Théoriquement mixte, mais où sont les femmes dans les baquets de F1?
Bien que théoriquement mixte, la Formule 1 est aujourd’hui orpheline de pilotes femmes sur les grilles de départ des Grands Prix. Les choses évoluent peu à peu mais beaucoup reste à faire
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Thibaut ParatPublié le 25/05/2019 à 16:04, mis à jour le 25/05/2019 à 16:03
Tatiana Calderón, pilote d’essais chez Alfa Romeo Racing. Jean-François Ottonello
"Une femme en Formule 1 ? Ça ne me dérange pas du tout. La femme est un être humain comme l’homme. Il y a des différences mais ça n’a rien à voir avec le pilotage." En 1975, au micro d’Automoto sur TF1, le commentaire du - regretté - Niki Lauda tranche avec les mœurs d’un milieu à forte proportion masculine. Cette année-là, au Grand Prix d’Espagne, Maria Grazia Lombardi, dite « Lella », figure sur la grille de départ. Si le jeune pilote de Ferrari capitule à la suite d’un accident, l’Italienne grappille 0.5 (petits) points en finissant sixième. C’est, à ce jour, les seuls points inscrits par la gent féminine dans la discipline reine. "La Formule 1, comme l’équitation est un sport mixte. C’est inscrit dans le règlement. On n’est plus dans un milieu aussi cloisonné et machiste qu’auparavant. La place des femmes est plus importante, acceptée et légitime. Ce n’est pas pour autant que tout est gagné", confie Margot Laffitte, présentatrice de Formula One sur Canal +, elle-même ancienne pilote.
Débat sur la capacité physique en F1
Le grand public l’ignore sans doute mais d’autres athlètes féminines ont tutoyé la Formule 1. Elles se comptent, toutefois, sur les dix doigts des mains. Il y a eu, jadis, Maria Teresa de Filippis. Trois Grands Prix au compteur en 1958. Ou encore Divina Galica, Désiré Wilson et Giovanna Amati, ces trois-là n’ayant jamais réussi à se classer aux essais. De courtes apparitions sans lendemain, donc.
Plus récemment, le milieu a vu débouler d’autres héritières : Carmen Jorda, furtive pilote de développement pour Lotus et Renault, Susie Wolff (lire ci-dessous), Simona de Silvestro ou encore Tatiana Calderón, actuelle pilote d’essai pour Alfa Romeo Racing. Toute récente, la nomination de Jamie Chadwick comme pilote de développement chez Williams. Mais aucune, pour l’heure, ne figure parmi les vingt à se bagarrer pour rafler le trophée du championnat du monde de F1.
Lella Lombardi, seule femme de l’histoire à avoir marqué des points en F1. (DR)
Les expériences passées ont ancré l’idée que les femmes étaient incapables de rivaliser avec les hommes. Les détracteurs prêchant l’argument d’une résistance physique moindre. Les « G » subis dans les virages et accélérations étant, selon eux, trop éprouvants. « Les écuries vénèrent un premier totem : le chronomètre. Il se trouve que, pour l’instant, les femmes ont été moins rapides en piste que les hommes. Pour une raison physiologique, explique Philippe Vandel dans son livre Les Pourquoi du sport. La F1 demande d’énormes qualités musculaires et d’endurance (...) Or, il se trouve que les femmes possèdent 25 % de masse musculaire de moins que les hommes. »
Sans se mouiller sur ce volet, qui, devrait être soumis à des études, Margot Laffite estime que « les F1 sont plus accessibles qu’avant. Il y a beaucoup d’éléments non physiques qui rentrent en compte. »
Pour le Dr Alain Chantegret, délégué médical permanent à la FIA en F1, « les femmes peuvent tout à fait supporter les G. Selon moi, c’est plus une barrière psychologique que physiologique. Elles ont un sentiment de protection plus élevé qu’un homme. Quand elles ont un accident, elles auront plus tendance à s’arrêter. Elles prennent moins de risques, elles freineront un peu plus tôt, un peu plus fort et perdront des dixièmes de secondes », analyse-t-il.
J-F.O..
Création des W Series
En 2015, Bernie Ecclestone, l’ancien grand argentier de la F1, avait caressé l’idée d’un Grand Prix féminin, en lever de rideau du Grand Prix. Finalement, la FIA pondra en 2018 les W Series. Le premier championnat exclusivement réservé aux femmes. Un accueil mitigé, certain(e) s y voyant un beau tremplin pour titiller leur rêve du plus haut niveau ; d’autres une forme d’isolement. « Cela reste une belle plateforme pour permettre aux filles de courir gratuitement. Mais je ne saisis pas l’intérêt de les mettre dans une série à part, de faire une ségrégation. Pour pouvoir réussir, il faut être la meilleure des meilleurs et pas la meilleure des femmes », réagit Michèle Mouton, vice-championne du monde des rallyes en 1982 et présidente de la Commission pour promouvoir les femmes dans le sport automobile. Le sport automobile est aussi difficile pour les femmes que les hommes. Il faut beaucoup de volonté, de travail et d’opportunités. Il faut aussi pouvoir disposer du même matériel. On n’a pas la confiance des constructeurs. Il faut des budgets, s’octroyer une voiture de haut niveau. Je reste persuadée qu’on pourrait avoir des filles en Formule 1. »
Initiatives hors des pistes
Hors des pistes, Michèle Mouton, Susie Wolff et Tatiana Calderón ont lancé une opération de détection de jeunes talents, baptisée « Les filles en piste » pour les 13-18 ans. Cette dernière est aussi l’ambassadrice de Dare to be Different, l’association de promotion des femmes dans le sport automobile créée par Susie Wolff. Des initiatives qui ne font pas oublier une chose à la pilote d’essai d’Alfa Romeo Racing en F1 et pilote de F2 : "J’ai appris au cours de ma carrière qu’être performant donne du pouvoir. Si vous avez des résultats, votre genre n’a vite plus aucune importance."
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