Pékin joue la neutralité, n'ayant ni condamné, ni soutenu explicitement l'offensive russe. Si la Chine insiste sur le respect du principe de l'intégrité territoriale de l'Ukraine, elle a aussi apporté un réel appui diplomatique à Moscou depuis le début de son invasion en février 2022.
En l'absence de tout levier d'influence, les Ukrainiens espèrent que la pression de leurs alliés occidentaux sur le pouvoir chinois aidera à préserver ce fragile équilibre.
"Les attentes de l'Ukraine sont au niveau minimum: que cela ne se détériore pas", estime auprès de l'AFP Serguiï Solodky, directeur-adjoint du centre d'analyse ukrainien New Europe.
Le sujet est si sensible que les autorités ukrainiennes ne souhaitent pas commenter publiquement ce voyage, prévu de lundi à mercredi, et lors duquel Vladimir Poutine et Xi Jinping doivent se voir à deux reprises au moins.
"L'Ukraine va suivre de près cette visite", s'est borné à déclarer à l'AFP un haut responsable ukrainien s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.
"Pour nous il est d'une importance critique que la Chine maintienne sa politique du respect inébranlable de l'intégrité territoriale des autres pays", a-t-il ajouté, Moscou ayant revendiqué l'annexion de cinq régions ukrainiennes.
En parallèle, les Etats-Unis ont accusé en février Pékin d'envisager de livrer des armes à la Russie, dont l'invasion s'est muée en bourbier.
"Nous sommes convaincus du fait que les dirigeants chinois envisagent de fournir du matériel létal" à la Russie, avait déclaré le directeur de la CIA William Burns à la télévision CBS.
Selon des informations de presse, il s'agirait notamment de munitions et de drones.
Jusqu'à présent, seul l'Iran a fourni des drones de combat à Moscou, qui les utilise notamment pour attaquer des infrastructures énergétiques ukrainiennes.
Washington estime que Pékin livre déjà du matériel non létal à la Russie.
"S'ils commencent à fournir des armes, ce sera un sérieux problème pour nous", a admis début mars un autre haut responsable ukrainien sous le couvert de l'anonymat.
Communiquer avec Pékin
Le secrétaire du Conseil de sécurité ukrainien Oleksiï Danilov a lui minimisé la possibilité de telles livraisons. "La Chine (...) ne sera pas complice de la Russie", a-t-il estimé dans une interview publiée vendredi.
L'analyste ukrainien Iouriï Poïta, actuellement chercheur invité à l'Institut de recherche sur la défense et la sécurité nationales basé à Taipei, juge aussi cette éventualité peu probable à ce stade.
"Nous n'attendons pas de livraisons de chars, d'aviation ou de systèmes de lance-roquette multiples chinois à court terme", a-t-il déclaré à l'AFP.
La Chine essaye en effet pour le moment de se poser en possible médiateur. Fin février, Pékin a publié un document en 12 points appelant notamment Moscou et Kiev à tenir des pourparlers.
Mais, contrairement à ce que réclame l'Ukraine et les Occidentaux, elle n'évoque pas de retrait des troupes russes du territoire ukrainien, proposant en revanche de mettre fin aux sanctions "unilatérales" contre la Russie.
Le document a été rejeté par les Occidentaux, mais le président ukrainien Volodymyr Zelensky, soucieux de ne pas irriter Pékin, a jugé "nécessaire" de "travailler" avec ce pays.
Malgré des échanges épisodiques entre les chefs de la diplomatie ukrainienne et chinoise, M. Zelensky ne s'est pas entretenu avec Xi Jinping depuis le début de l'invasion russe, chose qu'il a pourtant publiquement souhaité.
"Zelensky tentait de communiquer avec Xi depuis août", mais "la Chine ne décroche pas", relève M. Poïta.
Selon des médias américains, une telle conversation pourrait avoir lieu après la visite du président chinois à Moscou, mais "aucune percée n'aura lieu", prédit l'expert.
Tant sur le plan économique que géopolitique, "la Russie est très importante pour la Chine, beaucoup plus importante que l'Ukraine" que Pékin considère comme "zone d'influence russe, comme une zone grise" entre l'Ouest et l'Est, relève-t-il.
Et Kiev n'a "jamais vraiment développé de politique envers la Chine" et n'a pas d'ambassadeur à Pékin depuis deux ans, renchérit M. Solodky pour lequel "ce n'est pas la peine d'espérer que tout d'un coup la Chine nous entende".
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