"C’est une cuisine compliquée dans sa simplicité": le chef Christophe Cussac à la tête du nouveau restaurant gastronomique de l'hôtel Métropole

Le chef cuisiner de l’hôtel Métropole Monte-Carlo s’apprête à ouvrir le nouveau restaurant gastronomique du palace, pour lequel il plaide une certaine simplicité portée à l’excellence.

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Cédric VERANY Publié le 15/06/2023 à 10:32, mis à jour le 15/06/2023 à 10:49
Tout l’espace cuisine du palace a été repensé pour créer un nouvel outil de 600 mètres carrés avec le chef Cussac pour capitaine, comme depuis 2004. Photo Jean-François Ottonello

Il privilégie toujours la veste de cuisinier noire, sobre et impeccable. Brodée de son nom à la poitrine. Comme son mentor, Christophe Cussac n’a pas changé de style. Pourtant le chef cuisinier de l’hôtel Métropole Monte-Carlo vit une petite révolution. Seul à la barre pour la première fois, du restaurant gastronomique du palace amené à ouvrir au public le 22 juin prochain, et qui, pour la première fois portera son nom: Les Ambassadeurs by Christophe Cussac.

À la disparition en 2018 de Joël Robuchon, qui a placé le Métropole dans la galaxie de la haute gastronomie pendant quinze ans, décision avait été prise par la direction d’écrire une nouvelle partition. En gardant le même chef d’orchestre. En l’occurrence Christophe Cussac, artisan de la cuisine Robuchon en Principauté, dont il fut l’un des plus proches collaborateurs.

Cette fois, il a imaginé seul cette nouvelle aventure dans une salle de restaurant repensée pour soixante couverts et ouverte sur une terrasse. "Nous sommes en pleine effervescence créative", décrit-il en jouant les guides pour faire découvrir son nouvel espace de jeu entièrement rénové. Le projet a maturé deux années. Avec en chemin des travaux plus long que prévus, les affres de la pandémie…

Aujourd’hui le palace se targue de disposer de "la plus belle cuisine de la Principauté" où s’activent au plus fort de la saison, 80 personnes quotidiennement. Les 600 mètres carrés sur deux niveaux sont répartis entre un espace de production, une boulangerie, une chocolaterie, une pâtisserie pour tout préparer à domicile. Et une brigade de dix cuisiniers pour le restaurant gastronomique.

Qu’on peut voir travailler depuis la salle, ou depuis un bar placé au milieu de l’effervescence des fourneaux où le chef peut asseoir ses convives privilégiés. Car il l’assure: "la cuisine est faite pour être visitée" dans ce nouvel espace où le noir, comme sur sa veste, domine. Interview.

Votre restaurant porte cette volonté de proposer à la carte de la "grande cuisine simple", quelle définition en faites vous?

C’est une cuisine compliquée dans sa simplicité. J’ai trouvé la formule jolie [rires]. Je dirais, pour résumer, que c’est une cuisine difficile à préparer mais sobre une fois servie. Il est plus facile d’ajouter des ingrédients que d’en retirer. Ma base est de privilégier trois goûts et pas trop de mélanges. C’est cette harmonie entre les ingrédients qui fait la grande cuisine et sa simplicité. Une cuisine qui va paraître simple, où l’on met le produit en valeur, mais qui comporte une multiplication de détails.

C’est ce qui définit aujourd’hui la haute gastronomie, le nouveau luxe: la simplicité?

Tout à fait. La simplicité ça ne veut pas dire un bout de poisson et une sauce à côté dans l’assiette. La simplicité, c’est marier les éléments pour qu’à la première bouchée, le client se rende compte que le cuisinier a fait ses accords. Et ma cuisine est inspirée de mon propre héritage culinaire.

Comment avez-vous construit votre carte pour ce nouveau restaurant gastronomique?

Comme je le répète souvent: il faut faire ce que l’on sait faire. J’ai une formation qui me permet de m’adapter à une cuisine contemporaine, avec de solides bases. La cuisine, je l’ai apprise avec Monsieur Robuchon. Puis j’ai développé la mienne pendant quelques années en Bourgogne et à La Réserve à Beaulieu, avant de m’associer à la nouvelle conception de la gastronomie de Joël Robuchon et de construire avec lui cette carte pour Monaco que nous avons proposée pendant vingt ans. Par respect pour lui, dans ce nouveau projet, je ne reprends pas ses plats phares. Je suis reparti sur une cuisine qui m’est totalement personnelle, des recettes que j’ai réactualisées comme celle de la sardine, qui est ma signature. Et puis de nouveaux plats dans une carte méditerranéenne qui me ressemble, dont je suis fier. Et j’ai cette chance d’avoir pu garder mon équipe : le pâtissier Patrick Mesiano, mes fidèles Romain et Sonny… Cela donne de la solidité au projet. Ce sont des personnes sérieuses en qui j’ai toute confiance, pour mener ce projet. En cuisine, d’un regard on se comprend.

