Le pianiste apparaît sur scène avec un bonnet et une couverture à Monaco... et livre un concert extravagant

Les récitals de cet artiste hors norme sont généralement sujets à controverse. Celui de dimanche à l’Auditorium n’a pas échappé à la règle

André PEYREGNE Publié le 10/12/2019 à 11:55, mis à jour le 10/12/2019 à 08:55
Ivo Pogorelich ne laisse pas son auditoire indifférent ! (DR)

Les spectateurs qui entraient dans la salle, dimanche soir, ont assisté à un spectacle étonnant. Tandis qu’ils prenaient place dans l’Auditorium, ils apercevaient sur scène un personnage étrange qui répétait au piano, coiffé d’un bonnet de laine, vêtu d’un pull et d’un pantalon de velours, les hanches entourées d’une couverture. Quel S.D.F. s’était égaré sur la scène monégasque ? Ivo Pogorelich en personne - l’un des pianistes les plus célèbres au monde !

Une moitié
du public se leva,
l’autre resta assise

Artiste angoissé, il voulait répéter jusqu’à la dernière minute, et avait essayé de se dissimuler sous ce déguisement. Des hommes en noir l’invitèrent à quitter la scène.

Quelques instants plus tard, on vit arriver sous les projecteurs un Pogorelich métamorphosé, tiré à quatre épingles, frac impeccable, parfaite élégance - à part qu’il avançait d’une démarche traînante, tenant ses partitions à la main.

Quoi, il allait jouer avec des partitions des œuvres qu’il connaît par cœur depuis des décennies ? En effet ! Ayant recours, à ses côtés, à une tourneuse de pages dont la présence le rassurait, il se lança dans un récital dans lequel il laissa libre cours à ses tourments.

On en voyait de toutes les couleurs!

Son Bach fut génial - d’une clarté, d’une rigueur, d’une majesté prodigieuses. Mais lorsqu’il aborda Beethoven et Chopin, il ralentit les tempos, tordit les phrasés, raidit les accents, endeuilla les mélodies. On ne reconnaissait plus les œuvres. La Barcarolle de Chopin devint marche funèbre. On en voyait de toutes les douleurs ! Sa sinistrose culmina dans le "Gibet", deuxième pièce du "Gaspard de la nuit" de Ravel, où sont évoqués les pendus attachés à leurs cordes. Là, il était à son affaire !

Puis, soudain, déchaînant une de ces tempêtes qui suivent le calme, il déploya dans le final de Ravel une virtuosité époustouflante qui faillit faire exploser son piano et fit vibrer la salle entière.

Une moitié du public se leva pour acclamer, l’autre resta assise, ahurie. Cet artiste est fascinant et angoissant.

Lui salua humblement, le regard perdu dans un autre monde, tenant ses partitions à la main comme un bon élève qui vient d’achever son audition.

Il disparut sans jouer de bis comme si, miné par son angoisse, il avait hâte d’en finir.

Il portait en lui cette part de génie qui est si proche de la folie…

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver juste pour ce site parce que la pub permet à la presse de vivre.

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Monaco-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.