"J’ai été dépassée", Valériane Vukosavljevic raconte ses JO... enceinte

Médaillée de bronze avec les Bleues aux Jeux cet été, la basketteuse Valériane Vukosavljevic a disputé la compétition enceinte. Une nouvelle qui a fait grand bruit. Un retentissement auquel elle ne s’attendait pas.

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Christopher Roux Publié le 07/10/2021 à 19:27, mis à jour le 07/10/2021 à 19:23
A Tokyo, l’ailière de Basket Landes a vécu un moment "intense et fort". (Photo Jean-François Ottonello)

Valériane Vukosavljevic ne risque pas d’oublier Tokyo de sitôt. Des Jeux Olympiques bouclés avec du bronze autour du cou et qu’elle a disputés enceinte de trois mois et demi. Présente au Sportel de Monaco mercredi, la Girondine est revenue sur un tournoi à part et l’annonce d’une grossesse qui n’est pas passée inaperçue. Au Japon, seules trois de ses coéquipières étaient dans la confidence, avec la sélectionneure Valérie Garnier et son staff. De retour en France, l’ailière de 27 ans a été submergée puisque la maternité des sportives reste un sujet tabou en France. Au Grimaldi Forum, elle s’est aussi confiée sur l’avenir des Bleues. Quelques heures après cet entretien, Garnier, qui n’avait pas été reconduite, a cédé sa place à Jean-Aimé Toupane, ancien joueur de Monaco et coach de Hyères-Toulon et d’Antibes.

Valériane, comment vous portez-vous?

Tout va bien. Je prends le temps de profiter pleinement de cette grossesse. C’est la première et c’est une nouvelle aventure pour moi. Je me repose. J’ai arrêté le basket mais je continue à m’entretenir. J’en ai besoin. Je fais en fonction de ce que mon corps réclame. On rigole encore de tout ça avec mes coéquipières. Certaines me disent: ‘‘Comment a-t-on fait pour ne rien voir?’’

Qu’est-ce qui reste de cette médaille, deux mois après?

Une belle histoire d’équipe qui a été faite de hauts et de bas très forts. Elle s’est construite depuis le championnat d’Europe et sa finale perdue (en juin, NDLR). Il a fallu savoir rebondir et aller chercher une jolie médaille aux Jeux. On peut avoir de la déception sur certains matchs mais la médaille reste vraiment belle.

Avez-vous été surprise du retentissement qui a suivi l’annonce de votre maternité?

Cela a pris une ampleur assez exceptionnelle. J’ai même été dépassée à certains moments. J’en parlais avec Caroline (sa chargée de presse) et je lui disais je n’en pouvais plus, je ne contrôlais plus rien. Quand j’ai annoncé ma grossesse, c’était une manière officielle de dire que cette année je ne jouerai pas et que je reviendrai dès que possible. J’avais prévenu mon club et j’ai donc été surprise. Heureusement, je suis partie à Los Angeles une semaine voir mon frère et cela m’a permis de couper et de revenir ressourcée. J’avais passé du temps avec ma famille et j’en avais besoin. Après avoir été impressionnée, j’ai pris conscience de l’impact que le message avait.

Vous devenez alors porte-drapeau pour les sportives de haut-niveau et leur droit à la maternité…

Je me battais déjà pour cette cause à la base et je le fais davantage depuis que je le vis. Cela s’est fait naturellement. Beaucoup de sportives ont fait le choix d’être mamans et de revenir mais on n’en parle pas tant que ça. Je m’en suis rendu compte parce que pas mal de jeunes et de femmes m’ont écrit et posé des questions. Cela venait aussi d’athlètes olympiques. "Jouer enceinte, est-ce du dopage en raison des hormones? Est-il possible de revenir? As-tu peur?" Le sujet est tabou parce qu’on n’est pas informés. On n’a pas de retours d’expérience là-dessus. En avoir un est important. Plus on en parlera, mieux c’est. Je suis juste enceinte et ce n’est pas une maladie. Des millions de femmes le sont. Mais quand cela a pris de l’ampleur, je me suis dit qu’il faut aller plus loin et en parler.

Ne craignez-vous pas d’être considérée seulement comme celle qui a fait les Jeux enceinte?

