Comment s'émanciper par l'esprit d'entreprise

Pour les vingt ans de Var.Up, le HubEco du Groupe Nice-Matin a réuni des chefs d’entreprise varois sur le thème de l’intrapreneuriat.

Bruno Quivy Publié le 23/09/2022 à 19:07, mis à jour le 30/03/2023 à 16:32
"Une culture d’entreprise, ça ne se décrète pas, ça s’entretient!", estime l'économiste-journaliste-entrepreneur Pascal Perri qui a parlé intrapreneuriat lors du HubEco Var-Matin. (Photos Franz Chavaroche)

Avec une question: "Entre employés et employeurs, comment trouver un espace commun pour le bien de tous?" Et qui pouvait mieux y répondre qu’un expert reconnu, en l’occurrence Pascal Perri, plume des Échos et contributeur de la matinale de LCI.

Journaliste passé par le monde de l’entreprise, Pascal Perri n’a pas sa langue dans sa poche et son intervention lors de ce HubEco varois a fait mouche auprès des acteurs du monde de l’entreprise présents lors de cette table ronde animée par Karine Wenger, chef du service Économie du Groupe Nice-Matin.
S’il a au préalable réaffirmé quelques grandes lignes sur les questions d’environnement et de croissance, tirées de son dernier ouvrage Le Péril vert, Pascal Perri s’est vite plongé dans la peau du chef d’entreprise qu’il a été pendant un demi-siècle.

"J’ai pu mesurer sur le terrain les difficultés d’entreprendre. En France, nous avons la liberté d’entreprendre, mais c’est une liberté surveillée. L’État a un regard teinté de suspicion sur les entreprises. Il est dans une fonction de surveillance symbolisée par le principe de précaution que l’on a inscrit dans la constitution."

Entreprendre, une aventure

Selon Pascal Perri, la surprotection des citoyens et des consommateurs est un obstacle à la création d’entreprises. Il appelle ainsi de ses vœux une réforme de l’État, pour qu’il soit plus souple, plus flexible.

"Un État qui garde ses distances est beaucoup plus efficace qu’un état omniprésent", stigmatisant notamment la reprise d’EDF par l’État, qui reprend la main alors que le marché européen de l’énergie est totalement ouvert. "Ça ne marchera pas", précise-t-il, liant cela, une nouvelle fois, à cette liberté d’entreprendre si difficile à conserver en France.
"C’est dommage, car beaucoup de jeunes aujourd’hui veulent être leur propre patron, ont envie de créer, c’est la dernière aventure du XXIe siècle", ajoute Pascal Perri, qui relève toutefois cette démarche des diplômés des grandes écoles ne voulant pas s’engager dans des entreprises prédatrices pour l’environnement.

"Nous sommes le pays des 450.000 normes, 300.000 décrets
et 85 codes… C’est un frein à la liberté d’entreprendre."

Ce qui fait lien avec la thématique de l’intrapreneuriat et de cet espace commun à trouver. En préambule, Pascal Perri reste convaincu que le salarié a besoin d’un cadre et d’un contrat de travail strict.

Une fois posé ce postulat, il faut parvenir à intéresser le salarié au rôle qu’il occupe dans son entreprise. Pas facile quand la mode du Quiet Quitting prend le dessus!

"J’appelle ça les tire-au-flanc, sourit le journaliste-entrepreneur. C’est un phénomène qui a toujours existé. Mais cela veut dire qu’il faut vraiment, en tant que chef d’entreprise, nouer un dialogue avec ses salariés, développer la formation continue, reconnaître les compétences et motiver les salariés."

Tout en sachant, selon Pascal Perri, qu’une culture d’entreprise, "ça ne se décrète pas, ça s’entretient!"
Dialogue, formation… et revenus seraient les trois clés d’un espace commun entre patrons et salariés. Mieux rémunérer les talents, tout le monde adhère!

Lexique

> Quiet Quitting
Faire le strict minimum au travail soit ce qu’il y a inscrit sur votre fiche de poste et rien de plus. Aussi appelé la démission silencieuse.

> Intrapreneuriat
Un ensemble de méthodes et processus par lesquels une personne vient à entreprendre au sein même de son entreprise. Aussi appelé entrepreneuriat interne.

"Le sens du risque"

"La liberté d’entreprendre est au cœur des programmes qu’on doit développer aujourd’hui, y compris dans les PME comme la nôtre, explique Jean-Marc Pouly, directeur d’Emoa Mutuelle du Var. L’esprit d’entreprise a toujours existé chez nous. Emoa, c’est une aventure d’entrepreneurs qui ont voulu se rassembler. Créer des rapprochements avec l’ensemble des salariés pour porter un projet d’entreprise, qui s’articule ainsi: développer l’esprit d’initiative des collaborateurs et relever les challenges. Le management doit évoluer. Il doit donner plus du sens que des consignes. On doit redonner aux gens le sens du risque: testez, lancez-vous, soyez pro actifs. Les startups se sont plantées des dizaines de fois avant de réussir. L’intelligence collective, c’est redonner à chacun l’envie de faire un peu mieux chaque jour."

Jean-Marc Pouly, Emoa Mutuelle du Var. (Photo Franz Chavaroche).

