"La consommation d'eau a baissé de 12% dans mon village". Ce maire raconte comment il fait face à la sécheresse

Agriculteur, hydrologue, maire... ils se trouvent tous confrontés à une sécheresse inédite. L'avaient-ils prévu? Comment gèrent-ils cet aléa climatique? Dans ce format témoignage, Nice-Matin part à la rencontre de ces acteurs pour comprendre avec eux l'impact de la sécheresse dans leur quotidien, ses enjeux et les solutions qu'ils mettent en œuvre pour y parer. Un carnet de bord au long cours à découvrir chaque week-end tout au long de l'année. Ce samedi, Michel Gros, maire du village rural varois La Roquebrussanne.

Aurélie Selvi - aselvi@nicematin.fr Publié le 16/09/2023 à 19:30, mis à jour le 18/09/2023 à 12:54
Michel Gros, maire de La Roquebrussanne Photos Frank Muller, Gilbert Rinaudo et DR

Qui est l’interlocuteur et pourquoi participe-t-il à notre carnet de bord sécheresse?

Michel Gros est maire de la Roquebrussanne, village varois niché au cœur de la Provence verte, et président de l’antenne départementale des Maires ruraux de France. Comme beaucoup d’élus locaux, il est confronté au quotidien à la raréfaction de l’eau. Et il n’a pas attendu les épisodes de sécheresse, quasi continus depuis 2022, pour s’en soucier.

Dès 2008, l’édile a ainsi demandé à connaître "chaque mois le volume prélevé sur la ressource" à l’échelle de son territoire. Dans ce village, longé par l’Issole, rivière qui prend sa source au sud de Mazaugues, l’approvisionnement d’environ 2500 habitants repose en grande partie sur un forage, au niveau de la nappe de Valescure, et sur la source des Neuf-Fonts.

Quelle est la situation à la mi-septembre?

Il y a deux mois, on l’avait quitté soucieux de l’assèchement des sols, martelant ses appels à la sobriété. En cette rentrée, au climat toujours estival, Michel Gros tient d’abord à se réjouir. "Depuis le début de l’année, la consommation d’eau potable sur la commune a baissé de 12%, soit 15 000 m3 de moins qu’en 2022. A La Roquebrussanne, la prise de conscience est là, je l’espère pérenne!", constate le maire. Le fruit d’un effort collectif des habitants, des services techniques… mais aussi de renoncements, comme le fleurissement de la commune.

Si les usages changent, la nature, en revanche, suit l’inexorable effet domino du dérèglement. L’Issole, rivière qui faisait le charme de village, ne coule plus "depuis plus d’un an". "A la source des Neuf-Fonts, l’une des deux qui fournit le village en eau, on avait généralement jusqu’à 150 m3 par jour. On est passé à 24 m3 aujourd’hui", étaye le maire. Quant au forage de Valescure, alimenté richement par un massif de roches karstiques (propices à la dissolution) où la ressource s'infiltre bien, il voit toutefois le niveau de sa nappe phréatique baisser lentement mais sûrement depuis 2019.

"Sans eau, pas de forêt. Sans forêt, pas de stockage de carbone… Tout est lié!"

Et le manque d’eau ricoche de tous côtés, constate Michel Gros. "On avait joué les bons élèves en répondant à un appel à projet de la Région Sud pour planter 350 arbres et végétaliser le village. Mais en diminuant l’apport en eau, ces arbres jeunes souffrent", souligne l’élu, qui a toutefois arraché une dérogation au préfet du Var pour faire passer de 2 à 3 ans l’autorisation d’arrosage après plantation. Les spécimens anciens, aussi, sont à la peine.

"Un arbre a une capacité de résistance au stress hydrique de 3 ans environ. Or, la sécheresse dure… Résultat: les ormes sont morts et on voit les gros chênes commencer à dépérir. Je ne suis pas de nature pessimiste, mais je me questionne sur l’avenir de certains arbres dans le Moyen Var", s’interroge l’élu, préoccupé aussi pour le secteur viticole, si emblématique de son coin.

"L’année dernière, nous n’avons pas eu les pluies d’automne qui remplissent les nappes, ni celles de printemps qui font démarrer la vigne. Les précipitations conséquentes sont arrivées en juin, favorisant le développement du mildiou [parasite ravageur de cultures] et compliquant le travail des agriculteurs", pointe Michel Gros, conscient de la globalité des problèmes climatiques. "Sol, eau, air… On ne peut pas traiter une thématique sans embrasser la totalité des enjeux. Sans eau, pas de forêt. Sans forêt, pas de stockage de carbone… Tout est lié!"

Quelle est son action actuellement?

Conscient de l’équilibre plus que fragile du forage donnant à son village accès à l’eau potable, Michel Gros attend toujours le feu vert de l’Agence régionale de santé pour en créer un autre sur la nappe des Neuf-Fonts, comme il l’expliquait déjà en février dernier. Il lui faudra pour cela composer avec "le temps fou" de l’instruction d’un tel dossier, qui se chiffre en années…

Alors le maire rural se concentre sur les missions sur lesquelles il a prise et qui portent leurs fruits comme la sensibilisation, de ses administrés à la frugalité, tout au long de l’année. En restant toutefois humble sur son rôle. "Dans les territoires ruraux, les gens sont déjà plus sensibles à ces questions. Quand on vient vivre à la campagne, on aime la nature. Et les indicateurs sont sous notre nez: lorsque la rivière est à sec, les habitants se doutent bien qu’il y a un problème. Mais en tant que président des Maires ruraux du Var, je vais continuer à plaider pour plus d’égalité entre territoires ruraux et urbains. Il faut qu’on comprenne que l’eau ne vient pas du robinet."

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