C’est un risque mais mon palmarès montre déjà que je ne suis pas que ça. J’ai gagné des choses avant d’être enceinte et je compte bien gagner à nouveau des championnats de France. Et puis je m’en tape un peu, ce n’est pas mon problème de savoir comment les gens vont parler de moi. J’aurai tout le temps cette image mais c’est un fait.

Vous vous engagez dans cette lutte comme Allyson Félix ou Serena Williams…

C’est flatteur mais je n’ai pas la prétention de me placer à côté de ces icônes mondiales. Par mon histoire, on partage un point commun. Des dizaines et des dizaines de sportives sont devenues mères avant moi et j’espère qu’il y aura encore beaucoup d’autres après moi.

Valérie Garnier n’est plus sélectionneure… Vous vous y attendiez?

Ça peut se comprendre comme on aurait pu attendre après les Jeux de Paris. La solution parfaite n’existe pas. Les joueuses jouent, les présidents décident. Chacun son job. Tout doit être fait dans l’objectif d’aller chercher un titre.

Vous avez bien ressenti quelque chose…

Je suis juste là pour faire mon métier et jouer. Cela faisait huit ans qu’elle était à la tête de l’équipe. Il y a eu des hauts et des bas. Cela va être un énorme changement mais cela fait partie du basket et de la vie des sélections. A nous d’avancer.

Est-ce que certaines joueuses l’avaient lâchée?

Le mot ‘‘lâché’’ n’est pas du tout adapté. Je n’y crois pas et j’étais au sein du truc. Cela veut dire quoi, qu’on aurait arrêté de jouer? L’équipe est restée soudée. Oui, cela matchait avec des joueuses et pas avec d’autres mais ce sera aussi le cas avec le prochain sélectionneur, quel qu’il soit.

C’est naturel et humain. Les joueuses, on s’en veut forcément après ce départ. Mais ce n’est pas seulement de notre faute. C’est la responsabilité de tout le monde.

Personne n’a demandé sa tête après les Jeux?

C’est la fin d’un cycle et certaines étaient frustrées ou n’adhéraient plus au projet tel qu’il était présenté. Cette frustration, c’est le fait de ne pas avoir décroché le titre européen. On actionne tous les leviers pour aller le conquérir dans le futur. Certaines ont pris position après les Jeux mais sans dire qu’il fallait mettre la coach dehors. On sait ce qu’on perd et on ne sait pas ce qu’on va découvrir.

Le groupe a-t-il été sondé par le président Jean-Pierre Siutat au sujet de son successeur?

Les cadres ont été sollicitées, il nous a questionnées sur certains points, sur la manière dont on ressentait les choses. Ce sera sa décision. Est-ce que je souhaite que ce soit Valéry Demory, avec qui j’ai histoire particulière (il lui a permis de retrouver les Bleues avec Montpellier entre 2014 et 2016)? C’est un très bon coach, mais j’ai eu aussi des liens avec d’autres entraîneurs.

Il faut aller chercher le premier titre de cette génération?

C’est un besoin. On a la chance d’avoir un mélange entre trois générations dans cette belle équipe. Cela fait un moment qu’on travaille ensemble. On n’a pas gagné quatre médailles d’argent à l’Euro mais perdu quatre médailles d’or. Il y a un petit blocage.

Qu’est-ce qui vous manque?

Ce petit supplément d’âme. On voit qu’on est meilleures dans la difficulté. On semble mieux dans cette configuration que lorsqu’on surfe sur une compétition. C’est là qu’on arrive à se révéler. Avec le caractère qu’il y a dans cette équipe.

Il faut cesser d’attendre d’être dos au mur pour performer ?

C’est ce qu’on s’était dit après l’Euro. Ce serait bien d’être un peu plus dans l’action. Est-ce que cela viendra avec le changement de coach? Ça ne passera pas seulement par là. Ça doit venir aussi des filles. Il faut qu’on trouve les solutions. On en parle souvent entre nous.

Et qu’est-ce qui ressort de vos discussions?

On a des personnalités différentes. Certaines vont stresser à l’approche d’un grand rendez-vous, d’autres seront plutôt excitées. Il faut se servir de celles qui arrivent à passer au-dessus de la pression et réussir à combiner nos caractères. On perd souvent contre les Espagnoles et les Serbes, deux peuples qui vivent le sport dans l’émotion et à 200%. On doit trouver notre petit truc nous aussi. La culture française est davantage dans la réserve, mais on doit trouver une identité.

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