L'histoire fascinante, terrifiante, et oubliée de l'actrice monégasque Mireille Balin, la "French Greta Garbo"
C’est une énigme de la culture populaire. Comment Mireille Balin, considérée comme la plus belle actrice des années 30 a pu disparaître de nos mémoires ? Un auteur tente de remédier à cet oubli.
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Ludovic MercierPublié le 13/06/2020 à 15:48, mis à jour le 13/06/2020 à 15:49
Mireille Balin a vécu un amour passionné avec Tino Rossi, avec qui elle pose ici.Photo DR
Les Britanniques disaient qu’elle était la "French Greta Garbo". Le New York Times la considérait plus convaincante en femme fatale qu’Hedy Lamarr (à l’époque considérée comme la plus belle femme du monde).
Et pourtant, Mireille Balin, actrice phare des années trente, monégasque de naissance, a disparu de nos mémoires.
Quand l’on évoque Pépé le Moko ou Gueule d’Amour, c’est à Jean Gabin que l’on pense. Pas à celle qui faisait battre son cœur alors. La faute, sans doute, aux mauvais choix qui ont parsemé sa vie.
Née à Monaco en 1909, elle devient mannequin, puis comédienne. Elle est courtisée par Hollywood, où elle tente sa chance avant de claquer la porte.
Mireille Balin a une vie amoureuse trépidante. Elle séduira Young Pérez, boxeur tunisien champion du monde, mort en déportation ; François Coty, riche industriel du parfum [dont l’empire est devenu le groupe Coty, propriétaire de Lancaster, à Monaco, ndlr], puis Raymond Patenôtres, ministre ; le comédien Jean Gabin ; et le chanteur Tino Rossi.
Tragédie à Monaco
Mais la liaison qui lui sera fatale, c’est avec Birl Deissböck qu’elle la vivra. Un officier allemand de la Wehrmacht avec qui elle sera arrêtée à Monaco.
Là, avant d’être envoyée en prison à Nice, elle sera violée par les hommes des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI). Un événement dont elle ne se relèvera véritablement jamais.
Détruite, elle ne jouera plus jamais et sombrera dans la misère. Elle ne connaîtra même pas les années soixante-dix, ni la libération de la femme. Une vie qui ressemble à s’y méprendre à un scénario de film. À un mythe.
On a tout dit de Mireille Balin. Mais on a surtout laissé la part belle à la rumeur. Personne n’a véritablement cherché à connaître la vérité avant Loïc Gautelier, comédien et metteur en scène, qui a sorti un livre déchirant, en janvier dernier.
Un ouvrage remarquable d’exhaustivité, qui condense le résultat de sept années de recherches. Aussi complet qu’un rapport d’enquête, aussi saisissant qu’un roman.
"J’ai fait des études de droit. Et en tant que juriste, ce que je voulais, c’était avoir des preuves et des témoignages. Que tout soit documenté", confie Loïc Gautelier.
Du mythe à la réalité
À mesure qu’on tourne les pages, on réalise à quel point il est devenu proche de Mireille Balin. À quel point sa légende est entrée dans sa vie.
"Tout a commencé un soir, alors qu’on regardait Gueule d’Amour à la télévision. J’ai vu cette très belle femme, et elle ne me disait rien. Je n’avais aucun souvenir d’elle dans d’autres films. Une femme si belle, élégante, avec une très grande classe mais aussi des petites touches populaires… qu’on ne la connaisse pas, c’était un vrai mystère. J’ai cherché sur internet, et je n’ai rien trouvé, à part une biographie très romancée."
Le mystère va alors tourner à l’obsession. Plus il cherche, plus il trouve. Plus il trouve, plus il est fasciné.
"J’ai été très aidé par les archives de Monaco, de Nice et de Cannes. Ils m’ont très bien accueilli, et ils ont fait un travail de recherche remarquable. Quand ils m’ont montré les rapports de police où figuraient ses empreintes digitales et sa signature, ça a été un grand moment d’émotion".
Loïc Gautelier remarque alors qu’on a beaucoup fantasmé la vie de Mireille Balin.
"On a dit que son père était journaliste à la Tribune de Genève, voire même qu’il en était propriétaire, alors qu’il était typographe. On a dit qu’elle avait été frappée d’indignité nationale après la guerre, alors que c’est totalement faux, j’ai consulté les listes. On a même dit que Birl Deissböck, son officier allemand, avait été exécuté par les FFI, alors qu’il est mort en Allemagne en 2010."
Si la relation que Mireille Balin entretient avec Birl Deissböck est sans doute à l’origine du sort que lui réservera l’opinion publique, les recherches de Loïc Gautelier viennent amener une précision cruciale: "Elle est tombée amoureuse de lui avant la guerre. Ça change tout. Ce n’est pas une relation d’intérêt, ou une fascination exercée par l’uniforme. Et ça n’a rien à voir avec la politique. Il faut se remettre dans le contexte: à l’époque, les femmes ne font pas de politique. Elle, c’est de l’homme dont elle tombe amoureuse".
Une idylle dévastatrice, qui ne sera pourtant pas la plus passionnée de sa vie, ni la plus passionnante de l’ouvrage.
Mireille Balin, ici avec Jean Gabin, dans Gueule d’Amour. Elle était l’incarnation de la beauté de l’époque. Elle a surtout joué les femmes fatales, ce qui a peut-être contribué à ternir son image. Photos DR.
Un rêve de documentaire
À mesure de son enquête, l’auteur va d’archives en rencontres. Il se retrouve au téléphone avec Danielle Darrieux, autre légende de l’époque disparue en 2017. Il rencontre des témoins qu’il filme. "J’aimerais pouvoir en faire un docufiction", confie-t-il.
De Monaco à Hollywood, en passant par Cap-d’Ail, les studios de la Victorine, les moulins de Grasse, Paris, ou Cannes, la biographie de Mireille Balin nous fait voyager dans le temps, à la découverte du destin aussi tragique qu’incroyable de celle qui fût la plus belle femme du cinéma français.
Dans son livre, Loïc Gautelier écrit: "Mireille Balin assume complètement et définitivement cette vie. Une vie de rêve dans une réalité de cauchemar, cernée par la mesquinerie, la jalousie, la guerre, mais où elle restera elle-même, en accord avec elle-même, jusqu’au bout, contre vents et marées."
Savoir + Mireille Balin, par Loic Gautelier. Editions Passagers du Rêve. ISBN : 979-10-699-2525-0 Commande directe sur : passagersreve.wixsite.com/mireillebalin
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