À l’ombre de la tour Odéon, Patrice Attendoli déboule en Harley-Davidson. L’image du gros dur sur sa vrombissante monture s’évapore vite à la vue de sa mine affable et ses bacchantes grisonnantes.
La veste en cuir laisse deviner un maillot et une écharpe estampillés "Roca Team".
L’AS Monaco Basket, c’est toute sa vie. À tel point qu’une partie de ses bureaux de "Munegu déménagements", nichés avenue de l’Annonciade, a des allures de petit musée.
Au mur, les photos signées d’anciens et actuels joueurs flirtent avec des posters de l’effectif asémiste et des clichés de lui aux côtés d’autres aficionados du club. Deux répliques de trophées encerclent trois ballons signés par les basketteurs, dont l’un lui a été remis par les dirigeants un soir de match.
Une façon de le remercier pour sa fidélité et son amour viscéral pour l’institution. Depuis ce jour, il porte le statut de "supporter numéro 1 du club".
"Cela fait chaud au cœur, ça donne une obligation de bien se comporter, de mettre le club en évidence partout où je vais", confie ce résident monégasque.
"Pas loupé un match"
En une décennie à Gaston-Médecin, le septuagénaire affiche, à la louche, plus de 400 matchs au compteur. « Je n’en ai pas loupé un, à part depuis la crise sanitaire bien sûr », nuance-t-il.
Derrière le banc des Rouge et Blanc, l’excentrique et détonnant septuagénaire– il se décrit de la sorte– n’a de cesse de s’époumoner. "Dans la salle, je me transcende. Mais je fais attention à ne pas déstabiliser un joueur concentré." Il le concède sans ambages: l’aventure Roca Team a commencé un peu "par hasard". Sur le tard.
"Vers 2011, une copine de mon fils m’a proposé d’aller voir un match à Gaston-Médecin. Je ne savais pas ce qu’était le basket. Je ne m’intéressais qu’à mon travail, je bossais 15 heures par jour. J’allais voir le foot, mais quand il y avait un 0-0, j’avais l’impression de perdre mon temps", se souvient-il.
Le club évolue alors en NM2, le quatrième échelon en basket.
"Il y avait 20 à 30 personnes dans la salle. C’était le calme plat. Mais j’ai été happé par le jeu. Un vrai coup de foudre pour ce sport."
"Nous aimons Patrice, comme lui nous aime"
"Et puis, le bon Dieu est arrivé: Sergei Dyadechko. Un homme réservé mais connaisseur du basket. Avec lui et Oleksiy Yefimov, on a connu une progression fulgurante."
Il ne manque alors rien des montées successives jusqu’en Pro A, se déplace dans la France entière– "en voiture, en train et à moto"– pour clamer son amour de la Roca Team, crée des affinités avec les joueurs et même l’actuel coach.
"Nous aimons Patrice, comme lui nous aime", glissera même Zvezdan Mitrovic, face caméra.
Ce soir face à Kazan, en finale d’EuroCup, Patrice Attendoli ne déboulera pas deux heures en amont de la rencontre, ne prendra pas le pouls de la salle, ne saluera pas ses acolytes en tribunes.
À son grand désespoir. Crise sanitaire oblige, il suivra à la télévision ce match de légende, diffusé en clair
"On est orphelins par la force des choses. Un supporter seul, c’est une personne triste, soupire-t-il. Les joueurs ont besoin de supporters pour être transcendés. On espérait qu’un noyau dur puisse être autorisé à encourager nos joueurs, à mettre la pression sur l’équipe adverse. J’avais même envoyé un courrier au prince Albert pour lui demander."
En vain. La rencontre se tiendra bien à huis clos.
"Pas là par hasard"
Patrice Attendoli zieute déjà avec avidité la saison prochaine. Le club disputera l’EuroLigue face aux mastodontes européens. "Il faudra prouver que ce n’est pas volé. On n’est pas là par hasard. On l’a mérité."
Bientôt à la retraite, le supporter n° 1 de la Roca Team compte bien barouder sur les routes européennes pour se frayer une place dans les tribunes adverses.
"Ce sont des choses à vivre dans sa vie. Ce sera peut-être une fois, pas deux. Jamais je n’aurais imaginé vivre une telle passion, une telle ferveur".
commentaires