.
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Thomas Michel et AFPPublié le 14/10/2018 à 08:47, mis à jour le 14/10/2018 à 09:49
Minutieusement, Bianca Massard déroule les 17 m de papyrus, dont seul le début est lacunaire. «L’actuel propriétaire est un passionné d’égyptologie qui le gardait précieusement, comme un trésor.» Photo Jean-François Ottonello
Le papyrus égyptien daté entre 594 et 588 avant J-C. et se présentant comme une version du Livre des Morts a été vendu aux enchères de Monte-Carlo pour la somme d’1,35 million d’euros.
Un très rare papyrus égyptien d’une longueur de 17 mètres a été adjugé samedi après-midi à Monaco lors d’une vente aux enchères pour la somme hors commission de 1 350 000 €, a indiqué une représentante de l’Hôtel des Ventes de Monte-Carlo.
Cette pièce, proposée par un couple de retraités vivant dans le Sud de la France, était estimée entre 1,8 et 2 millions d’euros, mais avec un prix de réserve bien inférieur à celui auquel il a finalement été adjugé à un collectionneur privé qui a fait son offre par téléphone.
Vieux de 2.500 ans
Ce papyrus, un peu abîmé dans sa première partie mais globalement dans un état de conservation remarquable, est une version du Livre des Morts.
Il est constitué de quelque 192 chapitres et de nombreuses vignettes dessinées et peintes en rouge et noir illustrant des scènes comme le jugement du mort par Osiris ou celle de l’au-delà dans les champs de roseaux
Ce document a été daté de la période saïte, sous le règne de Psammétique II, soit environ 594-588 avant J-C.Au total, cette vente monégasque consacrée à l’archéologie égyptienne, qui proposait, outre ce papyrus, deux cents autres lots, a avoisiné la somme de 1,6 million d’euros.
Présenté aux enchères, ce samedi à l'Hôtel des Ventes de Monte-Carlo, le texte funéraire a valeur de pièce muséale. En parfait état de conservation, ce Photo J.-F.O.
Énigmes des pyramides. Poésie des hiéroglyphes. Adoration des pharaons. Mystère des momies endormies. Beauté immaculée d’exhumés sarcophages. Va-et-vient des roseaux sur les rives du Nil. Crocodiles sacrés et sphinx érigé en monument. Kheops, seule des sept Merveilles du monde debout… Entre expérience mystique et plaisir des yeux, l’Égypte évoque une passion ancestrale.
Pour preuve, les 80.000 visiteurs recensés, cet été au Grimaldi Forum, lors de l’exposition L’Or des Pharaons, 2.500 ans d’orfèvrerie dans l’Égypte ancienne. Un succès populaire prolongé, à moindre échelle et "en toute humilité", samedi prochain à l’Hôtel des ventes de Monte-Carlo (HVMC).
Sobrement intitulé "Archéologie égyptienne & Egyptomania", un catalogue de 200 lots passera sous le marteau de Franck Baille, quai Antoine-Ier.Des reliques du «Don du Nil» dont la vente avait dû être déprogrammée au début de l’été pour échapper au scandale diplomatique.
Des formules magiques
Mains gantées plongées dans une vitrine, Bianca Massard, experte en Antiquité classique, manipule avec une infinie précaution le lot phare de cette vacation: un Livre des morts au nom du défunt Hor-Wedja.
Un texte funéraire de 200 chapitres, parsemé de vignettes, s’étalant sur 17 mètres de papyrus! Valeur estimée: entre 1,8 et 2 millions d’euros.
"Ce livre raconte une histoire, celle du défunt dans l’au-delà. Une fois embaumé, il est prêt à entamer son passage dans l’autre monde et, pour l’aider à passer les différentes étapes de cet univers, le Livre des morts comprend des formules magiques, des prières", résume l’experte, comparant les paliers de ce rite funéraire à l’avancement d’un jeu vidéo.
Parmi les passages clés, "la pesée des âmes", en l’occurrence "pesée du cœur". Une étape commune à plusieurs religions monothéistes d’Occident, toutes inspirées de la religion égyptienne.
Au début de ce rouleau, aussi, le passage de "la barque solaire avec les Dieux", où le parcours du défunt épouse la révolution du soleil.
"La religion égyptienne est très reliée à la cosmologie et à la cosmogonie, étaye Bianca Massard. Les astres revêtent une symbolique des différents états à subir par le défunt sur son parcours."
"Le premier nom du défunt a été usurpé"
Plus condensés et réservés aux pharaons ou à leur entourage, les premiers Livres des morts émergent durant l’Ancien Empire, autour de 2600-2500 ans avant Jésus Christ.
"Dans les dynasties postérieures, notamment à la fin du Nouvel Empire – et surtout à la Basse Époque –, leur usage se démocratise aux gens qui ont les moyens de les mettre dans leur tombe."
Travail d’orfèvre et œuvre combinée de scriptes et copistes, chaque papyrus forme aujourd’hui une véritable Pierre de Rosette de son époque. À commencer par l’exemplaire mis en vente chez HVMC.
"Ce papyrus date du VIe siècle avant J.C., en pleine recension saïte. La période des dernières dynasties de l’Égypte antique, qui voit beaucoup de changements dans la politique, la société et l’organisation des tombes et de leur contenu."
Plus surprenant – et instructif –, le livre intègre des chapitres additionnels, preuve d’un réemploi!
"Ce livre a appartenu à deux propriétaires.Le premier nom du défunt a été usurpé, c’est-à-dire effacé pour pouvoir écrire le nom du second défunt. On a pu retrouver une mention du premier propriétaire, certainement un oubli du deuxième copiste. On ne peut pas savoir s’il y avait une filiation entre les deux, mais ils sont contemporains", affirme Bianca Massard, sur les bases d’une traduction intégrale réalisée par le Pr François Herbin, chercheur au CNRS, spécialiste des textes médico-religieux et magico-religieux.
"Une pièce inédite"
Pourquoi cette usurpation? Faute d’argent, quelqu’un aurait volé le Livre dans une tombe ou dans un atelier avant de se l’approprier. Ou alors, faute de temps, se sachant par exemple mourant et connaissant la longueur d’un tel ouvrage, aurait acquis cet exemplaire par opportunité. Une pointe de mystère pour un lot à la traçabilité avérée.
Accompagné d’un permis d’exportation en date de 1952, d’Égypte vers la France, le papyrus avait été acquis auprès de la galerie Khawan. Des marchands influents et agrémentés comme antiquaires en Égypte. "Ce qui apporte une valeur à l’objet", confie Bianca Massard.
"C’est une pièce inédite, un trésor. On n’est pas dans l’objet, on est dans un récit qui révèle la pensée des anciens Egyptiens. Leur rapport avec la mort et les Dieux et ce besoin qu’ils avaient de tout retranscrire. L’écriture et le dessin sont magiques chez les Égyptiens. Si vous voulez que ça se produise, il faut que ça soit représenté."
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