"Les Ambassadeurs" était le nom historique du restaurant de l’hôtel dans les années 20. Cette histoire et la gastronomie de l’époque vous ont-elles inspiré?

Nous conservons dans la maison, une sorte de grimoire, avec tous les menus de l’époque. Qui étaient étonnamment simples… à l’exception que chaque menu contenait du caviar. Donc j’en ai mis à la carte.

Vous avez aussi, souhaité conserver le principe d’une cuisine ouverte…

Elle est même doublement ouverte dans ce nouveau restaurant! C’est Monsieur Robuchon qui avait lancé cette idée il y a vingt ans. Au début, il a fallu s’adapter d’être au contact de la clientèle. Maintenant je ne retournerais plus dans une cuisine fermée ! Le moment que l’on veut faire vivre au client, ce moment de bonheur nous revient, on le partage. On a la récompense immédiate du travail accompli. Il faut avoir une qualité de travail exemplaire, par contre, car on sait que nous sommes observés. D’autant plus ces dernières années où le goût pour la cuisine a pris un intérêt grandissant.

C’est la première fois dans votre carrière, que votre nom est sur la devanture du restaurant. Cela vous procure quels sentiments?

Une fierté, bien sûr. Je suis fier de cette reconnaissance, que les propriétaires de l’hôtel m’ont accordée et de la confiance qu’il me donne. C’est peut-être ça la plus grosse pression. On nous donne un outil magnifique, avec de beaux moyens. À nous de l’exploiter, d’en tirer le meilleur. C’est une grande motivation, qui permet de toujours rester émerveillé, sans être blasé. Et je sais que mes parents, que Monsieur Robuchon me regardent. Mais je reste le même, avec mon nom sur la devanture ou pas.

Depuis deux ans, une kyrielle de nouveaux établissements ont ouvert en Principauté, quel regard portez-vous sur la scène culinaire locale?

Je regarde ce qui se fait. Beaucoup de restaurants à thème ont ouvert, avec une forte personnalité. Et je pense que nous avons largement notre place, avec un grand choix de plats, pour fidéliser la clientèle, qui peut revenir plusieurs fois dans la semaine.

Le restaurant du Métropole a eu pendant 32 ans, deux étoiles au guide Michelin. Visez-vous de les récupérer?

Bien sûr! Mais tout en gardant mon cap et mon style. Est-ce qu’il correspond aux critères du Michelin ? J’espère que oui. Mais ce que je veux d’abord, ce sont des clients heureux et une salle pleine!

L’héritage de Joël Robuchon

Difficile dans une conversation avec Christophe Cussac, de ne pas évoquer Joël Robuchon. En tandem, dès 2004, les deux cuisiniers ont écrit une page de la gastronomie monégasque à l’hôtel Métropole.

À Joël Robuchon, star du milieu, chef le plus étoilé au monde, le rôle de tête de gondole de cette table doublement étoilée dont il impulsait les plats et l’atmosphère. À Christophe Cussac, celui de la régularité quotidienne afin de proposer une cuisine impeccable pour une clientèle locale et internationale venant "chez Robuchon" mais appréciant l’exécution proposée par le chef Cussac.

"J’ai fait ce choix à un moment de ma carrière de quitter le devant de la scène, pour accompagner Monsieur Robuchon. Je savais qu’il avait une nouvelle vision de la cuisine, une vision dont maintenant tout le monde profite. Je n’aurais pas fait ce choix, je ne serais pas là. Je tournerais en rond avec ma cuisine des années 90, je n’aurais pas eu cette opportunité et tous ces challenges", plaide le Bourguignon qui évoque toujours avec émotion et respect son mentor.

Salué comme un monument de la gastronomie française à sa disparition en 2018, Joël Robuchon aura laissé une empreinte significative dans cette industrie tant sur la forme, en cassant les codes d’une salle de restaurant, que sur le fond en développant sur la fin de sa vie, une cuisine bien-être, moins impactante pour la santé.

"Il aimait dire: on ne va plus au restaurant comme on va à la messe", se souvient Christophe Cussac, "et il a amené à notre profession une convivialité, un retour au produit, une simplicité aussi. À Monaco, il a créé une ambiance nouvelle, en faisant tomber la règle de la veste et la cravate obligatoires pour venir dîner. Et c’est lui aussi, qui a eu l’idée au Métropole de casser les murs, pour ouvrir la cuisine sur la salle".

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