"L'impact sur l'économie locale"

"Il y a quelques années encore, la Banque Populaire Méditerranée (BPMed) était une petite banque et il était facile de garder l’esprit du maillot, rappelle Frédéric Gréco. Tous les collaborateurs se sentaient impliqués, c’était presque automatique. À force de regroupements et de rachats, la banque a grandi et fait désormais partie du Groupe BPCE. Pour conserver l’intérêt du métier des salariés et encore plus avec la nouvelle génération, il faut donner du sens à leur action qui est d’aider les entrepreneurs. Nous leur expliquons à quoi sert chaque euro qui est prêté, quel projet est financé et l’impact sur le département et la région. C’est en leur faisant visualiser tout cela que nos collaborateurs comprennent pourquoi ils travaillent et ce qui donne du sens à leur métier. Ce n’est pas spécialement pour faire gagner de l’argent à la banque mais pour faire vivre l‘économie locale."

Frédéric Gréco, Banque Populaire Méditerranée. (Photo Franz Chavaroche).

"Des salariés engagés"

"La Poste est plutôt partie d’une réflexion sur la notion d’engagement: comment garder des salariés engagés? Nous avons 250.000 personnes avec des salariés venus sur des nouveaux contrats et des fonctionnaires, détaille Ugo Cézanne. Nous avons sécurisé des processus au niveau des RH, on est allé dans les notions d’open animation, on s’est tourné vers les startups sur des sujets éloignés de nos métiers de base. Parmi nos collaborateurs, certains avaient cet état esprit; d’autres étaient plus éloignés et sont partis.

On est à la deuxième vague des projets d’intrapreneuriat, on autorise des créateurs d’entreprise à rester dans le groupe pendant trois ans: ils peuvent créer leur entreprise avec un programme d’accompagnement qui donne envie aux autres salariés."

Ugo Cézanne, Groupe La Poste. (Photo Franz Chavaroche).

"Stimulation et accompagnement"

"L’innovation, c’est un concept d’essaimage qui a changé, expose Laurent Londeix, délégué régional Orange Grand Sud-Est. Avant, on laissait partir nos salariés, on a changé de philosophie, avec une stimulation de l’intrapreneuriat. On les accompagne, on sélectionne les idées, on laisse à la personne la possibilité de monter son entreprise en interne en s’appuyant sur les ressources internes du groupe. Les projets sont incubés en interne pour que ça puisse devenir de l’innovation venue de chez nous!"

Laurent Londeix, Orange Grand Sud-Est. (Photo Franz Chavaroche).

"Booster l'intrapreneuriat chez les collaborateurs"

"La notion d’engagement est fondamentale, pour Nathalie Alexandre, directrice territoriale Enedis Var. C’est garder cette capacité de se remettre en question, d’avancer et d’innover. Il faut booster l’innovation, grâce à un esprit d’entreprise, à l’intrapreneuriat. L’idée, c’est que les salariés se mettent dans le corps d’un entrepreneur pour trouver des solutions qui répondent à leurs besoins. Nous le faisons chez Enedis. Les salariés vont proposer des projets qui sont soumis aux autres salariés. Ceux-là vont voter, puis dix d’entre eux seront sélectionnés, pour passer de l’idée au projet voire même à l’industrialisation. On va les accompagner pendant trois jours, avec des spécialistes. Puis, un nouveau vote a lieu, et le projet lauréat est alors accompagné, ça devient une vraie innovation au sein de l’entreprise, alors que l’on aurait pu l’externaliser. C’est ça, la force du salariat."

Nathalie Alexandre, Enedis Var. (Photo Franz Chavaroche).

"S'inspirer des autres dirigeants"

"Aide juridique et sociale, de nombreuses formations, des réductions sur la billetterie et les loisirs avec la Carte Odyssée... L’Union Patronale du Var propose une large palette de services, expertises et assistance sur mesure à la fois pour accompagner les dirigeants dans leur management mais aussi à destination de leurs employés", explique Véronique Maurel, sa présidente. L’objectif étant que les collaborateurs soient dans les meilleures conditions possibles pour travailler et aient envie d’entreprendre en interne.

Mais il y a aussi la force du réseau qu’est l’UPV. "C’est en fréquentant d’autres dirigeants et en s’inspirant des initiatives qu’ils ont mises en place dans leur organisation. C’est comme cela que je fais dans mon entreprise [Ixarys à Lorgues, ndlr]", confie-t-elle.

Véronique Maurel, Union Patronale du Var. (Photo K.W.).

Délégation et flexibilité

"L’intrapreneuriat, c’est un état d’esprit, c’est une aventure humaine, dixit David Garavagno, président de la Fnaim Var. Nous travaillons beaucoup sur la délégation, la flexibilité. L’émancipation du salarié se fait par une délégation des tâches, par une flexibilité et un nouveau mode de management. Le salarié est aussi une partie de l’entreprise. C’est du win-win car quand le salarié gagne, l’entreprise gagne. Nous avons dans notre secteur beaucoup d’indépendants, mais c’est une indépendance limitée: ils ont leur propre fonctionnement mas font partie de notre communauté, par sécurité. C’est un vrai changement de paradigme dans l’entreprise."

David Garavagno, FNAIM Var. (Photo Franz Chavaroche).

"Aider à détecter des pépites"

"À Bpifrance, notre action est bien évidemment davantage tournée vers l’extérieur de par notre raison d’être, analyse Michel Tringali. Cette dernière est d’accompagner la création, le développement de l’entreprise et l’innovation à travers nos différentes procédures. Mais cela nous permet aussi d’aider les chefs d’entreprise à détecter des pépites au sein de leur structure. On développe des dispositifs d’accompagnement qui amènent des conseils de professionnels à différentes problématiques que peut rencontrer le dirigeant au cours de son développement."

Michel Tringali, Bpifrance. (Photo Franz Chavaroche).

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