L'heure est grave mais tout n'est pas perdu. Le dernier rapport de synthèse du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec) a été publié, ce lundi 20 mars. Son président, Hoesung Lee est clair: ce rapport est certes un appels aux décideurs politiques de faire plus et plus rapidement, mais il est aussi "un message d'espoir".
"Ce rapport est un message d'espoir pour faire face aux différents défis climatiques. Il indique clairement que nous avons le savoir-faire, la technologie, les outils, les ressources financières et tout ce dont on a besoin pour surmonter les problèmes climatiques que nous avons identifiés, que nous connaissons depuis longtemps", a-t'il dit.
La synthèse de neuf années de travaux du Giec sur le climat sonne lundi comme un rappel brutal de la nécessité pour l'humanité d'enfin agir radicalement au cours de cette décennie cruciale pour s'assurer "un futur vivable".
Ce que dit le rapport du GIEC?
Le réchauffement climatique atteindra 1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle dès les années 2030-2035, prévient le Giec, alors que la température a déjà grimpé de près de 1,2°C en moyenne. Cette projection est valable dans presque tous les scénarios d'émissions de gaz à effet de serre de l'humanité à court terme, compte tenu de leur accumulation depuis un siècle et demi.
Les émissions de CO2 qui émaneraient des infrastructures fossiles existantes, si elles ne sont pas équipées de moyens de captage, suffiraient à elles seules à faire basculer le monde vers les 1,5°C. Mais "des réductions profondes, rapides et prolongées des émissions (...) conduiraient à un ralentissement visible du réchauffement mondial en environ deux décennies", écrit aussi le groupe de scientifiques pour le compte de l'ONU.
"Pour tout niveau de réchauffement futur, de nombreux risques associés au climat sont plus élevés que ce qui avait été estimé" dans le précédent rapport de synthèse de 2014, écrivent les scientifiques. Ils s'appuient sur la multiplication observée récemment des événements météo extrêmes comme les canicules, et de nouvelles connaissances scientifiques, par exemple sur les coraux. "En raison de la montée inévitable du niveau des océans, les risques pour les écosystème côtiers, les personnes et les infrastructures continueront à augmenter au-delà de 2100", soulignent-ils aussi.
Les années les plus chaudes que nous avons vécues jusqu'à présent seront parmi les plus fraîches d'ici une génération
La question des "pertes et dommages" causés par le réchauffement et déjà subis par certains pays, en particulier les plus pauvres, sera l'un des sujets de discussion à la COP28. "La justice climatique est cruciale car ceux qui ont contribué le moins au changement climatique sont affectés de manière disproportionnée", souligne Aditi Mukherji, l'une des auteurs de la synthèse. Concernant la chaleur, celle-ci s'accentuera. "Les années les plus chaudes que nous avons vécues jusqu'à présent seront parmi les plus fraîches d'ici une génération", résume pour l'AFP Friederike Otto, coautrice de la synthèse, qui représente cette réalité par un graphique coloré de rouge plus ou moins foncé.
"Certaines choses sont plus faciles à faire accepter aux gouvernements lorsque c'est dans les infographies" plutôt qu'explicitement dans le texte, explique-t-elle. Les huit dernières années ont déjà été les plus chaudes jamais enregistrées au niveau mondial. A l'avenir, elles compteront donc parmi les plus fraîches du siècle, quels que soient les niveaux d'émissions de gaz à effet de serre. Ce constat souligne la nécessité de mener de front les efforts d'adaptation au changement climatique et ceux de réduction des émissions pour ne pas l'aggraver encore plus.
"L'avenir est vraiment entre nos mains"
Si le constat est alarmant, il est toutefois encore possible d'inverser la machine ou du moins, la ralentir. Pour Gerhard Krinner, un des auteurs principaux: "Si nous agissons maintenant, nous réduirons fortement les émissions et le réchauffement ralentira. Nous verrons les effets sur les tendances de la température moyenne mondiale d'ici 20 ans."
Peter Thorne, climatologue, un des auteurs principaux de la synthèse du Giec: "La vraie question est de savoir si notre volonté de réduire rapidement les émissions signifie que nous atteindrons 1,5°C, que nous dépasserons un peu puis que nous redescendrons, ou si nous franchirons allègrement ce seuil, voire deux degrés, et si nous continuerons sur notre lancée. L'avenir est vraiment entre nos mains."
Ottmar Edenhofer, directeur de l'Institut de Potsdam pour la recherche sur l'impact du climat (PIK), co-président du groupe de travail 3 du Giec explique de son côté, qu'il est possible de réduire ses émissions de CO², sans tirer un trait sur la croissance économique : "Il y a aussi de bonnes nouvelles dans le rapport qui montre que dans certaines régions, le découplage entre les émissions de CO2 et la croissance économique commence et va s'amplifier, c'est-à-dire qu'une qualité de vie élevée est également possible avec de faibles émissions."
"Ce rapport de synthèse souligne l'urgence à prendre des mesures plus ambitieuses et montre que, si nous agissons maintenant, nous pouvons toujours assurer un futur vivable pour tous", insiste toutefois le président du Giec, Hoesung Lee. La nouvelle synthèse "dit dans des termes très, très clairs où nous en sommes, mais elle signale aussi qu'il y a toujours une possibilité, avec un effort mondial significatif, d'atteindre l'objectif des 1,5 degrés", a affirmé Simon Stiell, le secrétaire exécutif de l'ONU Climat. "La fenêtre d'action se rétrécit, mais elle existe encore", a-t-il dit en marge d'une réunion préparatoire à la COP 28.
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